La sirène sort de l'eau

En remportant la médaille d'or du 400 m aux JO d'Athènes le 15 août 2004, Laure Manaudou scelle son destin hors du commun. Les médias et le public s'emparent de cette championne d'exception de 17 ans. Grâce à son succès athénien, la France fête la seconde médaille d'or en natation de son histoire olympique, 52 ans après celle de Jean Boiteux sur la même distance. Ce sacre aux allures de conte de fées était en fait l'aboutissement d'un travail acharné. A Ambérieu-en-Bugey, dans l'Ain, entre son père, ancien handballeur, et sa mère, une Néerlandaise férue de badminton, elle se passionne pour la natation.

Son modèle: Roxana Maracineanu, première nageuse française championne du monde. Pour progresser, la surdouée quitte sa région à 14 ans et s'installe en région parisienne, à Melun-Dammarie, dans la famille de Philippe Lucas, un entraîneur alors sans référence. Au menu: deux fois 7 km par jour, soit 280 longueurs d'un bassin de 50 m, et trois séances de musculation par semaine.

L'entraîneur au look de hippie détonne, mais ses méthodes paient. Laure excelle désormais en dos, ainsi qu'en crawl sur les longues distances, du 200 au 1500 m. Le grand public découvre cette grande gamine timide en 2003, quand elle s'adjuge cinq titres aux Championnats de France. L'année suivante, à ses premiers Championnats d'Europe, elle rafle trois médailles d'or (100 m dos, 400 m libre et 4x100 m 4 nages), à trois mois des JO.

Puis c'est la consécration d'Athènes : or du 400 m libre, argent du 800 m et bronze du 100 m dos. C'est la gloire. Son papillon tatoué sur l'épaule est dans tous les magazines. Les médailles continuent de tomber, aux Championnats d'Europe 2005 en petit bassin (3 en or), puis en grand bassin en 2006 (7 dont 4 d'or) et aux Mondiaux-2007 à Melbourne (5 dont 2 d'or). Et alors que rien, ni personne ne semble devoir se mettre sur sa route, 2007 sera une véritable "annus horribilis". En mai, c'est la rupture avec Lucas. Entraînements trop durs, dit-elle. "Elle a envie de moins travailler", rétorque le "coach".

Aussitôt, Manaudou signe avec le club de Turin LaPresse pour se rapprocher de Luca Marin, son petit ami italien depuis 2006, nageur comme elle. En août, ciao Italia : les dirigeants du club lui reprochent son manque de motivation. Une rupture sur fond de différend financier. L'affaire ira même en justice. Repli sur Ambérieu et "début de la fin". Elle travaille avec son frère Nicolas, jeune entraîneur sans expérience de 21 ans. Elle conclut cette année avec deux nouveaux titres à l'Euro en petit bassin.

Mais un nouveau scandale éclate à l'automne: des photos d'elle, dévêtue, prises dans un contexte privé circulent sur internet. Manaudou se console avec son nouveau petit ami, Benjamin Stasiulis, un dossiste de Mulhouse. Mulhouse, où elle rejoint, début 2008, Lionel Horter, l'ancien coach de Maracineanu. Aux Jeux de Pékin, c'est le fiasco : 7e du 100 m dos, 8e du 400 m libre, élimination en demi-finales du 200 m dos. La championne sombre et quitte le bassin en pleurant. Elle part de Mulhouse, se sépare de Benjamin Stasiulis et rejoint le Cercle des Nageurs de Marseille en octobre.

Une expérience de courte durée puisqu'en janvier dernier, elle se dit saturée et arrête sa saison. Laure part vivre aux Etats-Unis avec son nouveau compagnon Frédérick Bousquet, vice-champion olympique 2008 du 4x100 m libre, qui s'entraîne à l'université d'Auburn, en Alabama. Loin de la presse et des bassins, la plus grande nageuse française de l'histoire occupe sa "pause " avec des opérations de promotion bien orchestrées et de timides apparitions au cinéma ou dans des pubs TV. En fait, elle préparait tranquillement sa retraite... à 22 ans.