Coupe du monde I Saalbach I Manuel Feller, la star des finales

Il flottera comme un air de reggae sur Saalbach. Ce flow qui va animer le public autrichien, c'est celui qui rythme la vie de Manuel Feller. Il sera un peu comme chez lui sur les sites des finales de la Coupe du monde. Le cadre idéal pour célébrer sa consécration. Le skieur de Fieberbrunn a certainement vu ce scénario depuis longtemps. Mais il lui restait à l'écrire jusqu'à son happy-end. Pas facile tant son sport prend un malin plaisir à se nourrir des imprévus de manière générale. Et sa discipline en particulier. La mission du slalomeur de 31 ans était délicate. Il l'a accomplie avec brio en décrochant le globe du slalom avant la dernière course. Histoire de mieux le fêter à domicile.

Cet épilogue n'avait rien d'une évidence. Déjà pour des raisons sportives. Feller s'était largement signalé avant le coup d'envoi de la saison en montant 18 fois sur la boîte, dont 2 fois sur la plus haute marche. Mais transformer les podiums en victoire est le pas le plus difficile à franchir. C'est ce qu'il a réussi en doublant son total avec quatre succès cet hiver. "Le talent, il l'a toujours eu, explique notre consultant Gauthier de Tessières. Aujourd'hui, il a l'expérience. Il avait beaucoup de déchet dans son ski, beaucoup de sorties de piste. Il était très fougueux. Mais il a mûri, il a appris. Et cette année, finalement, les voyants étaient au vert. Surtout physiquement. Il était toujours embêté avec sa hernie, son dos douloureux. Mais il a su le gérer."

Si Feller a su tout mettre bout à bout, c'est aussi parce qu'il avait le meilleur objectif en tête. Remporter le classement du slalom devant son public lui a donné un supplément d'âme. "Il ne voulait pas trop le dire, mais on sentait qu'à chaque course, il avait cette motivation pour finir en beauté dans sa région, témoigne Gauthier De Tessières. Ce n'est pas directement sa station mais il est de cette région. Il en rêvait. C'était un leitmotiv au quotidien, je pense. Et ça l'a fait tenir. Là son rêve se réalise. Toutes ces années, il n'était jamais trop loin mais il n'avait pas la régularité."

Il a su la trouver, justement quand elle a échappé à la concurrence. Les planètes ont commencé à s'aligner quand Lucas Braathen, tenant du petit globe de slalom, a annoncé sa retraite juste avant la saison, avant de revenir sur sa décision la semaine passée. "Il a tenu mentalement parce qu'il a vu que ça s'était dégagé très rapidement, souligne Gauthier De Tessières. Avec la blessure de Marco Schwarz , Henrik Kristoffersen pas très bien réglé en début de saison et pas au top en slalom. Derrière ça se regardait un petit peu, Loïc Meillard n'était pas en forme en début de saison. Clément Noël a beaucoup de déchet. Alors petit à petit, dans sa tête, c'est devenu de plus en plus clair."

La concurrence était dense, mais peut-être trop éparpillée pour empêcher Feller de tirer son épingle du jeu. Cela n'enlève rien à la victoire d'un homme qui a su rester lui-même sous les critiques. La vie de l'Autrichien n'a jamais tourné exclusivement autour du ski. Grand fan de reggae, il écume les festivals en Europe et s'est rendu plusieurs fois en Jamaïque. Il a d'ailleurs sorti son propre single (

) et chanté avec l'artiste jamaïcain Anthony B. (

). Le son et la pêche sont ses deux grandes passions, et il ne s'en est jamais caché sur les réseaux sociaux. Dans un pays où le ski est roi, certains ont interprété cela comme un manque d'intérêt pour son sport.

Casser les codes, montrer ce qu'il vit et parler sans filtre, c'est pourtant bien sa personnalité et il ne l'a jamais reniée. Ce qui explique aussi pourquoi il est tant apprécié dans le cirque blanc. "Il sort de la sphère purement sportive, résume Gauthier De Tessières. C'est génial, il écoute de la musique tout le temps, il a ses artistes préférés avant de prendre un départ. Il a trouvé la bonne formule, il est comme il est. Et c'est quelqu'un qui fait beaucoup de bien, surtout en Autriche où il n'y a pas eu beaucoup de profils comme ça. Ils sont plus strictes, ils ne sont pas méchants, mais lui, il est quand même spécialement sympathique. Et il assume exactement ce qu'il est."

La consécration de Feller, c'est aussi celle de son talent. Mais c'est avant tout celle d'un homme libre, forgé par d'autres centres d'intérêt que le ski. Le reggae "a eu un impact sur ma personnalité, la façon dont je veux vivre ma vie, me comporter avec les autres", disait-il dans un entretien à l'AFP au début de l'année dernière. "Quand je vais pêcher, je cherche à aller quelque part ailleurs, là où je ne verrai personne, racontait-il sur le site des Jeux Olympiques en 2021. Ça m'aide à rester humble et patient. C'est juste se connecter à la nature et s'échapper du stress des gens."

Il n'y aura pas de stress dimanche à l'issue du slalom à Saalbach. Juste des vibrations positives que Feller a le don de savoir partager. " Ce sera le héros de ces finales à Saalbach, ça va être la star, annonce Gauthier De Tessières. Il est très ouvert, il aime s'exprimer et faire passer des émotions. Il fait le show, toujours en communion avec le public. En Suisse, il a chanté la chanson locale… Le mec l'a apprise par cœur. Il a pris le micro et il l'a chantée avec tout le monde. C'était dément. Il a pris le micro, sur le podium, et il a chanté avec le public. Classe." Qu'il en fasse autant à Saalbach ne fait aucun doute. Certainement sur un air de reggae qu'il affectionne tant.