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"Revenir à l'essence ?"

Eurosport
ParEurosport

Publié 27/02/2009 à 11:15 GMT+1

Pour Luc Alphand, la défaite de Mitsubishi au Dakar est logique car VW avait un meilleur Diesel. Un constat qui pourrait pousser l’équipe à revenir à l’éprouvé moteur essence afin d’obtenir du Japon un sursis..

Sur ce Dakar 2009, Mitsubishi n"a jamais été dans le coup…
Luc Alphand : Sportivement, on est parti d'une voiture neuve, le Racing Lancer, doté d'un très bon châssis. En passant au Diesel, on pensait avoir une performance, une fiabilité compétitive, mais on s'est vite rendu compte qu'on les avait seulement dans certaines conditions. Néanmoins, on était moins largué qu'avec l'ancien Pajero à moteur essence. C'était donc un choix positif. En revanche, c'était tout neuf… Masuoka a cassé le premier jour et les pépins se sont enchaînés, tous les jours ! Une casse de poulie de vilebrequin, c'est un truc qui n'arrive jamais. Pour ma part, j'en ai eu une collection : turbo, flap, canalisation de Diesel… Pourtant, on avait fait 18.000 kilomètres de tests. Un truc de dingue... Ensuite, ça a continué, et j'ai abandonné sur un truc qui n'a rien à voir avec la mécanique, un malaise de Gilles (Picard, son navigateur). Et puis Stéphane [Peterhansel] a aussi abandonné, et Nani [Roma] a juste gagné une étape.
Quel enseignement tirez-vous de tout ça ?
L.A. : On a pris de l'expérience. VW a été plus fort. Ils ont bien bossé, on ne peut que les féliciter. Ça fait quand même six ans qu'ils éprouvaient le Diesel. Nous, c'était notre première année.
L'annulation du Dakar 2008 vous a peut-être été préjudiciable. Masuoka aurait du essuyer les plâtres du Diesel l'an dernier…
L.A. : Oui. On a fait beaucoup d'essais mais rien ne remplace la course. Mais en même temps, on n'était peut-être pas prêt pour le Dakar 2008... Et pour ne rien arranger, ce châssis hybride que devait faire rouler Hiro [Masuoka] a brûlé en Espagne. Le bilan est que l'on ne regrette rien car avec le Pajero essence, sa boîte 5 et sa petite bride, on se serait carrément fait déshabiller cette année.
Tous les ans, Mitsubishi suivait le même schéma en laissant faire l'écrémage sur la descente du Maroc puis en ciblant ses attaques sur des étapes clés en Mauritanie... Est-ce que Mitsubishi était bien préparé pour l'AmSud ?
L.A. : Oui : j'avais fait deux fois Por las Pampas (ndlr : rallye de Coupe du monde), et je connaissais cinq étapes. Celles où j'ai malheureusement abandonné, je les avais faites deux fois, tout comme Stéphane. J'avais fait l'Atacama, Copiapo. Nani [Roma] aussi. On connaissait très bien les étapes dures. Seulement, on s'est fait déposer ce jour-là. On était à s'arracher pour essayer de suivre Sainz et De Villiers. Un détail aussi : on avait fait Por las Pampas, une fois en été, une fois à l'automne. Et là, sur ce Dakar, le sable avait une consistance différente.
Ce rallye a été marqué par deux abandons étonnants chez VW et Mitsubishi. Sur l'accident de Sainz, il se fait aider pour remettre la voiture sur ses roues, il commence à bouger des pierres pour dégager… Son but est de repartir malgré la souffrance de Michel [Perin, son co-pilote], car un pilote pense toujours qu'il va repartir. Sur l'embourbement qui pousse votre navigateur à l'effort et finalement au malaise, vous décidez tout de suite d'abandonner…
L.A. : Les situations sont différentes. Carlos n'a pas bien réalisé de suite la blessure de Michel. En fait, notre job à tous est d'avancer, ramener la voiture à l'arrivée. On est payé pour gagner des courses, on s'entraîne toute l'année pour ça. Il faut donc s'arracher. Les dunes, on les attaque pour les casser en deux : c'est ça la réalité. En ce qui concerne notre abandon, Gilles [Picard] ne tenait pas debout. Ils l'ont mis dans l'hélicoptère, sous perfusion. Il ne fallait pas continuer. Il fallait éviter un malheur. J'ai déclenché ma balise, ils sont venus le chercher. Je suis assez dur avec les gens sur les moyens à mettre pour se donner, gagner, mais j'ai vu que ce n'était pas qu'un coup de moins bien. Dans une voiture, on est deux et chacun fait des erreurs. Sur ce coup là, on ne devait pas être là, bloqués dans la boue, mais jamais je n'ai fait un commentaire là-dessus, car de mon côté j'ai déjà fait des tonneaux… Une année, en Tunisie, j'ai mis Gilles la tête à l'envers, à 160 km/h... Et c'était une erreur de ma part ; une grosse erreur. Bref, on est une équipe, on est solidaire de ce qui arrive à l'un ou à l'autre. Je n'en veux pas à Gilles, alors que lui culpabilise. Il est déçu. Il n'a pas à l'être !
De l'avis de tous, Giniel de Villiers fait un beau vainqueur...
L.A. : Giniel a tout compris au rallye-raid. Il est rapide et fiable, calme et stable. Dans le milieu, beaucoup de gens sont contents pour lui, pour le pilote et pour l'homme. C'est quelqu'un de très humble, qui ne se la pète pas. Carlos est le plus rapide, tout le monde l'a vu, mais ça fait le deuxième qu'il perd. C'est indéniable, l'expérience compte. En fait, seuls Kankkunen et Saby l'ont gagné la première fois.
Quand vous êtes-vous aperçu que De Villiers avait quelque chose de spéciale ?
L.A. : C'était en 2000, sur le Dakar. Je l'avais doublé sur du rapide et m'avait redoublé sur des grandes dalles en cailloux. Gonflé de sa part. Je m'étais dit : "Bon sang, le Sudaf il est chaud !" En fait, il vient du circuit et pour lui, une place est une place.
Pour vous, la question centrale est l'avenir immédiat de l'activité rallye-raid de Mitsubishi...
L.A. : La décision du Japon est tombée, brutale. J'ai été convoqué à l'usine, à Pont-de-Vaux, un jour pour qu'on m'annonce ça, comme à tous. Bon, il faut savoir qu'on est MMSP, Mitsubishi Motor Sport, petite soeur de MMC, Mitsubishi Motors Corporation. On est dans le giron et en même temps une société française séparée. Le Japon veut fermer et le sacrifice en perspective est lourd. Dominique ( Serieys, directeur de MMSP) essaie de persuader le Japon de garder une cellule de veille moyennant une aide technique et financière bien moins importante. Le but serait de tenir pendant deux, trois ans, pour voir comment évolue la conjoncture économique. MMSP est un centre de coûts mais il y a de l'expérience, des compétences. Notre obligation est double : trouver des partenaires extérieurs et faire du business avec des voitures « client ». On espère que réduire ainsi la voilure nous permettrait de continuer à exister. Il faut convaincre le Japon et la deadline se situe aux alentours de fin mars. On a un nouveau châssis, un nouveau moteur, une nouvelle usine… : je ne peux pas imaginer qu'une équipe qui a fait 27 ans de Dakar ferme comme ça.
Le Japon a développé un Diesel qui nécessite encore du travail et de l'investissement… Ne faudrait-il pas en revenir à la motorisation essence dans un règlement assoupli par ASO pour poursuivre à moindre coût tout en faisant bonne figure ?
L.A. : Le Japon est parti sur le projet ambitieux d'un V6 à 4 turbos et double intercooler, que même Bosch, qui bosse avec Audi et Peugeot au Mans, ne maîtrise pas entièrement en termes de gestion électronique... La solution technologique n'est donc pas simple. Alors que faut-il faire ? En revenir à un Diesel plus simple avec par exemple des turbos à géométrie variable ou effectivement retourner à notre moteur essence, hyper fiable, hyper connu ? En fait, c'est aussi une question de réglementation. ASO est conscient de notre situation. Ils ont envie d'aider. Ils savent qu'il faut de grandes équipes sur l'épreuve avec des voitures qui font rêver.
Etes-vous satisfait de l'organisation d'un nouveau Dakar en Amérique du Sud, en 2010 ?
L.A. : Complètement. J'étais positif avant d'y aller car j'avais aimé le Rallye Por las Pampas. La course s'est bien passée, il faut juste lui apporter des adaptations. Il faudra peut-être séparer les camions, car derrière, une fois que les voitures avaient rattrapé les motos et que les camions étaient au milieu, c'était Verdun. Et puis, on a constaté que les pistes se sont détruites assez vite, ce qui était impossible à anticiper. A Por las Pampas, il n'y avait pas de camions et une trente d'autos. Là, les étapes étaient plus longues, il faisait plus chaud. ASO devra adapter le parcours. Autrement, le Dakar a été dur, long, dans des paysages fabuleux. Il était tout à fait dans "l'esprit Dakar".
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