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Interview - Justine Hénin : "Il est plus que temps qu'on prenne conscience de ce que Djokovic est en train de réaliser"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 12/11/2021 à 13:57 GMT+1

Novak Djokovic a bien digéré sa désillusion de l'US Open, où sa défaite en finale contre Daniil Medvedev l'a privé du Grand Chelem. Vainqueur à Bercy pour son retour à la compétition en prenant en prime sa revanche sur le Russe en finale, "Nole" continue d'accumuler les records. Pour notre consultante Justine Hénin, sa capacité de rebond est phénoménale, à défaut d'être surprenante.

Novak Djokovic.

Crédit: Getty Images

Propos recueillis par Arnold MONTGAULT
Numéro un mondial pour la 7e fois en fin d'année, un 6e titre à Bercy, un 37e titre en Masters 1000... Novak Djokovic a encore écrit l'Histoire à Bercy.
Justine HENIN : Il est totalement unique, Novak Djokovic. Je pense qu'il est vraiment plus que temps, même s'il y a beaucoup de gens qui respectent évidemment son énorme carrière, qu'on prenne conscience de ce qu'il est en train de réaliser. On a beau aimer Novak Djokovic, ne pas l'aimer, il y a pas mal de gens qui ont peut-être un peu de mal avec sa personnalité, mais ce que le champion est en train de réaliser est quand même quelque chose de tout simplement extraordinaire. Je n'apprécie pas tout chez lui et loin de là mais je reconnais aussi des choses vraiment exceptionnelles.
On l'avait pourtant quitté défait et meurtri à l'US Open. Comment fait-il pour toujours rebondir de la sorte ?
J.H. : Ils ne sont pas nombreux à pouvoir rebondir comme il est capable de le faire. Alors on prend la situation d'aujourd'hui, mais on peut revenir un an en arrière, après l'US Open (disqualification contre Carreno Busta, NDLR). On pensait aussi qu'on allait le retrouver meurtri. Et malgré tout, même s'il perd en finale à Roland, il est quand même au rendez-vous. Derrière, il se reconstruit, il gagne l'Open d'Australie, il a une capacité de rebond qui est juste phénoménale. Et moi, je pense que cette défaite en finale de l'US Open était tout simplement nécessaire pour permettre à Novak Djokovic de souffler, de récupérer, de se montrer un peu humain. Parce que, finalement, il n'a peut-être jamais été autant aimé que quand il a perdu de manière tellement dure en finale contre Daniil Medvedev.
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C'était un mal pour un bien, en quelque sorte ?
J.H. : C'était presque beau de le voir échouer si près du but. Parce que quand on réalise une saison comme ça, c'est à la fois atroce et merveilleux. On se dit qu'il aurait dû le réaliser parce que ça aurait été tellement phénoménal pour lui. D'un autre côté, on est presque heureux pour lui de ce soulagement aussi, parce que c'est une pression qui est juste dingue. Et ce qu'il fait cette année, la régularité, la constance, le fait d'être présent au rendez-vous... On ne s'imagine pas dans le tennis masculin actuel ce que ça peut représenter.
Il a 34 ans, il a fait une très grande saison mais qui lui a demandé énormément physiquement et mentalement. Vous-même, en 2007 vous aviez réussi une année exceptionnelle, achevée par une victoire au Masters et un match énorme contre Sharapova. Mais cette saison vous avait laissé exsangue. Comment Djokovic fait-il pour enchaîner de la sorte ?
J.H. : Je pense que c'est à ce niveau-là qu'il est unique. Je pense qu'on aime tous la compétition. Est-ce que lui l'aime encore davantage ? Est-ce qu'il a des capacités encore supérieures ? Manifestement, oui. C'est quelqu'un qui arrive à travailler sans cesse sur sa motivation, qui est capable de la nourrir. Il y a probablement tout un travail aussi au niveau de son environnement. Il a retrouvé une fraîcheur physique ces dernières semaines. Ça, c'est évident. C'est ce qui a fait la différence dans cette victoire à Bercy et dans cette finale notamment.
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Il semble parvenir à digérer aussi bien ses plus grandes victoires que ses rares échecs…
J.H. : Je pense que c'est un garçon qui réfléchit beaucoup sur lui-même. Donc il a cette capacité à analyser ce qui est en train de se passer, à accepter les choses et en même temps se rebeller contre elles. C'est quelqu'un qui essaie de donner du sens aux choses. C'est un gros travailleur aussi, pas seulement dans le sens où on pourrait l'entendre... "Je vais m'entraîner. Je fais ce qu'il faut pour être prêt", il travaille sur lui-même, sur sa personne, il réfléchit à tout ça. On sent qu'il a beaucoup de réflexion sur son développement personnel aussi. C'est quelque chose qui peut l'aider.
Mais surtout, Novak Djokovic est animé ! Alors on est tous animés, moi, je l'ai été et d'autres encore à d'autres niveaux que moi, par un esprit de compétition. On aime le challenge, mais Novak Djokovic et on l'a déjà dit à maintes et maintes reprises : plus c'est difficile, plus il est capable de montrer quelque chose de lui-même derrière. Il aime l'adversité, probablement encore plus que d'autres. Et c'est ça sa grande force aujourd'hui. Il dit : "La pression est un privilège". Il se sert de ça, il en a besoin. Il est capable de négocier avec elle et il est presque encore plus fort quand elle est le plus présente. C'est ça qui le rend vraiment très, très particulier.
Vous parliez de sa personnalité. N'est-ce pas elle qui trouble la perception de ses accomplissements et empêche de les apprécier pleinement ?
J.H. : C'est vrai qu'on a vu Novak exploser à certaines reprises dans sa carrière. Mais quand on voit aujourd'hui son palmarès, est-ce que ce n'est pas compréhensible, finalement, de voir quelqu'un qui explose comme ça par moments ? Vu la constance qu'il nous propose depuis tant d'années maintenant, est-ce que ce n'est pas logique, à un moment donné, d'exploser par rapport à tout ça ? Moi, je pense que c'est tout à fait normal. Il y a son tempérament sanguin, évidemment, qui en rajoute une couche.
Comment l'avez-vous trouvé à Bercy ?
J.H. : Il a merveilleusement bien géré. S'il a pu jouer aussi libéré en finale, c’est parce qu'il était assuré de terminer cette saison numéro un mondial. Ça compte, on part en vacances heureux, léger, avec le sentiment du devoir accompli. C'est un sentiment très particulier. Il y avait une pression énorme là-dessus pour lui. Je l'ai même trouvé détendu sur la fin. Il a été capable de se libérer pour aller chercher ce titre.
Pourtant, retrouver Medvedev après sa lourde défaite en finale de l'US Open n'a pas dû être simple.
J.H. : Je l'ai trouvé phénoménal dans sa gestion de l'évènement. Il est d'abord resté très calme par rapport à la perte du premier set. Il a attendu les opportunités, il a servi de mieux en mieux. Il a commencé beaucoup plus doucement que Daniil Medvedev qui, lui, est en train de prendre sa place sur le circuit. Ça y est, c'est aujourd'hui vraiment le rival de Djokovic. On sent que Novak a récupéré de la fraîcheur. Il y a eu le soulagement de la défaite (à l'US Open, NDLR). Il a pu prendre soin de lui, il a pu se remobiliser. Et finalement, en finale, la pression était presque autant sur Daniil Medvedev que sur lui.
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On l'a aussi vu de plus en plus offensif au fil du match, multipliant notamment les services-volées. Cette capacité à s'adapter vous impressionne-t-elle ?
J.H. : Effectivement, les variations qu'il a proposées par rapport à son jeu vers l'avant, des services-volées aux moments importants, franchement, c'est la grande classe aussi de Novak Djokovic et ça montre qu'il est encore capable aussi de continuer à évoluer, de s'adapter à pas mal de circonstances.
Cette façon de se réinventer en permanence, c'est aussi ce qui le rend spécial ?
J.H. : Il a cette intelligence de se dire que rien n'est acquis. Il faut continuer à travailler des choses. Le fait de dire "Je peux jouer le jeu que je voulais jouer", je trouve ça merveilleux dans la bouche du numéro un mondial. Après tout ce qu'il a fait et de se dire là, "Je suis encore dans une recherche supplémentaire pour bousculer mon adversaire" parce qu'il sait qu'en face, ça progresse, énormément. Il a encore cette humilité, cette volonté de se remettre en question par rapport à cette dimension tactique. Comme sur le côté émotionnel où il est capable de se mettre au fond du trou puis de rebondir tellement vite. Moi, je ne suis plus surprise.
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Novak Djokovic ne le cache pas, il veut marquer l'Histoire, battre des records. 20 Grands Chelems, sept fois numéro un mondial... jusqu'où peut-il aller ?
J.H. : Aujourd'hui, c'est très difficile de se mettre dans les baskets de Novak Djokovic, même si certains ont réalisé de très, très, très grandes choses puisqu'il est en train de battre ces records-là. J'ai eu la chance de finir, je ne sais pas, trois saisons à la place de numéro un. C'est quelque chose d'exceptionnel. Le faire 7 fois alors qu'on sait qu'une fin de saison, c'est très difficile, c'est long…. Mais probablement que dans ses rêves, au départ, dans sa carrière, il ne s'imaginait pas pouvoir finir 7 saisons numéro 1 mondial. Plus on repousse les limites, plus il faut se fixer de nouveaux objectifs, plus il faut déterminer de nouveaux challenges et sentir ce qui peut effectivement activer cette motivation. Il y avait les grands objectifs à long terme et, en même temps, il faut sans cesse pouvoir déterminer de nouveaux petits objectifs à plus court terme. Et c'est là qu'il est très fort, parce qu'on sent qu'il est totalement habité par cette quête.
Il ne sera donc jamais rassasié selon vous ?
J.H. : Il est en train de travailler sur de nouveaux records. Il y a eu le Grand Chelem, évidemment, cette année, qui a occupé toute son énergie. Derrière, il est capable de se remobiliser parce qu'on aurait pu se poser la question après l'US Open. Mais il a encore faim. L'Open d'Australie, évidemment c'est encore une interrogation aujourd'hui (Djokovic n'est pas vacciné et ignore s'il pourra prendre part au premier Grand Chelem de la saison, NDLR). Mais il veut aller gagner des Grand Chelems. Et tant qu'il y a des records à battre, Novak Djokovic sera compétitif.
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