Ben Cavet revient sur sa frayeur : "On a tous vu les images de Kilde, ce n'est vraiment pas passé loin pour moi…"

ParFabien Esvan

Mis à jour 07/03/2024 à 14:31 GMT+1

Sa saison avait démarré avec de la frustration. Auteur d'une prépa solide durant l'été, fort physiquement, Ben Cavet a attendu Deer Valley pour s'offrir un premier podium. Avec l'un des plus beaux runs de l'histoire à la clef, quelques jours après avoir frôlé le pire à Val Saint-Côme. Le skieur de Châtel s'est confié à Ludovic Didier, son ancien entraîneur, aujourd'hui consultant pour Eurosport.

Cavet sur sa chute à Val Saint-Côme : "Les images sont impressionnantes, ce n’est pas passé loin"

Parfois, une carrière, une vie même, peuvent se jouer sur un fil. Presque un poncif. Passé tout près d'un drame lors de la Coupe du monde à Val Saint-Côme, Benjamin Cavet en a ainsi fait l'amère expérience. Parti à la faute lors de son duel avec Matt Graham, le Tricolore est un miraculé. Cette sortie de route l'a paradoxalement remis en selle.

Auteur d'un run "de dingos" selon ses dires, historique même, deux semaines plus tard à Deer Valley, face à son ami Mikaël Kingsbury, le vice-champion du monde 2017 et 2021 a signé l'une des prestations les plus abouties de sa carrière. C'est sur ce fol enchaînement qu'il a accepté de revenir dans un long entretien avec Ludovic Didier, son ex-mentor désormais consultant pour Eurosport. "J'ai patienté, je me suis construit", embraye-t-il d'entrée.

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Une frayeur à la Kilde, la peur d'une vie

Janvier a été un sacré rollercoaster émotionnel pour Ben Cavet. Le spectre de la blessure d'Aleksander Aamodt Kilde a plané avec une chute spectaculaire en petite finale des bosses parallèles de Val Saint-Côme. "C’était vraiment une chute spectaculaire. Je croise la ligne de Matt Graham et il me ré-atterri dessus, les skis sont hyper tranchants… On a tous vu les images de la jambe de Kilde qui s’est complètement ouvert le mollet…"

J’ai eu une journée où je ne suis pas sorti du lit, j’avais l’impression d’être dans un accident de voiture quand l’adrénaline redescend.

Pour le bosseur, c'est la gorge qui aurait pu être touchée. Plus de peur que de mal finalement. "Les images sont impressionnantes, le dossard est coupé au niveau du torse, le casque est fissuré sur l’avant. Ce n’est vraiment pas passé loin…" Malade le jour du concours, il revient sur cette folle descente. "Avec la fatigue, le manque de lucidité, je me suis pris les pieds dans le start. Je fais une faute, et je me dis : ‘oh le con, tu viens de faire une grosse faute, tu vas devoir faire backcross en haut, qu’est-ce que tu vas faire sur le saut du bas ?’ Le temps de réfléchir à ça, je me retrouve à me taper la tête dans le kick et à traverser la ligne de Matt…"

Mais le champion trouve vite de la ressource pour se relancer. "Je ne suis pas marqué par cette chute, j’ai pu m’engager à 100 %. C’est quelque chose de très positif", tempère-t-il. "J’ai eu une journée où je ne suis pas sorti du lit, j’avais l’impression d’être dans un accident de voiture quand l’adrénaline redescend."

L'un des meilleurs runs de l'histoire face au roi Kingsbury

Cet épisode canadien lui sert de tremplin quelques jours à peine après à Deer Valley. Quatorzième du single le jeudi, le Français brille le surlendemain dans la Mecque des bosses. Sûr de ses skis, il déroule en dual pour finir deuxième, son premier podium de la saison. Avec un "run sensationnel comme on [ne l'] avait jamais vu faire, l'un des plus beaux de l'Histoire" contre l'ogre Mikaël Kingsbury en quarts de finale, selon les mots de son ancien coach.

"Toutes les conditions étaient réunies", rembobine d'abord le principal intéressé. "J’adore skier de nuit, il y avait 10 000 personnes en bas, ce sont d'énormes bosses avec de la neige molle, c’est tout ce qui me plaît. J’adore tomber en duel contre Mik car tu sais qu’il faut tout envoyer." À cet instant-là, le Haut-Savoyard était sur une autre planète. Il en est conscient : "Techniquement, j’avais l’impression de survoler un champ de mines. J’avais l’impression de faire un finish tout plat alors que c’est Deer Valley… C’était tout en placement. C’était un de ces runs magiques ou en plus de bien skier, tu te sens très facile mentalement."

Le ski de bosses parallèle a vraiment atteint un niveau de dingue. Aux JO, ça va être un spectacle fou…

Cette descente est entrée dans les annales de la discipline. Les deux compères partagent ce point de vue. "Le run est en 21 secondes 7, c’est du n’importe quoi. Huit ans en arrière, ça descendait en 23 secondes et c’était déjà rapide…", continue le bosseur de 30 ans pour qui la densité n'a jamais été aussi forte. "Maintenant, il y a Matt Graham, Ikuma (Horishima), moi, Mik (Kingsbury), Walter (Wallberg), Filip (Gravenfors)... Rentrer dans les quatre, c’est quasiment mission impossible. Faire podium, c’est encore plus dur. Le ski de bosses parallèle a vraiment atteint un niveau de dingue. Aux JO, ça va être un spectacle fou…"

Pour l'avenir

Milan-Cortina 2026, Ben Cavet en fait l'un de ses objectifs. Il est loin d'en faire une lubie. Il a déjà "coché l'un de [ses] objectifs" à Deer Valley. "Au-delà des résultats, de faire des podiums et des victoires, ce qui m’anime, c’est de faire l’une des plus belles descentes de l’histoire du ski de bosses. C’est un très, très gros objectif pour moi de réaliser des descentes marquantes. J’ai envie de le refaire en single."

Dans l'Utah, le skieur de Châtel a retrouvé un coup de boost salutaire avant deux saisons qui s'annoncent ultra-riches avec les Mondiaux 2025 à St. Moritz et les JO 2026 en Italie. "Je suis très motivé pour la fin de saison. Sur cette fin d’hiver, je veux continuer sur ma lancée pour déjà préparer la saison prochaine, valider ma préparation mentale et des choses techniques pour que ça roule sur cette fin de saison au Kazakhstan et en Italie. La saison prochaine se construit dès maintenant." À Almaty, terre de sa médaille d'argent mondiale en 2021, Ben Cavet a déjà les skis rivés vers demain.