Nadal, Federer, Djokovic, Monfils : Ces stats qui pourraient changer votre vision du tennis

Rémi Bourrières

Mis à jour 03/04/2020 à 21:10 GMT+2

Avec l'évolution des nouvelles technologies qui permettent de collecter des données chiffrées de plus en plus nombreuses, un nouveau métier a émergé ces dernières années : celui de statisticien. Le Suisse Fabrice Sbarro en est un. Il a accepté de nous livrer certains de ses secrets, plutôt étonnants…

Rafael Nadal au service

Crédit: Getty Images

Depuis sa résidence de Grandson, sur les bords du lac de Neuchâtel, Fabrice Sbarro passe en ce moment une bonne partie de son temps à visionner des matches de tennis. Et à en dégager des données statistiques, de plus en plus nombreuses. A vrai dire, sa collection personnelle, entamée en 2007, commence à être impressionnante : il devrait passer prochainement le cap du million de points analysés, essentiellement concentrés autour des joueurs (et joueuses) étant ou ayant été dans le top 100, ainsi que des grands noms du passé.
Ancien joueur de 2e série devenu entraîneur dans le privé, il s'est pris assez tôt de passion - ou plutôt d'intérêt - pour ce côté obscur et mathématique du jeu. "Je voulais toucher le haut niveau en tant que coach sans avoir été moi-même un joueur professionnel. Pour cela, il me paraissait essentiel de me démarquer en proposant autre chose."
Pendant des années, celui qui a également sorti un livre à vocation tactique ("Tennis : quel joueur êtes-vous ?") fait ça dans son coin, manuellement, artisanalement, fabriquant et interprétant lui-même ses propres données, grâce aussi à sa casquette de technicien. "L'interprétation, c'est la partie qui m'intéresse. La statistique en elle-même ne vaut rien. Ce qui compte, c'est ce qu'on en fait."

Avec Medvedev, l'approche statistique a marché

Le développement parallèle des nouvelles technologies distributrices de stats l'aide évidemment, mais plutôt dans le sens où il favorise l'émergence de cette nouvelle spécialité. Les experts en statistiques sont de plus en plus nombreux sur le circuit, à l'image du médiatique Craig O'Shannessy, qui a collaboré avec Novak Djokovic. Lors du dernier US Open, l'Australien a refait parler de lui. Il était dans le staff de Matteo Berrettini, auteur d'un remarquable parcours jusqu'en demi-finale.
Fabrice, lui, collabore surtout longtemps avec lui-même, pour son site Tennis Profiler. Mais l'été dernier, les choses s'accélèrent. A l'invitation d'Etienne Laforgue (le coach de Gilles Simon), qu'il a rencontré en Suisse via une formation sur les neurosciences, il se rend au Masters 1 000 de Montréal où il a l'occasion de présenter son travail à Gilles Cervara, l'entraîneur de Daniil Medvedev. Ça "matche". "Avec Gilles, on a préparé ensemble le 1er tour de Daniil contre Edmund. Ça lui a bien plu et, en plus, ça a marché. On a donc continué comme ça tout l'été, jusqu'à Bercy."
En début de saison, il attaque une nouvelle collaboration avec Nicolas Mahut. Collaboration stoppée en plein élan par les événements que l'on sait. Pas de chance. Mais partie remise. "Au début, la statistique était un peu ridicule. Puis elle est devenue dangereuse. Maintenant, elle va commencer à devenir évidente", prophétise le "statisti-coach". Qui, pour illustrer l'intérêt de ses données, et l'influence qu'elles peuvent avoir sur la vision que l'on se fait du jeu, a accepté de lever le secret industriel sur certains de ses chiffres.

36,2%

C'est le nombre de points remportés par Rafael Nadal lorsque ses adversaires servent en première balle sur son revers (sur une étude de 8 213 points). Ce chiffre devient intéressant lorsqu'on le rapporte à son taux nettement inférieur de points remportés lorsque ses adversaires servent sur son coup droit (29,3%). Or, ses adversaires ont justement plutôt tendance à éviter de servir sur son coup droit (43% du temps), partant probablement du principe qu'il s'agit de son meilleur coup. A tort selon les chiffres, qui révèlent assez nettement que l'Espagnol retourne mieux en revers.

49,1%

C'est le nombre de points remportés par Roger Federer après avoir joué un revers slicé non défensif durant l'échange (sur une étude de 540 points). On précise bien "non défensif", c'est-à-dire un revers slicé joué avec la volonté de "casser" le rythme. Enseignement n°1 : la variation ne paie pas tant que ça dans le tennis moderne puisqu'un tel choix tactique permet à Roger de ne gagner que moins d'un point sur deux. Deuxième enseignement : on a confirmation quand même que le revers slicé du Suisse est le meilleur du circuit puisque la moyenne générale est de 43,9%, donc nettement inférieure.
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Federer - Millman : Le résumé

944

C'est, chez Novak Djokovic, la supériorité sur ses rivaux dans la différence entre le nombre de points gagnés grâce à son coup droit et le nombre de fautes directes commises avec ce même coup droit (sur une étude de 25 500 points). En gros, sur ces 25 500 points, il en a pris 944 d'avance sur ses adversaires grâce au coup droit. Et paradoxalement, sur ces mêmes 25 500 points, il n'en a pris que 593 d'avance grâce à son revers. Si l'on a coutume de penser que Djokovic est meilleur en revers, c'est donc bien en coup droit qu'il est nettement supérieur à ses adversaires.
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Djokovic - Thiem : Le résumé de la finale

16,4%

C'est le pourcentage de 2èmes services manqués par Corentin Moutet (sur une étude de 1 408 points), le deuxième plus élevé du top 100 derrière Bublik (18,1%). Soit près d'une double faute sur six lorsqu'il rate sa 1ère balle. Heureusement, le Français a justement le pourcentage le plus élevé de 1re balles (70,2%), mais elle ne débouche sur un ace ou un service gagnant que 11,6% du temps, le deuxième moins bon score derrière Schwartzman.
C'est dire, donc, la qualité de jeu que Corentin est obligé de déployer en fond de court, ce qui se confirme là encore par les chiffres, avec notamment la 1re place au nombre de points gagnés par des coups droits en toucher (amortie, contre-amortie, lobs, etc.).

5

C'est le nombre de joueurs ayant figuré dans le top 100 en 2019 qui font davantage de points grâce à leur revers que grâce à leur coup droit. Et sur ces cinq… trois sont Français : aux côtés de Mikael Ymer et Kamil Majchrzak, on retrouve Antoine Hoang (joueur dont la prépondérance du revers sur le coup droit est la plus forte), Benoît Paire et Richard Gasquet, le seul doté d'un revers à une main. Derrière Richard, Stan Wawrinka est le deuxième revers à une main le plus performant mais, contrairement au Biterrois, il fait plus de points avec son coup droit.
Si l'on étend plus globalement à l'ensemble des joueurs analysés, cette étude révèle une chose : le revers à deux mains est, en tant que tel, largement plus performant que le revers à une main. C'est peut-être cruel, mais c'est ainsi.
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Wawrinka - Medvedev : Le résumé

50

C'est le pourcentage du nombre de points remportés par Gaël Monfils lorsque l'échange dépasse les trois coups de raquette (sur une étude de 11 354 points). Étonnant quand on connaît la réputation du Français à exceller dans les longs rallyes. En réalité, le n°1 français est à égalité avec ses adversaires dans ce domaine. En revanche, il est parmi les tout meilleurs des points joués en 1 ou 2 frappes (55,4% de points gagnés dans ce schéma, soit à la 6e place).
Il semble en effet surtout tirer sa force d'un double avantage service-retour : il est non seulement au-dessus de la moyenne dans le ratio ace-service gagnants (38,8%), mais il est aussi l'un des joueurs qui lui-même encaisse le moins d'aces ou de services gagnants (28,5%).
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Même 3 balles de match n'ont pas suffi : la défaite de Monfils face à Djoko en vidéo

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