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Bryce Bennett, 49 de pointure : le skieur qui ne trouvait pas chaussure à son pied

Vincent Bregevin

Mis à jour 21/03/2024 à 09:03 GMT+1

Il mesure 2 mètres et chausse du 49. Bryce Bennett a davantage le physique d'un basketteur que celui d'un skieur. C'était un obstacle de taille dans sa carrière. Il a dû faire preuve de créativité pour le franchir et s'imposer comme le descendeur américain de référence. Sa 5e place au classement de la discipline avant la finale à Saalbach, dimanche, est la récompense d'un drôle de travail.

Dossard 34… et vainqueur : Bennett, "c'est fou !"

Il serait davantage passé inaperçu pour les parquets de la NBA. Mais c'est sur les pistes enneigés que Bryce Bennett a choisi de s'exprimer. Plutôt bien d'ailleurs. L'Américain a surpris tout son monde en décrochant sa deuxième victoire en carrière à Val Gardena, sur la première descente de la saison, avec son dossard 34. Il occupe la cinquième place au classement de la discipline avant la finale de Saalbach dimanche, à suivre en direct sur Eurosport (11h15). La performance est d'autant plus remarquable que le skieur de 31 n'avait pas vraiment le physique taillé pour l'emploi.
Sa taille, c'est justement ce qui saute aux yeux en premier. Bennett culmine à plus de 2 mètres (2,01 m) et se démarque par un gabarit atypique, très longiligne malgré ses 100 kilos sur la balance. "Il est grand, il a un physique à part, témoigne Gauthier De Tessières, consultant pour Eurosport et souvent amené à croiser l'Américain sur les interviews en bas de pistes. Ce sont des énormes segments, pas forcément ultra-musclés. On en a eu des grands comme Bode, mais en général, ils étaient plus musclés."
Mes chaussures étaient beaucoup trop lâches
Faire glisser un tel physique sur la neige n'a déjà rien d'évident. Le handicap est encore plus net en considérant l'envergure vertigineuse de Bennett, estimée à 2,50 mètres. De quoi contrarier considérablement les principes de l'aérodynamisme dans une discipline où c'est justement l'une des clés pour gagner. "Lorsque ses bras se déploient, c'est comme un parachute", résumait un commentateur de la chaîne américaine NBC en 2017, ou "comme un voilier", tel que sa femme Mary l'avait décrit à l'époque.
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Une course de rêve et un premier succès pour Bennett : son succès à Val Gardena en vidéo

Mais le plus compliqué, c'est certainement de faire tenir un tel gabarit sur des skis. Dame Nature lui a livré tout le package, de haut en bas. Bennett chausse du 49. Pour trouver chaussure à son pied et le réglage de skis qui va avec, il a sérieusement galéré. Dans un premier temps, l'Américain a tenté de compenser le problème en travaillant sur sa technique. Une démarche qui a trouvé ses limites. "J'ai créé tellement de mauvaises habitudes avec du mauvais matériel, expliquait-il en 2016. Je ne pouvais pas tourner le ski. Mes chaussures étaient trop lâches, beaucoup trop lâches."
Si la marque ne suit pas, il ne performe jamais
Bennett s'est heurté à un obstacle majeur. Il n'entre pas dans le moule classique des marques qui produisent les chaussures. A son début de carrière, la tentative d'adapter ce moule à son pied n'a pas été couronnée de succès. "La chaussure était épouvantable, avait-il constaté. Les chaussures sont généralement conçues pour un pied de petite taille. Sur le programme informatique, ils les agrandissent simplement, mais ils n'ajoutent pas la bonne quantité de plastique au processus de moulage, ce dont je n'avais aucune idée. C'est à ce niveau que je devais trouver une solution."
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Bennett : "Si je gagne le globe de la descente, vous ne me verrez plus jamais"

Cette solution devait venir de lui. Pour les marques, développer une chaussure spéciale rien que pour Bennett n'avait qu'un intérêt limité. "La chaussure, c'est comme ça que tu gagnes ou que tu perds, rappelle Gauthier De Tessières. Je ne pense pas que toutes les marques sont prêtes à travailler un moule uniquement pour lui. Parce qu'après, elles font quoi de ce moule ? Ça ne se rentabilise pas. Ce n'est pas le même centrage, pas les mêmes points d'appui. Il y a tout un travail hyper-technique, donc si la marque ne suit pas, il ne performe jamais."

Sa propre station de chaussures

Bennett a su tirer les enseignements d'une situation délicate à gérer. "Je ne pouvais que sentir ce qui se passait, je ne savais pas comment le verbaliser", expliquait-il en 2017. Alors, il a pris le problème à bras le corps et changé son état d'esprit. Il est devenu d'une précision méticuleuse sur son matériel après avoir été négligeant à ses débuts. Au point d'être devenu un véritable expert de l'équipement en général, et des chaussures en particulier. "Il voyage avec sa propre station de chaussures, des lasers, des micromètres et tout le reste, témoigne Steve Porino, journaliste pour la NBC. Il prépare même les chaussures de tous ses coéquipiers."
Que Bennett soit parvenu à se relancer cette année n'en est que plus admirable. "Des athlètes comme Bennett, ils doivent réfléchir sur la technique, sur le matériel, c'est beaucoup de travail, souligne Gauthier De Tessières. Il faut gagner autrement, avec beaucoup d'intelligence, et ce n'est pas donné à tout le monde de réussir à faire tout ce réglage. Et quand ils gagnent, on dit chapeau parce que ce n'est pas simple." Dans le cas de l'Américain, tenir sur des skis était déjà un sacré défi. Alors gagner des descentes en Coupe du monde et occuper la cinquième place du classement de la discipline, c'est carrément un exploit.
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