Masters 1000 de Monte-Carlo | Arthur Fils : "Mon ancien coach m'a toujours dit 'tu ne comprends rien au tennis'"

Désormais numéro 1 français, Arthur Fils continue de progresser semaine après semaine. A 20 ans, le jeune Tricolore ne veut se fixer aucune limite mais a déjà pu mesurer le chemin parcouru depuis quelques années. Son âge, son ambition, son entraineur, son attitude et sa capacité à se hisser à la hauteur de l'évènement : entretien avec un joueur qui sait ce qu'il veut.

Fils renverse Griekspoor : Les temps forts du match en vidéo

Video credit: Eurosport

Propos recueillis par Frédéric VERDIER
Arthur, on va commencer par une phrase que vous connaissez : "Moi, tu me parles pas d'âge". On a l'impression que votre génération, également celle des Dupont, Wembanyama, Léon Marchand ou même Désiré Doué au PSG, n'a absolument aucun complexe. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
Arthur Fils : "Oui, en tout cas pour moi, c'est le cas. Je ne les connais pas personnellement mais c'est sûr que quand tu vois Wemby qui a fait un début de saison de dingue en NBA, quand tu vois Désiré Doué qui joue très bien, quand tu vois Léon Marchand qui fait quatre médailles d'or… Ils n'ont pas peur d'y aller. Si on a peur de faire des choses, surtout à notre jeune âge, c'est là qu'on va se bloquer. Sans la peur, c'est là où nous sommes les meilleurs.
picture

Un Top 10 plus fébrile que jamais : "A Mensik et Fils d'en profiter"

Video credit: Eurosport

En tennis, ça se traduit comment ?
A.F : En tennis non plus, ça ne veut rien dire. Quand tu as 16, 17 ou 18 ans, dans le tennis, si tu vas en quart de finale à Roland, personne ne va te parler d'âge. On va tous dire 'c'est vraiment incroyable'. En revanche, si tu perds en premier tour, on va te dire que c'est parce que tu as 16 ans. Mais non, il n'y a pas d'histoire d'âge. J'ai 20 ans, je peux très bien battre des mecs de 30, 35 ans, sans souci.
A son époque, Richard Gasquet insistait beaucoup sur le fait qu'il avait le temps, qu'il ne fallait pas brûler les étapes…
A.F : Ça devait être à son époque. C'est un immense champion donc s'il l'a dit à l'époque, c'est qu'il devait avoir ses raisons et y croire. Moi, je le vois plus comme 'je suis jeune, c'est encore mieux'. Mais si je peux y aller maintenant, allons-y. Ok, j'ai du temps, je vais jouer encore 15 ans. Mais si je peux avoir des choses maintenant, je ne vais pas me gêner.
picture

Gasquet : "En 2005, je n'avais pas peur de Nadal"

Video credit: Eurosport

Vous progressez de manière très régulière depuis le début de votre carrière. Quelle est la dernière chose que vous avez compris sur votre métier ?
A.F : (Il répond du tac au tac) Les premiers tours ! Les premiers tours sont les matchs les plus importants. Parce que quand on passe à côté du premier tour, on n'a pas de chance de bien rentrer dans le tournoi. C'est impossible. Et moi, ça a toujours été un peu mon cas. Soit je joue très, très bien, ou soit au premier tour, je perds. Et puis, du coup, je n'ai pas grand-chose à faire toute la semaine qui suit. Je m'ennuie un peu.
(Gaël Monfils passe dans la zone média et lui fait des grimaces)
A.F : Attends, je suis en train de faire une interview et il me gêne.
Justement, avoir Monfils dans un vestiaire, ça sert ? Il donne des leçons ?
A.F : Non, pas des leçons mais il me donne toujours des bons conseils. Il m'en a beaucoup parlé récemment de sa manière de s'entraîner avant, quand il était jeune, qu'il s'entraînait dur. Et j'essaie de faire pareil maintenant. J'essaie de le prendre en tant qu'exemple. Et si je peux faire pareil, c'est tant mieux.
C'est le fameux "chaque séance doit avoir un objectif" ?
A.F : Oui, c'est ça, chaque séance compte. Peu importe ton état. Tu peux arriver sur le terrain très fatigué, pas dans ton assiette, tu as mal dormi… Mais on a toujours un peu de temps pour bosser sur quelque chose. On va bosser un peu plus de technique ou un peu plus physique ce jour-là. Mais il faut être concentré au moins sur un seul objectif.
picture

Ivan Cinkus en compagnie de Marin Cilic à Wimbledon en 2018

Crédit: Getty Images

Justement, parlez-nous d'Ivan Cinkus, votre nouvel entraîneur. C'est vous qui êtes à l'initiative je crois de cette collaboration ?
A.F : En fait, je l'ai vu beaucoup de fois sur le circuit. Je me suis toujours bien entendu avec lui mais ce n'était pas mon coach. A un moment, je lui ai demandé s'il pouvait faire quelques semaines avec moi en plus. Et lui, il était d'accord. Il était prêt. Il a dit que c'était un bon défi. Et puis maintenant, on s'entraîne ensemble. Ça se passe vraiment bien. J'ai toujours dit qu'il était droit. Et quand il a des choses à me dire, il me le dit. Parfois, c'est mauvais. Parfois, c'est très bien. Mais c'est un bon fonctionnement. Il est capable de te dire et que tu l'acceptes.
On peut vraiment accepter de se prendre ça dans la tête ?
A.F : Oui, il faut l'accepter. Je n'ai pas vraiment le choix. Ça ne fait pas plaisir les 20 premières minutes peut-être mais… Il ne me le dit pas pour m'enfoncer. Il me le dit pour qu'on puisse trouver des solutions. Pour qu'on retourne sur le terrain pour savoir ce qui n'a pas fonctionné. Et que le lendemain, ça fonctionne mieux. Donc, c'est positif.
Vous préférez ça que les circonvolutions ? 
A.F : C'est toujours mieux. Quand on tangue à droite, à gauche et qu'on ne te dit pas vraiment les choses, c'est nul. Quand on y va franchement, c'est bien. 
En termes de discipline et de travail hors du court, vous avez déjà appris des choses avec lui ?
A.F : Je ne sais pas si j'ai intégré des choses mais c'est vrai que je passe plus de temps sur le terrain. Je tape beaucoup plus de balles, on s'entraîne dur. Il me parle beaucoup de la récupération. Parce que dans ma tête, je suis jeune. Je n'ai pas besoin de récupérer. Je me dis que je peux aller dîner un peu plus tard, que je peux me coucher un peu plus tard... Mais depuis quelques mois, j'essaie de me coucher un peu plus tôt, de manger correctement, de ne pas trop faire d'écarts.
picture

Monte-Carlo est le meilleur tournoi de la saison ! (zéro débat)

Video credit: Eurosport

C'est un sport particulier le tennis : vous faites un très beau Sunshine Double en enchaînant deux quarts à Miami et Indian Wells. Mais il y a aussi deux défaites. Est-ce que vous arrivez à prendre de la distance par rapport à ça ?
A.F : Je ne sais pas s'il y a des bonnes défaites… Je ne suis pas tout le temps écœuré après mes défaites si c'est la question. Mais je déteste perdre. Si je perdais 7-6 au tie-break décisif contre le numéro 1 mondial, ça m'énerverait. Mais, quand on y réfléchit, sur ces deux tournois, je perds deux fois mais je gagne six matches. Donc il y a aussi beaucoup de positif. Les matches que je perds, c'est face à Medvedev et Mensik, qui gagne le tournoi au final. Ce ne sont pas des défaites qui font mal. Sur le moment, oui. Mais, quand on réfléchit avec mon coach, on voit que ce sont de bonnes défaites, on voit sur quoi il faut travailler pour gagner la semaine d'après.
Face à Medvedev, avec des conditions de jeu pourtant compliquées, vous n'avez pas bronché…
A.F : Ça n'a pas tourné pour moi, mais au moins je sais qu'en ayant une attitude comme ça, je vais avoir des occasions.
L'adversité n'a pas l'air de vous déranger, au contraire.
A.F : Non, Non, c'est pour ça que je joue depuis tout petit. C'est pour essayer d'avoir des adversaires qui jouent de mieux en mieux et essayer de pouvoir les battre et essayer de jouer sur les plus grands terrains avec la plus grande foule. Moi, j'aime bien tout ça. Dès que l'adversaire joue très très bien, c'est encore mieux.
picture

Arthur Fils - Masters 1000 de Miami 2025

Crédit: Getty Images

Ça explique votre capacité à jouer très bien face aux tout meilleurs ?
A.F : Ça a toujours été un rêve depuis petit, je l'ai toujours dit : jouer sur les plus grands terrains contre les meilleurs joueurs au monde. Et quand je me retrouve dans ces situations-là, je vais sur le terrain et je rentre pour gagner, pas pour faire figuration. Après, je peux perdre, bien sûr, mais au moins je rentre pour donner le meilleur de moi-même et pour essayer de battre ces meilleurs joueurs. 
Quel est le plus compliment tennistique qu'on a pu vous faire ?
A.F : On me dit souvent que je frappe très très fort. On ne me dit jamais que j'ai un très beau toucher (rires), mais on me dit que je frappe fort et ça, je le garde.
Et la critique qui, au final, a fini par vous servir le plus ?
A.F : Quand on m'a dit que j'étais trop impatient. Qu'il fallait que j'apprenne à construire mes points. Quand j'étais avec mon ancien coach, Jérôme Potier, il me disait toujours "tu ne comprends rien au tennis !".
Il avait raison ?
A.F : Oui, complètement (rires).
picture

Sacrée séquence : Quand Pogacar se fait siffler pour avoir tardé à s'installer

Video credit: Eurosport


Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité