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Après la victoire de Taylor Fritz à Indian Wells, est-ce (enfin) la fin du déclin de l'empire américain ?

Laurent Vergne

Mis à jour 22/03/2022 à 17:38 GMT+1

En étant sacré à Indian Wells avec au passage une victoire sur Rafael Nadal en finale, Taylor Fritz a matérialisé le petit renouveau du tennis masculin américain qui, après avoir touché le fond voilà quelques mois, se refait une santé. A défaut d'une génération de surdoués, les Etats-Unis peuvent compter sur plusieurs joueurs avec un potentiel de progression raisonnable. Mais est-ce suffisant ?

Carton plein d’Alcaraz, Nadal cinq ans après… Jeu, Set et Maths spécial Indian Wells

10 mai 2021. Le tennis masculin américain connaît ce jour-là une sorte de point bas historique. Pour la toute première fois depuis la création du classement ATP en 1973, aucun représentant de l'Oncle Sam ne figure parmi les 30 premiers mondiaux. Un naufrage inimaginable dans les années 80 ou 90. Trente ans plus tôt, la moitié du Top 20 était composé de joueurs états-uniens. Revenez encore dix années en arrière et la suprématie US était plus marquée encore. A l'issue de la saison 1980, la bannière étoilée était ainsi partout, trustant notamment les deux tiers du Top 15. Le N°10 américain était donc aussi le 15e joueur mondial. Le tennis a changé d'époque...
McEnroe (2), Connors (3), Mayer (5), Solomon (7), Gerulaitis (9), Teltscher (10), Gottfried (11), Dibbs (12), Tanner (13), Sadri (15).
Après l'anomalie historique du mois de mai dernier, il a fallu attendre presque trois mois et le début du mois d'août pour revoir un Américain dans les 30. Août, c'était hier. Sept mois. Aujourd'hui, c'est le temps de l'éclaircie. Les Etats-Unis ne sont pas redevenus les patrons du circuit, loin, très loin de là, mais après avoir touché le fond, au moins ont-ils arrêté de creuser. Le titre décroché dimanche par Taylor Fritz à Indian Wells vient donner du crédit à ce regain de flamme certes encore modeste, mais réel.
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Nadal a serré les dents, Fritz a serré le jeu : le résumé de la finale

Ce lundi, Fritz n'est plus très loin de cogner à la porte du Top 10 puisqu'il occupe le 13e rang, à moins de 600 points de la 10e place. Après avoir longtemps stagné entre la 35e et la 40e position, le Californien a franchi un vrai cap en ce début de saison. Dans son sillage, même de façon moins spectaculaire, c'est tout un collectif qui se redessine. Les Etats-Unis comptent douze représentants dans le Top 100 et sept dans le Top 40. Dans les deux cas, aucun pays ne fait mieux. Plus intéressant encore, en dehors de John Isner (22e), six des sept joueurs américains les mieux classés ont moins de 25 ans :
Taylor Fritz (13e, 24 ans)
Reily Opelka (18e, 24 ans)
Frances Tiafoe (31e, 24 ans)
Tommy Paul (37e, 23 ans)
Sebastian Korda (38e, 21 ans)
Jenson Brooksby (39e, 21 ans)

Des viviers plus prometteurs ailleurs

Alors, le tennis masculin américain est-il en train de sortir définitivement de l'ornière ? Patrick McEnroe veut le croire. Le consultant de la chaîne ESPN, ancien capitaine de l'équipe de Coupe Davis et qui fut également responsable du haut niveau, se montre optimiste même si, paradoxalement. "Je pense qu'il y a une marge de progression, estime-t-il dans le New York Times. Particulièrement chez Opelka, Brooksby et Korda, et peut-être même Fritz, même si je ne sais pas s'il a les qualités athlétiques pour atteindre le top top niveau." Il les croit capables à terme d'intégrer le Top 10 et même le Top 5.
La semaine dernière, à Indian Wells, alors qu'il était encore loin du titre, Fritz avait évoqué lui aussi le potentiel de cette génération. "Je ne suis pas surpris (par leurs progrès, NDLR), je connais tous ces gars depuis des années et je sais à quel point ils sont bons. Le tennis américain ne se porte pas si mal et il a des raisons d'y croire dans les années à venir", avait-il estimé.
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Taylor Fritz : "Gagner ici, c'était un de mes rêves"

Ces dernières années, aux Etats-Unis, le différentiel entre un tennis féminin pétillant de jeunesse et un tennis masculin moribond avait atteint des proportions inquiétantes. Le fossé est clairement en train de se réduire. Pour autant, si embellie il y a, reste à en connaître l'ampleur dans la durée. Oui, les Américains vont mieux qu'il y a quelques mois. Mais il était difficile de faire pire. De simples figurants, ils sont redevenus acteurs. De là à les attendre dans les premiers rôles sur les plus grandes scènes dans les années à venir, il y a un pas, et même davantage.
D'autres nations semblent nanties d'un vivier plus prometteur. On pense à la Russie, bien installée avec Daniil Medvedev ou Andrey Rublev, à l'Italie, portée par deux leaders encore jeune (Matteo Berrettini, 26 ans en avril) voire très jeune (Jannik Sinner, 20 ans), tous deux dans le Top 10, ou encore au voisin canadien, qui ne dispose pas des mêmes ressources quantitatives mais détient deux possibles cracks, Félix Auger-Aliassime de Denis Shapovalov, moins âgés qu'un Fritz ou qu'un Opelka et d'ores et déjà plus installés. Sans parler de Carlos Alcaraz, dont l'horizon à 18 ans a quelque chose d'inaccessible pour n'importe quel autre joueur de sa génération.
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Taylor Fritz - Indian Wells

Crédit: Getty Images

Du noir au gris clair

Tout dépendra du potentiel de croissance d'un Fritz, d'un Opelka et peut-être plus encore des deux plus jeunes de la bande, Brooksby et Korda. En l'état, ce que les Etats-Unis peuvent espérer, c'est une génération à peu près comparable à celle dont a bénéficié la France ces quinze dernières années, avec une foule de joueurs installés parmi les 20 ou 30 premiers mondiaux, et peut-être dans les 10 pour les plus prometteurs d'entre eux. Au regard des craintes suscitées ces dernières années, ce serait déjà une sacrée réussite même si, évidemment, le luxe des années 80-90 avec McEnroe, Connors, Sampras, Agassi, Chang ou Courier relève de l'utopie.
Au fond, c'est peut-être cela, le véritable problème du tennis américain. Plus que de dix Taylor Fritz, il aurait besoin d'un seul Novak Djokovic. Écarté des grands médias nationaux, ce sport a perdu outre-Atlantique de sa force d'attraction. Seule une star pourra lui redonner son lustre. Or depuis Andy Roddick, dernier vainqueur US en Grand Chelem et dernier numéro un mondial chez les hommes, les Etats-Unis ne possèdent plus ce grand leader susceptible de générer l'attention.
Indian Wells fut à ce titre symptomatique. Taylor Fritz y a disputé son quart de finale devant des tribunes largement clairsemées. Dimanche, pour la finale, le central affichait complet. Mais en dépit de la présence d'un enfant du pays, au sens national mais aussi local (Fritz est un Californien du sud), le public s'est assez largement rangé derrière Rafael Nadal. L'Amérique a besoin de stars. Elle veut des résultats, mais aussi de la personnalité et du charisme. Même avec l'éclaircie actuelle, l'avenir ne s'annonce pas forcément rayonnant à brève échéance. Au moins les perspectives sont-elles passés du noir au gris clair. Ce n'est pas encore la panacée, mais c'est déjà un pas significatif dans la bonne direction.
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Reilly Opelka

Crédit: Getty Images

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