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Covid19 - Echéances effacées et angoisses accumulées : les sportifs face au risque du "décrochage"

Sasha Beckermann

Mis à jour 05/04/2020 à 18:02 GMT+2

La pandémie de Covid19 a paralysé le sport dans le monde entier. Des centaines de sportifs et sportives de haut niveau sont contraints au repos forcé, sans grande certitude sur la date de leur reprise. Comment vivre ce confinement, dans l’incertitude de la reprise de la compétition ?

Pascal Martinot-Lagarde

Crédit: Getty Images

Pascal Martinot-Lagarde est soulagé depuis l’annonce du report des Jeux olympiques. Soulagé parce que c’était pour la meilleure solution possible, mais surtout soulagé car "la seule chose [qu’il] voulait c’était d’être fixé". Cependant, fixé, il ne l’est pas vraiment. Les Jeux ont été reportés certes, mais le confinement a été prolongé une première fois de deux semaines par le gouvernement français, alors que la pandémie de Coronavirus est toujours présente. Les annulations de compétition pleuvent, et aucune date de reprise ne peut être envisagée pour le moment. Comment rester motivé dans ces conditions ?
Pour le spécialiste du 110m haie, c’est simple, la compétition est passée au second plan : "Le sport de haut niveau je n’y pense pas pour l’instant. Depuis que l’on sait que les Jeux sont reportés d’un an, je fais du ‘sport santé’, et non plus du ‘sport performance’". Le médaillé de bronze des championnats du monde de Doha, confiné en région parisienne avec sa famille, se maintient en forme. Il n’a pas le temps de cogiter, le coureur dont l’énergie débordante se devine à sa voix, passe le temps en "faisant le ménage, en jardinant" et en se consacrant à l’une de ses autres passions : la photographie.
Pour le moment, le confinement se passe bien pour le coureur. Mais pour Thomas Aupic, préparateur mental et ancien gardien de but au Paris FC ou à Dijon, un sportif de haut niveau peut développer toutes sortes d’angoisses face à cette situation exceptionnelle et inhabituelle : "D’une part par l’amas d’informations très anxiogène qui nous parvient via les médias, les réseaux sociaux... Le lien social absent est également un élément qui peut générer des angoisses. Il y a peut-être aussi l’élément financier pour certains sportifs. Ils vivent grâce aux sponsors et aux subventions."
Martinot-Lagarde se définit comme un "hyperactif" et concède que l’entraînement à haute intensité lui manque : "Dès qu’on aura le feu vert du gouvernement, je vais m’en mettre plein la figure. J’ai fait le plein d’énergie, je me suis assez reposé." Le coureur n’a qu’un objectif : Tokyo 2021. Objectif qui pourrait lui permettre de garder sa motivation pendant cette période.
Thomas Aupic met en garde contre un "risque de décrochage" lié au flou qui entoure la reprise de la compétition : "Il est important de ne pas se focaliser sur des champs qui manquent de visibilité mais plutôt sur les aspects positifs à ces annulations. Pouvoir se préparer encore, pouvoir se renforcer, pouvoir peut-être élever ses objectifs de résultats." Et l’ancien gardien de but de prendre l’exemple de Roger Federer : "Les plus grands du monde sportif, à l’instar de Roger Federer, montrent leur frustration dûe aux annulations - celle de Wimbledon dans son cas - mais démontrent également d’une capacité à se projeter sur un nouvel objectif". L’homme au 20 Grands Chelems s’est tout de suite dit "impatient de revenir à Wimbledon" en 2021.

"Tout est remis en question"

Thierry Rozier, cavalier français, n’a plus vraiment d’objectif pour 2020. A bientôt 56 ans, les Jeux de Tokyo auraient dû marquer la fin de sa carrière sportive et celle de sa jument de tête, Venezia. Difficile pour lui de rester motivé : "C’était la meilleure des solutions. Mais cette échéance de 2020 me tenait à coeur. Tout est remis en question. Il faut maintenant que j’arrive à retrouver la motivation que j’avais." Et repartir pour un an pour Tokyo 2021 ? Le cavalier se laisse encore un peu de temps avant de prendre sa décision, mais "se tient prêt à repartir en concours dans les plus brefs délais" pour au moins terminer l’année 2020.
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Thierry Rozier

Crédit: Eurosport

Le frère du champion olympique de 2016 Philippe Rozier, le concède, les messages qu’il reçoit par centaines des réseaux sociaux lui ont permis de ne pas tout laisser tomber : "Les internautes me motivent et me disent des choses incroyables, qui me transcendent. S’ils n’étaient pas là, j’aurais baissé les armes." Les internautes, les coéquipiers, tout lien social est un bon moyen de rester motivé pour ces sportifs et sportives. Laura Glauser, la gardienne du Metz Handball, confirme que ses coéquipières sont "très importantes" pour elle : "On est un sport collectif, sans les autres on n’existe pas. On essaie de se motiver entre nous."
L’internationale française a d’autant plus besoin de ses coéquipières, que la situation est très particulière pour elle. Opérée des ligaments croisés il y a cinq mois, la vice-championne olympique de 2016 aurait dû faire son retour sur les terrains dans les prochaines semaines. Elle quittera son club, où elle évolue depuis plus de dix ans, à la fin de la saison pour rejoindre Györ. Difficile pour elle d’envisager une fin comme celle-là : "Ca a une saveur encore plus particulière. Si je ne peux pas rejouer un match avec Metz avant de partir, ça va être très dur."
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Laura Glauser

Crédit: Getty Images

Les conséquences physiques du confinement ne doivent pas être minimisées, même si la plupart des sportifs et sportives continuent de s’entraîner. Thomas Aupic précise : "Le corps aura ancré des tensions, des messages erronés, des émotions non-exprimées, des non-dits. Des blessures pourraient arriver et ce même quelques mois après cette période." Le préparateur mental est catégorique : "Les compétitions ne doivent surtout pas reprendre tout de suite car il va y avoir une phase d’adaptation à suivre afin que l’individu puisse ‘nettoyer’ physiologiquement, psychologiquement les méfaits d’une sédentarité imposée." Les athlètes, eux, vont devoir "se préparer à des performances qui ne représentent pas ce qu’ils sont". Le retour à la normale, ce n’est pas pour tout de suite.
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