Legends' Voice - Carlos Moya sur le retour de Rafael Nadal sur le court à Brisbane : "Avec Rafa, rien n'est impossible"

"Presque un an après, je me souviens du match du 2e tour de l'Open d'Australie contre Mackenzie McDonald. Rafa ne jouait pas bien et il ne jouait pas avec confiance. En 2022, après avoir gagné les deux premiers tournois du Grand Chelem, les choses ont été plus compliquées.

Il a d'abord eu une fracture de stress à une côte à Indian Wells. Puis, il a eu une blessure abdominale à Wimbledon. Il a également traversé des problèmes personnels qui l'ont affecté. Il a débarqué en Australie avec un état global qui n'était pas positif pour jouer au tennis.

On a vu que son niveau n'était pas celui désiré et qu'il y avait beaucoup de tension. Mentalement, ce n'était pas lui. Ce n'était pas le Rafa qu'on était habitué à voir. Je pense que cela a contribué à ce qu'il se blesse lors de ce match. Il y avait beaucoup trop de tension. Tout était trop forcé. On ne savait pas sur le moment la nature de cette blessure et ce qu'elle deviendrait dans le temps. Au fur et à mesure que celui-ci a avancé, il est devenu clair que c'était une blessure beaucoup plus sérieuse qu'attendue.

L'idée de Rafa était de revenir à la compétition chaque semaine. Au début, à Monte-Carlo, puis à Barcelone, à Madrid, à Rome. Mais chaque semaine était une nouvelle déception. Le diagnostic n'était pas clair en quelque sorte. Mais… peut-être qu'il l'était. Rafa a senti que quelque chose ne se passait pas bien au niveau de sa rééducation. Mais des fois, il faut forcer. L'idée était d'être présent à Roland-Garros. Il fallait forcer. On ne l'avait pas fait avant le tournoi. Avec l'arrivée de Roland, on a décidé de le faire. Je me souviens d'une séance d'entraînement avec un jeune de l'académie. C'était pour essayer de faire au minimum des tie-breaks et non pas des sets. Et pendant cette séance, il s'est à nouveau blessé. C'est là qu'on a compris qu'il ne serait pas à Roland-Garros. On a ensuite discuté et on a pris cette décision. Les épreuves médicales sont arrivées après ce moment précis.

Ne pas être à Roland-Garros a été une immense déception pour Rafa. Chaque saison, son principal objectif est d'arriver en forme à Roland-Garros, tout donner et y être compétitif. Il a d'abord constaté qu'il avait manqué toute la saison sur terre battue. Il avait déjà raté Indian Wells au départ. Manquer Roland-Garros a été la cerise sur le gâteau. C'est là qu'il a compris que la saison était finie, qu'il avait besoin d'une pause pour sa tête. Surtout, il devait comprendre ce qu'il se passait avec son psoas.

Quand Rafa a dit - 'Je ne mérite pas de prendre ma retraite sportive pendant une conférence de presse' - c'étaient des mots sincères et honnêtes. Il a exprimé son ressenti et la réalité. Quelqu'un d'aussi exceptionnel que lui ne mérite pas de dire au revoir après être passé au bloc opératoire. Il mérite d'avoir la chance de pouvoir se battre jusqu'au dernier moment. Pour un sportif, le 'billard' c'est un peu votre dernière chance, même si personne ne veut passer dessus. Il faut aussi constater comment vous revenez après.

Sa décision est d'essayer jusqu'au dernier moment, tout en sachant les risques que cela implique. Avec du recul, je pense qu'il a pris la bonne décision, comme souvent dans le passé. Il a choisi d'emprunter ce chemin avec tout le soutien de son équipe. S'il voulait stopper en étant sur le court, l'opération était la seule solution.

Juste après l'opération, vous avez des doutes qui s'emparent de vous. Vous attendez de voir comment elle s'est passée, comment la réhabilitation se passe. En théorie, tout doit bien se passer, mais il y a toujours un risque que ça ne se passe pas bien.

J'ai eu une opération qui ne s'était pas bien passée et j'ai dû stopper ma carrière après cela. Cela peut arriver. Cela peut arriver à n'importe quel joueur qui décide de se faire opérer. Puis, il n'était pas sûr d'être en capacité de revenir. On a aussi pensé qu'il y avait la possibilité de ne rien faire… Puis, petit à petit, on a dû planifier comment il allait revenir après un mois et demi de vacances, sans rien faire, sans avoir touché une raquette à cause de sa blessure.

Et au moment de revenir, il était tellement déterminé. C'était un pas en avant pour tout le monde. On a ensuite compris que son souhait, son rêve, prenait forme. Quand il a recommencé à jouer, au début du mois d'août, on s'entraînait deux fois par semaine sur des sessions de 20 minutes à petit niveau. Puis, on est monté d'un cran tout en subissant quelques contretemps en chemin. Il était contrarié par l'opération. Il avait des doutes sur le fait que tout se soit bien passé. A chaque fois, le docteur nous a dit que tout était normal et qu'il fallait aller de l'avant. Cela nous a fait du bien moralement, mais il y a quand même eu des bas. Cela est arrivé lors des deux premiers mois. Puis, les choses se sont accélérées.

Il y a eu un avant et un après, après le cap des deux mois d'entraînement sur le court. Mais avant celui-ci, il y a eu des moments de doutes, sur comment l'opération s'était déroulée et s'il était en capacité de revenir.

Sans aucun doute, c'est l'épreuve la plus difficile que j'ai traversée avec Rafa. C'est le moment où sa retraite sportive a été la plus proche. Il ne s'était jamais fait opérer et ce n'est pas la même chose de le faire à 20 ans qu'à 37. Après tout ce qu'il a gagné au cours de sa carrière, c'est un contexte différent.

Peu importe à quel point vous le connaissez, Rafa vous surprend toujours au quotidien. Il a une vraie force de conviction pour ce retour, pour donner le meilleur de lui-même sur le court et redevenir compétitif. Tous ces défis qu'il a dû affronter ces derniers mois ont été relevés. Je suis une personne de nature optimiste et positive mais je dois admettre que j'avais des doutes sur le fait qu'on soit prêts à temps pour aller en Australie. Être ici, c'est une victoire. A quel niveau va-t-il revenir ? Le niveau à l'entraînement est bon. Après, en compétition, tout peut arriver. Mais la confiance engrangée, car le niveau à l'entraînement est bon, peut aider à ce que les choses se passent bien. J'espère voir la meilleure version de Rafa d'ici deux mois.

Parce que c'est la première fois qu'il revient après avoir manqué de pratique depuis une si longue période. Le fait que Rafa ait besoin de matches et de rythme est un peu une légende urbaine car il a été blessé tellement de fois pendant 5-6 mois et il n'a jamais quitté le Top 10. Cela veut dire qu'il s'adapte parfaitement à sa situation. Mais cette fois, c'est différent. C'est une année entière sans jouer, c'est un sportif de 37 ans qui a été opéré, un jeune papa… Il y a plein de facteurs qui font que c'est un peu différent. Mais notre foi en lui est absolue.

On sait que cela va être un chemin ardu et très difficile, que le but est de s'aligner dans les tournois. Et cela est sur le point de s'accomplir. Mais en tournoi, il va essayer d'être aussi compétitif que possible. Je pense qu'on va voir une très bonne version de Rafa. Mais cette fois-ci, cela va demander au moins deux mois avant que tout prenne forme.

On est tournés vers ce qui peut être une potentielle dernière saison. On va se concentrer sur nos axes de travail des dernières années : la première balle, être agressif, faire les points rapidement, raccourcir les échanges… Les jambes ne sont plus ce qu'elles étaient. Pour mettre tout cela en place, il faut bien travailler et avoir la capacité à le faire. Une chose dont dispose Rafa. Avec d'autres joueurs, c'est plus difficile de leur demander cela. Avec Rafa, vous pouvez lui demander. Vous évoquez aussi plusieurs sujets, vous vous mettez dans une situation de projection sur ce à quoi pourrait ressembler cette potentielle dernière saison, histoire de profiter de ces moments pendant les tournois.

Parce qu'une fois que vous avez rangé les raquettes, rien ne peut remplacer la compétition. Vous ne pouvez pas retrouver ce feeling d'être dans un grand court avec 15.000 personnes, d'avoir une poussée d'adrénaline lors d'un tie-break lors d'un set décisif. Vous pouvez être heureux avec plein d'autres choses, mais celui-ci est impossible à reproduire. Il faut tout faire pour lui permettre de profiter de ce moment.

Chaque moment passé sur ces grands courts doit être un bon moment. Il faut prendre du plaisir, être avec sa famille qui va vous supporter. C'est le moment de prendre du plaisir. Durant cette pause, Rafa a été plus ou moins déconnecté du circuit. Il a regardé quelques matches, mais de manière générale on a pris du recul pour se concentrer sur lui. Quand vous luttez pour être n°1 mondial et gagner des Grands Chelems, vous êtes beaucoup plus impliqué dans le tennis. Cette fois, on a tous un peu plus débranché et lui le premier.

Affronter cette génération est un des challenges qu'il aime. Il a déjà affronté celles de Carlos Alcaraz et Jannik Sinner. On s'est entraîné avec Holger Rune cette semaine et c'est un des joueurs appelés à se battre pour de grandes choses aux sommets du tennis. Tout cela le motive. Je pense qu'il est prêt pour relever le défi. Mis à part cela, je ne pense pas que le circuit ait beaucoup changé en une année. Novak Djokovic continue de gagner.

Alcaraz a confirmé après l'année de son explosion qui a été spectaculaire. Celui qui a fait un pas en avant, c'est Sinner. Mais c'était plus ou moins attendu qu'il le fasse. Ceux d'entre nous qui le connaissent savaient qu'il allait finir par gagner des tournois importants. Je pense que cela a été le seul changement. Tsitsipas, Medvedev, Zverev, Rublev sont toujours là… Les choses sont plus ou moins restées les mêmes depuis l'arrêt de Rafa.

Il y a des endroits où on est impatients de revenir avec Rafa. Un de ces endroits est Melbourne, sans aucun doute. Après, on verra. On va prendre semaine après semaine, regarder ses matches, être précautionneux avec l'enchaînement des rencontres, avec les pauses, avec les surcharges de travail. On y a toujours fait attention. Mais cette fois ce sera essentiel avec l'idée d'être à Roland-Garros dans la meilleure condition possible. Ce sera la clé d'être prudent avec tous ces éléments. Je lui souhaite de pouvoir jouer tous les tournois qu'il rêve de disputer, mais je ne pense pas que cela sera possible. Maintenant, tout va dépendre de comment vont se passer les rencontres et qu'il n'y ait pas de contretemps physiques.

Rien n'est impossible. J'ai toujours dit que rien ne me surprendrait jamais venant de Rafa, non pas qu'il ne m'ait pas déjà surpris dans le passé. J'attends toujours le meilleur venant de lui. Mais cette fois, c'est différent. On suit un processus où il doit arriver à un très haut niveau en mars ou avril. Tout ce qui va venir à partir de maintenant sera un cadeau. Mais ce sera un processus difficile où les tirages au sort auront un rôle important à jouer dans sa quête de retour au meilleur niveau.

Je n'ai pas de doutes sur le fait qu'il reviendra à un très bon niveau. La seule question est quand il le fera. Je vois les choses être difficiles pour ces deux premiers mois. Mais je n'ai pas de doutes qu'il arrivera à ses fins tôt ou tard, s'il n'a pas de problèmes physiques.

Avec ce retour sur le circuit, je l'ai vu redevenir à nouveau un joueur de tennis. Cette sensation de se sentir comme un joueur de tennis. Il y a trois mois, il ne se sentait pas comme tel. Quand vous vous faîtes opérer, que vous ne jouez pas pendant un certain temps, cette sensation disparaît. Vous avez des doutes ; vous vous demandez si votre corps va suivre, si votre niveau sera bon. Toutes ces sensations ont disparu ces dernières semaines, ainsi que ces derniers jours depuis qu'on est à Brisbane. Cela nous fait du bien de voir ce sentiment d'excitation et cette joie sur son visage quand il s'entraîne et qu'il constate que les choses se passent bien.

Être en Australie est une victoire pour nous. On a vécu des moments très difficiles après l'opération, où on a tous pensé que cela aurait pu se terminer. Ce tournoi et les autres où il s'alignera sont des victoires. Mais une fois qu'il jouera, je le vois évoluer à un bon niveau. Je ne sais pas quand il pourra le faire, mais je suis convaincu qu'il sera capable de se battre pour aller loin dans les grands tournois.

Il a toujours dit que les Jeux Olympiques étaient une source de motivation pour lui. Il va se battre pour y être. Le fait qu'ils se jouent à Roland-Garros rend le tout encore plus spécial. Il n'a pas besoin de motivation car c'est quelqu'un capable de se motiver pour un premier tour de n'importe quel tournoi. Mais il est clair que cela peut devenir un objectif important et réaliste pour lui."