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De "The Drive" à "The Fumble", les 7 moments qui ont bâti le mythe de la malédiction de Cleveland

Laurent Vergne

Mis à jour 17/06/2015 à 11:57 GMT+2

Retour sur les sept pires moments vécus par les supporters de Cleveland au cours des dernières décennies. Entre crève-coeur et humiliations.

Michael Jordan, "The shot", face à Cleveland.

Crédit: Imago

1. The Drive

Les années 80 restent la dernière bonne période des Cleveland Browns. Ils ont disputé 7 fois les playoffs en 10 saisons au cours de cette décennie. En 1987, ils parviennent à se hisser en finale de conférence. Lors du AFC Championship Game, à domicile, face à Denver, Cleveland se retrouve à quelques secondes d'une première participation au Super Bowl. "Lorsque Brian Brennan a capté la balle sur la passe de Bernie Kosar à 5'43" de la fin du match, nous étions sur le toit du monde. C'est probablement le seul moment où tous les 'Clevelanders' ont cru qu'une équipe des Browns allait disputer le Super Bowl", raconte Greg Deegan, l'auteur de "Surviving the drought" (Survivre à la sécheresse, évoquant le demi-siècle sans victoire de Cleveland). C'était juste avant "The Drive", qui a installé John Elway dans la légende et crédibilisé, pour de bon, l'hypothèse d'une malédiction clevelandienne.
The Drive. Le Drive. Pas un drive parmi d'autres mais le drive ultime. Menés 20-13, les Broncos démarrent cette séquence sur leur propre ligne des 2 yards. Ils doivent donc couvrir 98 yards pour aller au touchdown, égaliser et arracher la prolongation. Il faudra 15 actions à Elway pour atteindre la terre promise, avec une dernière passe de 5 yards pour Mark Jackson à 39 secondes de la fin du match. Le plus grand moment de ce drive est survenu un peu plus tôt, à 1'49" du terme. Confronté à une situation presque désespérée (3e tentative et 18 yards à gagner), Elway s'était déjà connecté avec Jackson pour 20 yards, maintenant ainsi la série en vie. En prolongation, Denver arrachera la victoire sur un field goal (23-20). Ceux qui ont vécu cet après-midi du 11 janvier 1987 n'ont jamais totalement réussi à s'en remettre. Cette année-là, Cleveland avait sans doute la meilleure équipe de son histoire.

2. The Move

Plus qu'une défaite, une humiliation. Une trahison. Lassé de l'inertie de la municipalité qui traine des pieds pour construire un nouveau stade, Art Modell, le propriétaire des Browns depuis 1961, décide de déménager sa franchise. Il part à Baltimore et change même le nom pour fonder les Ravens. C'est alors une des franchises historiques de la NFL qui change de crémerie. Un vrai choc. Sports Illustrated mettra à la Une un Modell administrant un coup de poing en plein cœur de la mascotte des Browns. Malgré une centaine d'actions en justice pour tenter de faire capoter le projet, les Browns perdent bel et bien leur équipe en 1995. Modell devient alors la figure la plus détestée du Nord de l'Ohio. Après trois années d'inactivité, les Browns reprendront du service à Cleveland en 1999 après la construction d'un nouveau stade, avec le statut "d'expansion team". Autrement dit, ils repartiront donc de zéro. Depuis, jamais la franchise n'a réussi à retrouver son standing. Mais il y a plus frustrant encore. Baltimore, cinq ans après son déménagement, a remporté le Super Bowl, en février 2001. L'image d'Art Modell soulevant le trophée Vince Lombardi a donné envie de vomir à tous les Clevelanders, qui n'ont pu s'empêcher de penser que cet effectif aurait dû être celui des Browns, pas des Ravens. 

3. The Shot 

Une des plus extraordinaires fins de match de l'histoire des playoffs NBA. Six secondes qui ont beaucoup compté pour installer Michael Jordan comme un vrai crack, capable de porter à bout de bras son équipe. 1989. Chicago joue face à Cleveland un match décisif au premier tour des playoffs. Les deux équipes sont à égalité deux victoires partout. Le cinquième et dernier match se dispute à Cleveland. Les Cavs n'ont pas été menés une seule fois de la rencontre lorsque, à six secondes du terme, Michael Jordan claque un jump shot pour placer ses Bulls devant: 99-98. Ce pourrait être la fin de l'histoire. Ce n'est que le début. Sur la remise en jeu suivante, Craig Ehlo attaque le cercle et marque. Cleveland reprend l'avantage. Il reste trois secondes et deux dixièmes à jouer. Une dernière chance pour Chicago. Pour Jordan, en gros. 

Il hérite du ballon, monte à cinq mètres et, après son fameux hang time, malgré la défense d'Ehlo, trouve la mire. Les 20.273 spectateurs sont plongés dans le silence. On entend les hurlements venus du banc des Bulls, ceux notamment du coach Doug Collins, qui saute dans tous les sens. L'image de la joie de Jordan reste, aujourd'hui encore, une des plus célèbres de sa carrière. C'est le plus grand "clutch-shot" de Jordan jusqu'à celui contre Utah, en 1998. Ce panier offre la qualification pour la deuxième tour aux Bulls. C'est le premier grand exploit du Chicago de Jordan. Cleveland, tête de série numéro 3, était largement favori. Les Cavs avaient d'ailleurs remporté les quatre matches de saison régulière contre Chicago, dont le dernier en laissant au repos leurs quatre meilleurs joueurs: Price, Nance, Daugherty et Harper. "The shot" a beaucoup pesé sur le destin des deux équipes, instaurant un rapport de forces définitif. "C'est le jour où Michael est devenu Jordan", dira plus tard Phil Jackson, alors entraîneur-assistant des Bulls. Il a fallu que ça tombe sur les Cavs...

4. The Choke

Les Indians aussi ont eu droit à leur collection de coups de bambou. Après 40 ans de misère, ils retrouvent les playoffs MLB au milieu des années 90. Ils se hissent en World Series (la grande finale du championnat de baseball) en 1995 et s'inclinent 4-2 face à Atlanta. Deux plus tard, Cleveland s'offre une deuxième chance de décrocher le titre. Face aux Florida Marlins, les World Series se jouent au 7e et dernier match, le 18 octobre 1997. Les Indians mènent 2-1 avant la neuvième et dernière manche de ce dernier match. Le titre est presque là. Mais José Mesa concède le point et ne peut empêcher les Marlins d'égaliser. Deux manches plus loin, au bout du bout du suspense, Cleveland va perdre ce 7e match 3-2. Cette édition 1997 est considérée comme une des plus palpitantes de toute l'histoire.
Mais à Cleveland, ce qu'on en retient, surtout, c'est que ça s'est encore mal terminé. Encore que l'histoire n'était pas finie. Omar Vizquel, coéquipier et surtout ami de José Mesa, a tenu ce dernier pour personnellement responsable de la défaite. En 2002, dans son autobiographie, Vizquel éreinte publiquement Mesa, lui reprochant de ne pas avoir tenu bon sous la pression: "Le monde avait les yeux rivés sur nous, écrit-il. Malheureusement, les yeux de José, eux, étaient vides. Complètement vides. Il n'y avait personne à la maison. On pouvait presque voir à travers ses yeux. J'ai regardé ses yeux et, juste après, il a laissé les Marlins égaliser." Et Vizquel, quelques lignes plus loin, de traiter Mesa de "Choker", terme peu amen pour expliquer qu'à ses yeux, Mesa n'avait pas été à la hauteur.
Dans la foulée, Mesa promet de toucher délibérément Vizquel en plein visage chaque fois qu'il aura une balle à lancer face à lui (les deux joueurs n'étaient alors plus dans la même équipe). Mesa a tenu promesse. Trois fois. 17 ans après ces World Series perdues, Vizquel et Mesa n'ont pas renoué les fils de leur amitié perdue. Au grand regret de Vizquel. "Tout ça a été exagéré. Je ne voulais pas attaquer ni blesser José. C'est triste, parce qu'il était mon meilleur pote, nos casiers étaient côte à côte dans le vestiaire, on habitait à 5 minutes, on faisait la bouffe ensemble. Il aurait peut-être suffi qu'on réussisse à parler de tout ça ensemble." Mais ce n'est jamais arrivé. Voilà ce que confiait Vizquel au mois de juin dernier : "Je n'ai jamais vraiment eu la possibilité de parler de tout ça avec José. La dernière fois que j'ai croisé José, il m'a frappé". A Cleveland, même les histoires d'amitié finissent mal.
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Omar Vizquel après la défaite des Indians dans le dernier match des World Series 1997.

Crédit: Imago

5. The Decision

Il ne s'agit pas d'un match. Ni d'une action. Pas même d'une défaite. Mais d'une décision, vécue comme une humiliation par toute une ville. De 2003 à 2010, LeBron James a remis Cleveland sur le devant de la scène. Il a même porté les Cavaliers jusqu'aux NBA Finals en 2007. Certes, avec une sévère raclée au bout (4-0 contre San Antonio), mais en 2010, James n'a encore que 25 ans et tout l'avenir devant lui. Le titre finira bien par venir, pense-t-on alors. Sauf qu'en 2010, le "King" autoproclamé arrive en fin de contrat. Le 8 juillet, il vient sur ESPN annoncer sa décision.
Après 28 minutes de show, la nouvelle tombe : il quitte la fraiche Cleveland pour la bouillante Miami. C'est là-bas qu'il ira gagner non pas un, mais deux titres NBA. Le plus douloureux, pour les fans des Cavs, ce sont les mots employés par James, qui va les renvoyer à leur propre incapacité à gagner. "Je pars là où je pense que j'aurais les meilleurs chances de gagner des titres pendant plusieurs années et pas seulement de gagner la saison régulière", dit-il. Sous-entendu, ici, même avec moi, même avec une bonne équipe, on ne gagnera jamais rien. Si "The Decision" est si dure à encaisser, c'est que LeBron n'était pas seulement la star des Cavaliers. Il était l'enfant du pays, né à Akron, dans l'Ohio. Il était un "Clevelander". Ce soir-là, des supporters descendent dans la rue pour brûler leur maillot de James devant les caméras. C'était il y a quatre ans. Les mêmes, aujourd'hui, sont prêts à célébrer l'enfant prodige, de retour au bercail après quatre années d'une humiliante infidélité.
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La colère revancharde et vacharde des fans de Cleveland envers "King James", devenu "Queen James" à leurs yeux en 2010

Crédit: Imago

6. The Red Right 88

Lors de la saison 1980, les Browns gagnent le nom de "Kardiac Kids", pour leur propension à jouer des matches au couteau et, souvent, à les gagner. Cette équipe séduit, elle se taille une cote d'amour monumentale et beaucoup lui prédisent un bel avenir. Pour la première fois, après neuf années d'absence, les Browns se qualifient d'ailleurs pour les playoffs. Ils jouent le premier tour à domicile, face à Oakland. Nous sommes le 4 janvier 1981. Le match le plus froid depuis le mythique Ice Bowl du 31 décembre 1967. Ce jour-là, à Cleveland, le mercure ne dépasse pas 2 degrés Fahrenheit, soit -18 degrés Celsius, le vent glacial faisant même descendre la température ressentie à -30° ! Fidèles à eux-mêmes, les Kardiac Kids vont à quitte ou double sur un dernier drive. Ils sont menés 14-12 mais Brian Sipe, leur quarterback, mène un dernier drive susceptible de leur offrir la victoire. C'est la grande année de Sipe, sacré MVP de la saison. La dernière fois qu'un joueur des Browns recevra un tel honneur.
Dans la dernière minute, les Browns avancent jusqu'à 13 yards de la ligne des Raiders. Il leur suffit alors de taper un field goal pour inscrire trois points et rafler la mise. A 49 secondes de la fin, histoire de manger un peu le chrono afin de laisser un minimum de temps à l'attaque d'Oakland de tenter un dernier drive désespéré, les Browns décident de jouer une action supplémentaire avant le field goal. Le jeu dessiné porte le nom de "Red Right 88". Le coach, Sam Rutigliano, donne des consignes limpides à Brian Sipe : si un receveur n'est pas clairement démarqué, il doit "lancer la balle dans le Lac Erié". Mais de façon inexplicable, Sipe force son jeu et, en voulant trouver son tight end Ozzie Newsome, voit sa passe interceptée par Mike Davis. Cleveland s'incline 14-12. Un mois plus tard, Oakland remportera le Super Bowl. Le "Red Right 88" reste un des plus douloureux crève-cœurs de l'histoire de la ville de Cleveland en matière de sport.

7. The Fumble

Janvier 1988. Un an après "The Drive", Cleveland dispute à nouveau la finale de la Conférence Américaine. Et comme l'année précédente, les Browns sont opposés à Denver. Avantage du terrain aux Broncos, cette fois. Cleveland est mené 21-3 à la mi-temps mais Bernie Kosar met le feu avec quatre passes de touchdowns après la pause. A 1'12" de la fin, les Browns peuvent arracher la prolongation en inscrivant un nouveau touchdown, mais Ernest Byner, tout près de la terre promise, perd le ballon à deux yards de la ligne des Broncos, qui recouvrent le fumble et remportent le match. Un nouveau coup de poignard en plein cœur pour les fans des Browns, qui voient le Super Bowl se dérober à l'ultime minute.
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