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Vendredi noir

Laurent Vergne

Mis à jour 16/11/2015 à 12:49 GMT+1

C'est le genre de texte que l'on n'imagine jamais écrire. Le genre de photo, celle qui l'accompagne, toute de noir vêtue, que l'on n'envisage jamais de publier. Mais ce vendredi soir comme tant d'autres est devenu un vendredi noir comme jamais.

Grenoble en deuil

Crédit: Eurosport

C'était un vendredi soir. Un vendredi soir comme les autres. Comme tant d'autres. Avec, pour nous, à Eurosport.fr, l'excitation et le dispositif propres à un France-Allemagne qui, amical ou pas, reste toujours un petit événement. Nous vous concoctions le menu habituel. Un envoyé spécial au Stade de France, la rédac' en veille et prête à turbiner dans nos locaux d'Issy-les-Moulineaux. Oui, le menu habituel, classique mais copieux, de ce genre de soirée, que vous connaissez si bien, vous, les fidèles. Un compte-rendu aux petits oignons, les notes des Bleus, l'antisèche. Bref, tout le toutim, et plus si affinités.
Ça aurait dû être une jolie soirée. Une belle victoire, un Stade de France plein et festif. Nous aurions dû vous parler en long en large et en travers d'Anthony Martial, du retour gagnant de Gignac, de Pogba et de Varane, de la jeunesse bleue qui a porté cette équipe contre les champions du monde. Nous aurions dû vous parler de sport, de foot, de ce qui nous unit, vous, et nous.
En plaisantant, nous parlions aussi entre nous de l'info qui devait tomber concernant la probable suspension de l'athlétisme russe : "Tu vas voir que ça va tomber au moment où France-Allemagne va se finir, rien que pour nous emmerder". Avec le recul, on aurait donné cher pour que ce soit le seul aléa de la soirée.
Tout ça a donc volé en éclats. La normalité de notre soirée de travail, celle de votre soirée de passionné, a été pulvérisée. De tout ça, il ne reste rien. Au fil des évènements et des informations, au fil du cauchemar, jambes coupées et gorges nouées, il a fallu essayer de trouver les mots. Dérisoires, oui, devant ce scénario du pire, mais justes, si possibles.
Il faut donc dire notre horreur mais, concernant ce qui s'est passé au Stade de France, pour ne parler que de cela, il faut souligner que la gestion des évènements a été remarquable. De A à Z. Le match s'est poursuivi jusqu'au bout et il le fallait. Le public n'a pris conscience de ce qui s'était tramé juste en dehors du stade qu'une fois le match fini et c'était mieux ainsi. La communication a été adéquate, le speaker parlant au coup de sifflet final "d'incidents", pour ne pas provoquer la panique. Il y a eu un peu de confusion mais la gestion et l'évacuation de la foule ont été remarquables. Vu le contexte, un tel calme, c'était presque un exploit. 80000 personnes étaient sur place. Il n'était pas nécessaire d'ajouter une catastrophe au carnage.
Reste l'horreur. Reste la peur d'une soirée passée à rassurer amis et proches sur son sort et à se rassurer sur celui d'autres. Cette peur, c'était la nôtre, la vôtre. Ce fut celle d'Antoine Griezmann, aussi, dont la propre sœur était au Bataclan pendant que lui galopait sur la pelouse du Stade de France. Pour eux, tout s'est bien fini. Pour tant d'autres… Reste l'effroi, aussi. La colère. Puis le réconfort, devant la multitude de réactions de soutien, notamment du monde du sport. Dérisoire, là aussi, sans doute, mais tellement nécessaires.
Et après tout ça, il y a quoi ? A très court terme, prosaïquement, va se poser la question du maintien de certains évènements. L'Angleterre-France de mardi à Wembley parait difficilement tenable, pour ne citer que lui. Mais c'est un détail. A plus longue échéance, un évènement comme l'Euro 2016, dans 7 mois, s'annonce plus que jamais comme un immense défi pour la France, pays organisateur en proie à un déchainement de violence dont l'ampleur a été décuplée en l'espace d'une soirée.
Vendredi, Eurosport avait lancé sa campagne "Partage ma passion" sur les réseaux sociaux. Cette passion ne s'éteindra pas, parce que c'est notre raison de travailler, de vivre même dans une certaine mesure, et c'est votre raison de nous lire. De nous suivre. C'est ce qui nous unit. Tout ça reprendra le dessus. Les débats sans fin (ce sont les meilleurs) pour savoir si Federer est le plus grand joueur de l'histoire, si Messi est plus fort que Ronaldo. Et d'autres, et d'autres.
Mais là, dans l'instant, tout ça apparait tellement insignifiant. Pour tout dire, on se fout un peu que les Bleus aient battu l'Allemagne. Que les athlètes russes aillent ou pas à Rio. Que Djokovic, Federer ou Tartampion gagne le Masters. "The show must go on". La vie continue. Autant d'indispensables banalités. Mais cette fois, ce sera plus dur que jamais. C'était un vendredi soir. Ce fut un vendredi noir.
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