De la triche au trash talk : Donald Trump, un drôle de rapport au sport et au monde
Mis à jour 13/08/2025 à 09:07 GMT+2
Donald Trump triche au golf, ment sur son poids et sa taille, soutient les “JO du dopage”, s’attaque aux athlètes transgenres et à ceux qui s’engagent contre le racisme et les violences policières, aime voir les dirigeants du sport mondial lui baiser la main… Finalement, le rapport qu’entretient le président américain au sport est le même qu’il entretient au monde.
Donald Trump lors d'une conférence de presse liée aux JO de Los Angeles 2028.
Crédit: Getty Images
Rick Reilly s’est donné une mission dans la vie. Cet ancien journaliste sportif américain a réalisé un travail colossal de documentation pour prouver que Donald Trump est un immense tricheur au golf… et aussi un peu dans la vie. Dans son livre Tricheur en chef, ce que le golf dit de Trump, l’ancien de chez Sports Illustrated démonte un par un les mensonges de Trump à propos de son niveau au golf et tente, par la même occasion, de brosser un tableau de la psyché du personnage.
Les 18 championnats de club que Trump clame avoir gagné ? Rick Reilly démontre qu’ils sont inventés, ou alors gagnés sur des parcours créés par l’intéressé, sur lesquels il a d’abord joué seul pour s’adjuger les titres. L’ex-journaliste a également recueilli des témoignages de personnalités qui ont joué avec le milliardaire et qui s’accordent tous sur un point : c’est un énorme tricheur. Au point de se retrouver surnommé "Pelé" en l’honneur de sa technique balle (de golf) au pied pour se rapprocher du trou.
Des tours de piste de Nascar en limousine présidentielle
Pour résumer, retenons une phrase de l’ouvrage de Rick Reilly : "Les faits et la vérité sont pour Trump ce que les scores du golf sont pour lui : des choses malléables au gré de sa volonté et de ses humeurs." Car quand il s’agit de sport, le président républicain qui parait si versatile, ne s’investit pas au doigt mouillé. Le golf en premier lieu, évidemment, est un emblème des élites économiques américaines. Mais ce n’est pas tout. C’est ce qu’a remarqué Raphaël Le Magoariec, géopolitologue spécialisé dans le sport : "Il s'inscrit dans une volonté d'investir le sport et notamment les sports les plus conservateurs. Je parle du Nascar, ou du baseball par exemple."
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La limousine présidentielle de Donald Trump sur le circuit de Daytona.
Crédit: Getty Images
En février dernier, le milliardaire s’était offert quelques tours de piste dans "The Beast", sa limousine présidentielle blindée, avant le top départ des 500 miles de Daytona. Et en mars, il faisait part de son intention de gracier à titre posthume un certain Pete Rose, un des plus grands joueurs de l’histoire du baseball, privé d’une entrée au Hall of fame, pour avoir parié de l’argent sur ses propres matches.
Un investissement dans le sport bien avant la politique
Longtemps avant sa carrière politique, le magnat de l’immobilier, qui assure qu’une carrière en MLB l’attendait s’il ne s’était pas lancé dans le business, avait déjà accompagné médiatiquement la croissance du MMA, accueilli des combats de boxe dans sa Trump Tower et des archives de lui en train de se chiffonner avec des catcheurs autour d’un ring de la WWE sont trouvables sur internet (oui oui).
"Il s'est associé très rapidement à des tendances sportives qui sont le reflet d'une certaine Amérique, analyse Seghir Lazri, sociologue spécialiste du sport. Avec le MMA, la boxe et le catch, qui ont à la fois une dimension très populaire et très mercantile." Populaire et riche ? Voilà qui ressemble un peu à notre homme. Et quand il s’essaye à des sports un poil moins sulfureux, l’histoire d’amour ne dure pas bien longtemps. En témoigne le très éphémère Tour de Trump, course cycliste inspirée du Tour de France lancée aux États-Unis à la fin des années 80 qui n’a connu que deux éditions.
Tout ce cirque est au passage une occasion pour le bonhomme de se façonner une image viriliste. On le voit d’ailleurs très bien lorsqu’il assiste à des soirées de MMA organisées par l’UFC, auxquelles il est souvent convié puisque Dana White, le boss de l’organisation, est un de ses plus fervents soutiens. Trump, qui devrait accueillir une soirée de combats à la Maison Blanche en juillet 2026, y salue presque d’égal à égal les combattants qui viennent lui passer le bonjour torse nu, musculature congestionnée, encore transpirants et parfois sanglants du combat qu’ils viennent de mener. Est-ce cette même soif de virilisme qui a poussé le natif de New York à mentir sur le bilan médical après sa première élection pour afficher un solide 1,91m pour 108 kilos ?
Du spectacle et de la confrontation
C’est peut-être finalement le show qui attire Donald Trump dans certains sports plus que d’autres. Comme un papillon attiré par la lumière, il ne peut s’empêcher de se rendre là où sont braqués les projecteurs. Au point d’en incorporer certains éléments à sa façon de faire de la politique. "Trump a toujours calqué son image sur ce qu'est le sport spectacle, explique Seghir Lazri. Il est plutôt dans des sports où il y a de la mise en scène de confrontations."
Si les meetings trumpistes rassemblent les foules, c’est aussi parce que, parfois, elles ressemblent un peu à une conférence de presse d’avant combat en MMA, durant laquelle l’un des athlètes est un as du trashtalk. "Il brouille un peu les frontières entre le show politique et le show sportif", glisse Seghir Lazri.
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Donald Trump après un combat de Mike Tyson en 1988.
Crédit: Getty Images
"Comme les dictateurs en fait, il utilise le sport à sa gloire"
En rupture avec ses prédécesseurs, le 45e et 47e président des Etats-Unis se sert du sport pour tenter de construire sa propre image de grandeur plus que celle de son pays. "Il s'inscrit à la manière d'un Poutine ou d’un Xi Jinping en Chine dans le sport. Comme les dictateurs, il utilise le sport à sa gloire", analyse Raphaël Le Magoariec. Si bien que le sport de haut niveau devient une rampe de lancement pour ses idées, sa vision du monde.
Début février, par exemple, Trump signait un décret excluant les athlètes transgenres des catégories sportives féminines aux États-Unis. Son obsession du genre, il l’avait déjà mise en scène à l’occasion du plus grand des spectacles, les Jeux olympiques. L’été dernier, il y était allé de son petit mot sur les réseaux sociaux pour dénoncer la participation d’Imane Khelif, la boxeuse algérienne médaillée d’or, l’accusant d’être un homme et de boxer chez les femmes. De nombreux dirigeants d’extrême droite comme Georgia Meloni en Italie ou Victor Orban en Bulgarie lui avaient emboité le pas. Et pour son rapport à la triche, cherchez peut-être du côté de son soutien aux "JO des dopés", les Enhanced games.
Broyer les voix contestataires
Et lorsque certains s’élèvent dans le milieu pour s’ériger contre la politique réactionnaire trumpiste, le président s’emploie à les broyer. Souvenez-vous de Colin Kaepernick, le quaterback des 49ers de San Francisco qui, en 2016, avait mis un genou à terre lors de l’hymne américain avant un match pour protester contre le racisme et les violences policières dans le pays. Dans les années qui ont suivi, le mouvement Black Lives Matter, avait trouvé un large écho dans le sport, particulièrement en NBA.
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Le joueur de foot US Kaepernick est devenu un symbole du mouvement Black Lives Matter.
Crédit: Getty Images
"Les événements qui se sont inscrits dans la mouvance Black Lives Matter, il est parti au clash avec eux", rappelle Seghir Lazri. Presque 10 ans plus tard, Kaepernick n’a jamais rejoué au football, faute de trouver une franchise osant prendre le risque médiatique de l’engager. Et Trump a été réélu, malgré les appels des stars de la NBA à s’inscrire sur les listes électorales pour aller voter démocrate.
Une approche du sport de plus en plus politique
Et si le président américain a bien appris quelque chose avec le temps, c’est que le monde du sport est hautement politique. Il a su tisser des liens avec certaines instances. D’abord au niveau national. Seghir Lazri, qui rappelle que "Trump a maintenu le président de la fédération de lutte américaine alors qu'il y avait des affaires de scandales sexuels parce que c'était son ami. » Puis au niveau international. En attestent les images de la bromance pendant la Coupe du monde des clubs aux États-Unis entre le milliardaire et Gianni Infantino, le patron de la Fifa.
Pour Raphaël le Magoariec, "les dirigeants du sport viennent s'agenouiller un petit peu devant Trump parce qu'il y a des vrais enjeux qu'il ne fasse pas n'importe quoi avec leur compétition." D’ailleurs, le président du comité d'organisation des Jeux de Los Angeles, Casey Wasserman, y est allé lui aussi de son geste d’allégeance : il a gratifié Trump d’exemplaires des médailles des Jeux de LA 1984, et lui a proposé d’être un des porteurs de la flamme olympique.
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En février 2025, Donald Trump était devenu le premier président des Etats-Unis en fonction à assister au Superbowl.
Crédit: Getty Images
Le Mondial et les Jeux, un cadeau du ciel pour Trump
Avec la Coupe du monde 2026 et les Jeux olympiques de Los Angeles en 2028, Trump bénéficiera des deux plus grandes arènes sportives au monde pour se montrer et faire passer ses messages. Pour le Mondial, certaines questions se posent déjà : les footballeurs et supporters iraniens, dont la nationalité leur interdit l’entrée sur le territoire américain en raison du Travel ban décidé par Trump, pourront-ils être de la fête ? Imane Khelif pourra-t-elle boxer à Los Angeles ?
"Il va jouer pour montrer sa force, et sa manière de pouvoir peser sur une compétition", anticipe déjà Raphaël Le Magoariec. En réalité, le locataire de la Maison blanche a déjà commencé. Mercredi, Donald Trump a mis en place un groupe de travail, qu'il présidera lui-même, afin de s’assurer que "les Jeux soient sûrs, sans accroc et un succès historique". Quitte à saper les prérogatives de l’État de Californie, où les dirigeants et la population lui sont farouchement opposés. Que le spectacle commence.
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