Les commotions cérébrales, ce poison : "Difficile de dire 'Je ne peux pas jouer, car j'ai mal à la tête'"

Maux de têtes, perte de mémoire, hypersensibilité, fatigue... victimes de commotions cérébrales à répétition, plusieurs sportifs, dont les internationaux des XV de France Paul Willemse et Romane Ménager, ont témoigné mercredi à Paris de leur difficulté à gérer ces "blessures invisibles" qui ont mis en pause leur carrière. Ils se sont exprimés lors d'un Grenelle organisé à ce sujet par Provale.

Paul Willemse, exclu face à l'Irlande lors du Tournoi 2024

Crédit: Imago

Paul Willemse "ne s'est même pas rendu compte" de certaines des commotions cérébrales subies dans sa carrière. Le deuxième ligne de Montpellier et des Bleus (32 ans, 32 sélections) en a témoigné mercredi à Paris à l'occasion d'un Grenelle sur les commotions organisé par Provale, le syndicat des joueurs de rugby.
"Je restais dans le ruck après un déblayage, en train de 'dormir' pendant trois ou quatre secondes" explique Willemse, arrêté depuis octobre et une sixième commotion en moins de deux ans. La troisième ligne du XV de France Romane Ménager a quant à elle subi sa dernière commotion en novembre, la neuvième de sa carrière.
"Je me suis dit que j'allais récupérer comme d'habitude, sauf qu'au lieu de dix jours d'arrêt classique, ça a pris quatre mois pour reprendre le rugby", relate la joueuse de 28 ans. Aujourd'hui de nouveau arrêtée pour six mois, elle ratera le Mondial cet été en Angleterre.
Je pouvais passer quatre fois dans un rayon de supermarché avec les mains vides sans savoir ce que je cherchais
Jade Ulutule a dû pour sa part renoncer à disputer les Jeux olympiques à Paris avec l'équipe de France à VII. Touchée sur un plaquage à quelques mois des Jeux, elle se "relève en pilote automatique. A la vidéo, on voit que j'ai les bras ballants."
La commotion n'étant pas détectée, elle finit le match, et en dispute un deuxième dans la foulée. La joueuse de 32 ans, toujours arrêtée et qui estime avoir subi "entre huit et dix grosses commotions" dans sa vie, essaie de mettre en place un protocole pour participer aux Jeux Olympiques, "mais les symptômes revenaient dès la reprise de course."
Ces derniers envahissent sa vie quotidienne. "En septembre, j'avais des trous de mémoire, explique Jade Utulule. Je pouvais passer quatre fois dans un rayon de supermarché avec les mains vides sans savoir ce que je cherchais."
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"La voix des femmes est plus puissante sur les sujets graves comme les commotions cérébrales"

Video credit: Eurosport

Oppression crânienne, insomnies

L'internationale à VII souffre toujours "de maux de têtes, d'oppression crânienne", de manière quotidienne, et de troubles du sommeil, et ne peut même plus courir. Willemse lui, avait "de la sensibilité aux bruits, à la lumière, une sensation de pression dans la tête". " Tout ça a diminué avec le temps, il ne me reste pas des symptômes très graves" assure-t-il.
Même impression pour Ménager, qui "va de mieux en mieux". "J'ai des jours très bien, j'en ai d'autres où je sens que je fatigue très facilement" détaille-t-elle, citant également les maux de tête et l'oppression crânienne.
En plus des souffrances quotidiennes que peuvent ressentir ces sportifs, ils doivent également faire face à leurs propres émotions face à une blessure difficile à appréhender. "On est toujours un peu dans le contrôle, dans la recherche de la maîtrise des émotions" dans le sport de haut niveau, explique Ménager. "Mais tu ne maîtrises plus rien (dans la convalescence) et c'est dur de l'accepter émotionnellement", déplore-t-elle.
"Par rapport aux autres blessures que j'ai eues dans ma carrière, pour moi ce n'était rien, car c'est une blessure invisible", se souvient Willemse, né et élevé en Afrique du Sud, dans une mentalité "dure, brutale", qui met en avant le combat.
Il n'y a pas de signes que tu n'es plus capable de faire ce que tu faisais sur le terrain, c'est différent d'une blessure aux ligaments ou d'une jambe cassée
"Il n'y a pas de signes que tu n'es plus capable de faire ce que tu faisais sur le terrain, c'est différent d'une blessure aux ligaments ou d'une jambe cassée", explique le colosse. "Moi qui ai le rôle de mettre les impacts sur le terrain, c'est difficile de dire 'Je ne peux pas jouer, car j'ai mal à la tête'" s'ouvre-t-il.
Accepter la blessure est d'autant plus difficile qu'"il n'y a pas un vrai protocole. On a tous des symptômes différents, et en fonction de notre âge et des commotions, on récupère différemment" éclaire Jade Utulule.
Tous estiment que les joueurs et joueuses de rugby sont aujourd'hui bien sensibilisés, et pris en charge. "Dans le rugby féminin, on est très bien suivies quand on est internationale, mais dans l'Elite 1 (le championnat féminin, NLDR) on a des très gros progrès à faire", tempère cependant Ménager.
Reste également aux joueurs à se projeter sur le long terme. "Pendant ta carrière, tu ne penses pas trop à l'après", reconnaît Willemse, qui conclut : "La commotion doit être vue comme la plus grave blessure que tu peux prendre, et je pense que ce n'est pas encore le cas."

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