Alexandre Müller se confie sur sa carrière et sa maladie de Crohn : "Au changement de côté, je me contrôle pour ne pas trop boire"

À 28 ans, Alexandre Müller continue son bonhomme de chemin dans le top 50 mondial. Longtemps cantonné aux tournois de seconde zone, le Français a pris une autre dimension depuis un an et profite de cette nouvelle donne. Rencontré à Monte-Carlo, il revient sur son parcours, sa maladie de Crohn et son étonnant sponsor. Entretien.

Alexandre Muller à Rio en 2025

Crédit: Getty Images

Par Frédéric VERDIER
Alexandre, à Monte-Carlo, vous avez perdu contre Daniil Medvedev après une grosse bataille. Il y a un an, à Rome, c'est face à son meilleur ami, Andrey Rublev, que vous aviez réalisé votre première grosse performance face à une tête d'affiche. Est-ce que c'est un match déclic pour vous ?
Alexandre Müller : Oui, c'était une victoire assez importante dans un gros tournoi, à Rome. Ça m'a prouvé ce jour-là que je pouvais battre de très bons joueurs sur des grands événements. J'ai eu de bons résultats depuis le début de la saison. Je m'entraîne bien, il n'y a pas de pépins physiques, donc tout roule. J'espère que je vais réussir à enchaîner les belles semaines comme celle-là.
Vous êtes 39e mondial. Vous avez conscience d'être encore méconnu ?
A.M : Ouais, je pense qu'on peut dire ça. On me pose beaucoup la question. Il y a des nouvelles choses qui arrivent, un petit peu plus de médias, etc. Mais on me demande aussi si ça me dérange d'être un petit peu dans l'ombre d'un Arthur Fils ou d'un Ugo Humbert. Mais pas du tout ! Ils sont au-dessus de moi au niveau classement, ils ont plus de notoriété. Limite, ce n'est pas plus mal. Je fais mon petit bout de chemin, un peu dans l'ombre. Je monte tous les ans, petit à petit. Donc voilà, si un jour, j'atteins leur classement et leur niveau, ça sera du bonus.
Vous êtes professionnel depuis plus de dix ans mais vous avez émergé tardivement. Quand avez-vous pris conscience que vous vouliez être joueur professionnel ?
A.M : C'est vrai qu'en junior, ça a été un peu compliqué, je n'ai pas beaucoup joué sur le circuit, j'ai arrêté à 16 ans. En fait, j'ai eu un bon résultat en Future et je me suis dit : "Allez, bon, c'est parti, on va commencer sur le circuit ATP". Donc ça s'est fait un peu de fil en aiguille. Mais quand j'étais tout jeune, je n'aurais jamais pensé être joueur de tennis professionnel. Et un peu comme toujours, lors de ma carrière, c'est juste beaucoup de travail. Et après, les résultats viennent petit à petit. Et on se dit bon, pourquoi pas rêver à une grande carrière de joueur de tennis ? Et c'est ce que je suis en temps de vivre maintenant depuis plusieurs années. Donc, c'est top.
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Mahut : "Il n'y a pas beaucoup de joueurs du Top 50 qui sont meilleurs que Müller"

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L'un des tournants, c'est votre entrée à l'Elite Center de Cannes, dirigé par Jean-René Lisnard. C'est là-bas que les choses se sont mises en place ?
A.M : Oui, je suis arrivé à Cannes après Covid. J'étais à la Fédération juste avant. Après une semaine d'essai, j'ai tout de suite su que c'était là-bas qu'il fallait que j'aille. C'est travail et rigueur, tout ce qui me convient. C'est une équipe formidable, qui est à mes côtés tous les jours. On essaye de sortir le meilleur de moi-même. Pour l'instant, la progression parle d'elle-même. Tous les ans, j'ai un nouveau meilleur classement. Donc, tout va bien. 
D'autres joueurs nous ont parlé de l'ECC et du fait que ça ne rigolait pas forcément tous les jours. Vous avez des exemples de cette exigence de Jean-René Lisnard ?
A.M : (Rires) Oui, j'ai une anecdote. Il y a deux-trois ans, je suis sur un Challenger et je prends une sacrée rouste. Je prends 6-2, 6-2. Mais je me bats du premier au dernier point. Donc, personnellement, je n'avais pas spécialement de regrets. En rentrant à Cannes, j'apprends que 'JR' veut me voir. Il me met une soufflante pas possible en me disant : 'Tu t'entraînes bien, mais tu ne t'entraînes pas TRES bien. On peut aller beaucoup plus loin et plus haut que ce que tu es en train de faire.' Sur le coup, je l'ai mal pris parce que j'avais eu l'impression de tout donner sur le terrain. Mais après, je me suis remis en question et j'ai compris qu'il voulait simplement mon bien. Jean-René ne va rien laisser au hasard, il sera toujours là pour progresser et c'est important au plus haut niveau.
En termes d'éthique de travail, que vous a-t-il transmis que vous ne faisiez pas forcément il y a trois ou quatre ans ?
A.M : L'exemple typique, ce sont les étirements. Je suis d'une nature plutôt assez raide avec les tendons un peu plus fragiles avec ma maladie de Crohn. Donc, désormais, c'est dans la routine de faire des grosses séances d'étirement. C'est un peu la méthode 'JR'. Tous ceux qui sont passés par le centre connaissent cette méthode (sourires).
Votre maladie de Crohn, une maladie inflammatoire de l'intestin, justement, qu'est-ce que ça implique pour vous au quotidien ?
A.M : Niveau nutrition, tous les professeurs m'ont dit que ce n'était pas spécialement lié. Je sais quels sont les aliments qui me rendent un petit peu malade, donc je ne les prends pas. Ce sont plutôt des problèmes sur la récup' et l'hydratation sur le terrain qui me posent souci. En fait, j'arrive sur le terrain un petit peu déshydraté parce que je vais beaucoup plus de fois faire des pauses toilettes qu'une personne lambda. Et sur le terrain, j'ai beaucoup de mal à m'hydrater.
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Et maintenant 41e mondial : jusqu'où peut aller Müller ?

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Donc, vous faites exprès de ne pas trop vous hydrater en match, quand bien même c'est très dur et qu'il fait très chaud ?
A.M : Oui, j'y pense quand j'arrive au changement de côté. J'essaye de me contrôler parce que j'arrive, j'ai très soif. Je sais que si je bois trop, après, ça va être encore plus dur. Donc, je préfère limite avoir un peu soif pendant les échanges, mais pouvoir continuer à jouer à 100%.
Pourtant, à Rio, vous avez effectué un parcours magnifique jusqu'à la finale alors qu'il faisait lourd et chaud. Comment avez-vous fait ?
A.M : Ce sont des petits détails sur lesquels, au fur et à mesure des années, je progresse. Avant, je n'avais pas de boisson d'effort par exemple. Donc, avec mon équipe, on cherche des solutions pour pouvoir rester le mieux hydraté possible, même avec des gros combats comme ceux-là. J'ai mes boissons, on met du sel, les électrolytes et puis c'est parti. Forcément, après les matchs, je suis déshydraté. Je peux avoir des courbatures, des crampes. Mais sur le court, j'arrive à plutôt bien gérer.
A Rio, il y a aussi ce match face au phénomène Joao Fonseca avec un public en transe. Vous le battez nettement en deux sets avec cette célébration "clim" à la fin. Racontez-nous…
A.M : En voyant que j'allais l'affronter, je savais qu'ils allaient être chauds. Tout était prévu, tout était planifié concernant la célébration de "clim". C'était quand même assez marrant : quand je perdais un point, c'était la folie, ambiance Coupe Davis, tout le monde était contre moi. Et quand je gagnais le point, c'était silence, silence de cimetière, il n'y avait plus un bruit. Donc voilà, j'avais dit à tous les copains du circuit qui étaient sur place : 'Les gars, ce soir, attention, il va faire très très froid à Rio'. (rires)
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Müller a climatisé le Brésil et Fonseca : Le résumé de sa victoire sur la pépite

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Dernière question un peu plus surprenante : on a vu arriver "OnlyFans", plateforme connue pour ses contenus érotiques, dans vos sponsors l'an passé.
A.M : Oui, ça a fait le buzz ça…
Simplement, comment ça s'est fait ?
A.M : Un peu comme avec tous les sponsors en fait. Mon agent qui arrive et qui me dit qu'il a une touche avec OnlyFans. J'ai réfléchi un peu sur les conséquences potentielles. Au final, à part des moqueries de mes potes pendant une semaine… Mais, au bout d'un an, tout se passe très bien. Ils essayent de sponsoriser beaucoup d'athlètes pour changer cette image-là. Je ne sais pas s'ils vont réussir. Donc moi, ça ne me dérangeait pas. Et maintenant, ce sont mes amis qui me demandent les contacts pour OnlyFans, pour être sponsorisé.

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