Faut-il être plus sévère avec les mauvais comportements sur le court ?
MASTERS 1000 MONTE-CARLO – Insultes, coups de colère, gestes d'humeur, abandon en plein match... Le tennis est secoué de spasmes cette saison. Au point que l'ATP a demandé aux arbitres d'appliquer de façon plus stricte le code de conduite. Faut-il foutre la paix aux joueurs ou les sanctionner plus durement ? Parmi les joueurs actuels ou les anciennes gloires du circuit, les avis divergent.
Zverev a fracassé la chaise de l'arbitre : son incroyable pétage de plombs en vidéo
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Un de plus. Qui s'ajoute à une liste déjà longue cette saison. Le coup de colère de Daniil Medvedev passant ses nerfs sur l'arbitre de sa demi-finale de l'Open d'Australie contre Stefanos Tsitsipas. Le coup de folie d'Alexander Zverev frappant la chaise d'un autre arbitre à Acapulco. Nick Kyrgios qui manque de blesser un ramasseur de balle en balançant sa raquette après sa défaite contre Rafael Nadal à Indian Wells. Voilà pour les plus fameux. Puis dans un autre registre, mercredi, à Monte-Carlo, Alexander Bublik a décidé d'abandonner en plein troisième set face à Pablo Carreño Busta. Breaké, le fantasque trublion du Kazakhstan a mis les voiles sur un coup de tête. Il n'avait plus envie de jouer.
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Craquage total : Breaké, Bublik quitte le match en plein milieu du 3e set
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L'aspect comportemental des joueurs est en train de (re)devenir un sujet. Est-ce une mauvaise chose pour le tennis ? Où et comment fixer les limites ? L'ATP est-elle trop laxiste ? Le code est-il au contraire trop rigide ? De quoi ces comportements sont-ils le nom ? Autant de questions qui, à mesure que le dossier s'épaissit au fil des tournois, émergent avec une insistance de plus en plus marquée.
Ironiquement, avant que sa toiture n'ondule mercredi contre Carreño Busta, Alexander Bublik avait pris la parole... la veille pour demander davantage de liberté sur le court. Dans un entretien à Tennis Channel, il se faisait notamment l'avocat de Nick Kyrgios : "Nick amène des tas de fans au tennis. Même en double. Vous connaissez beaucoup de joueurs qui font venir du public pour le double ? Que veulent les gens ? Pourquoi viennent-ils ? Pour voir des gars en costume sur le court ? C'est du sport, c'est supposé apporter un peu d'émotion et on essaie de nous mettre dans une sorte de cage où on ne peut pas parler."
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Coup de sang : Kyrgios balance sa raquette après sa défaite face à Nadal
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Après la tournée américaine à Indian Wells et Miami et face aux récents incidents, l'ATP a tenté d'élever la voix : "Les arbitres sont invités à adopter une position plus stricte pour juger les violations du code de conduite." Une très mauvaise chose, selon Alexander Bublik : "Je ne pense pas que ce soit bon pour le sport. Peut-être que si vous avez 65 ans et que vous venez avec vos petits-enfants, vous n'avez pas envie d'entendre de gros mots, mais je ne suis pas fan d'un durcissement des règles. Pour moi, nous devrions avoir plus de liberté. Bien sûr, il y a des limites et il y a des choses qu'on ne peut pas faire, mais arrêtez de nous regarder de travers chaque fois qu'on parle."
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Pour Hénin, certains joueurs vont trop loin : "Il y a une escalade inacceptable"
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Boris Becker appartient à une autre génération, où les comportements n'étaient pas toujours plus vertueux qu'aujourd'hui, voire nettement moins dans le cas de joueurs comme John McEnroe ou Jimmy Connors voire, à un degré moindre, Becker lui-même. "C'est beaucoup plus difficile pour les joueurs aujourd'hui", juge ce jeudi le triple vainqueur de Wimbledon dans le podcast de nos confrères d'Eurosport Allemagne.
"Je suis plutôt heureux d'avoir joué à une époque où les réseaux sociaux n'existaient pas et où il n'y avait pas des micros partout sur le court, ajoute-t-il. Aujourd'hui, tout est extrêmement transparent. Trop transparent, à mon goût. Le tennis est aussi un divertissement. Je ne veux pas voir des ordinateurs et des machines sur le court. Voir des émotions, c'est une bonne chose. Il faut un peu de sang, de sueur et de larmes, c'était déjà le cas à notre époque et ça stimule tout le monde. Mais tout doit avoir une limite."
Ruud : "Il faut que ça cesse"
Un point de vue très proche de celui exprimé par un Bublik que l'on pourrait résumer de la sorte : laissez les joueurs tranquilles mais fixez des limites. Mais où sont-elles ? Là est la question. Le cas Zverev est peut-être celui qui a suscité le plus de débat. Casser une raquette, hurler, jurer, mal parler à un arbitre, c'est une chose. Mais il se dégageait de l'attitude du joueur allemand un degré de violence supérieur. Il n'a certes pas touché l'arbitre (heureusement, tout de même, que ce dernier a levé les pieds) mais voir un joueur s'acharner de la sorte sur la chaise a davantage choqué. Parce que c'est rarissime. Parce qu'on peut considérer la chaise de l'arbitre comme une forme de sanctuaire. S'en prendre à elle c'est, déjà, même symboliquement, s'en prendre à lui.
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Deux mois sans jouer et 25000 dollars d'amende avec sursis: fallait-il sanctionner Zverev davantage?
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Pourtant, la sanction est apparue relativement clémente : perte des points acquis durant le tournoi et forte amende. Mais pas de suspension autrement qu'avec du sursis. "Si ça, ce n'est pas une limite, où est-elle ?, interroge Mats Wilander. Pour moi, Zverev n'aurait pas dû avoir une période de probation, il aurait dû être banni du circuit pour un mois, deux mois, pour le prochain Grand Chelem, ou le prochain Masters 1000, je n'en sais rien. Mais en tout cas quelque chose de plus dur que 'Il ne faut pas recommencer, ce n'est pas bien'. Ça n'a aucun sens. La vie ne fonctionne pas comme ça."
Casper Ruud, joueur au comportement beaucoup plus neutre, abonde dans le sens du Suédois. "Il faut que ça cesse, clame le finaliste de Miami dans le premier numéro de son émission sur Eurosport "Ruud Talk Vodcast". Il y a eu deux ou trois cas en moins d'un mois. C'est un comportement irresponsable. Je n'ai pas envie de voir ça, ça attire une attention négative sur notre sport." Si le Norvégien se ne prononce pas sur la nature des sanctions à appliquer, il doute que de simples amendes suffisent à calmer les plus énervés. "Pour certains, ça semble n'avoir aucune importance, dit-il. Je ne sais pas ce que serait une sanction juste, mais j'ai l'impression qu'on peut avoir un gros accident à n'importe quel moment."
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Un point puis un jeu de pénalité : Kyrgios pète les plombs face à Sinner
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En quête d'équilibre
"Je ne suis pas certain qu'il soit nécessaire de réinventer des règles ou de nouvelles sanctions, plaide de son côté Becker. Elles existent. La question, c'est que devra-t-il se passer sur le court pour qu'un joueur écope d'une suspension ?" Pour autant, l'ancien champion allemand ne croit pas aux vertus d'un déballage du linge sale sur la place publique. A ses yeux, tout ça doit se régler au sein de la famille : "Je n'aime pas trop que les joueurs se critiquent entre eux. Tout le monde doit se regarder dans la glace. Personne n'est parfait, tout le monde peut craquer à un moment donné. Pour moi, les joueurs sont des collègues, ils ne devraient pas critiquer publiquement le comportement d'un tel ou d'un tel. Ce n'est pas une bonne chose."
Le tennis, un brin schizophrène, semble donc en quête d'une forme d'équilibre. Longtemps, on lui a reproché d'être trop policé et à ses principales stars d'être trop formatées. Aujourd'hui, le curseur se déplace sous l'impact des récents évènements. Le public veut des "personnages". D'autres crient au devoir d'exemplarité. Les mêmes, parfois. "Le tennis est un jeu où on apprend beaucoup sur la vie, les règles et l'éducation, estime Mats Wilander, convaincu de l'importance de la responsabilité des grandes figures du circuit. "Lleyton Hewitt me disait qu'en Australie, tous les gamins veulent être comme Nick Kyrgios", dit-il. Pour le meilleur... et pour le reste.
Au fond, l'erreur est peut-être de considérer que le charisme d'un joueur et l'attraction qu'il peut générer auprès du public passe nécessairement par ce type de comportements. Björn Borg, le joueur le plus magnétique de toute l'histoire du tennis, est aussi le champion le plus froid à avoir foulé un court. Il n'a jamais cassé une raquette ni dit un mot plus haut que l'autre. Ni plus bas, d'ailleurs. Pourtant, personne, avant ou après lui, n'a attiré davantage de monde vers le tennis.
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