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Marketing - Comment Wilson voit l'avenir sans Roger Federer ?

Cyril Morin

Mis à jour 06/05/2023 à 13:04 GMT+2

Comment une marque peut-elle survivre au départ d'une icône aussi identifiée que Roger Federer ? C'est la question que se pose Wilson, partenaire du Suisse pendant toute sa carrière, depuis la retraite du Maestro l'an dernier. Au sein du géant américain, on s'attend forcément à un petit coup de moins bien malgré la présence de Stefanos Tsitsipas dans ses rangs. Pour mieux revenir ?

Roger Federer au service avec sa raquette Wilson lors de Wimbledon 2021

Crédit: Getty Images

Une légende, ça se construit. Une légende, ça se raconte. Concernant Roger Federer, la légende, au sens de l'histoire, voudrait que ça soit sa mère, Lynette, qui lui acheta un modèle Wilson pour ses 10 ans. Une légende déconstruite par le Suisse bien des années plus tard : s'il avait choisi le géant américain, c'était surtout pour ressembler à ses idoles.
"Je pense que j'aimais surtout le style de la raquette, se souvenait-il en 2017. Je me souviens que j'allais au magasin de sports et que je disais : 'Tiens, celle-là est vraiment canon. J'aimerais bien jouer avec ça’. Le truc c'est que mon héros, Stefan Edberg, jouait avec Wilson donc ça m'a sûrement aidé à choisir cette marque. Depuis, je n'ai jamais changé".
La firme américaine peut remercier le Suédois : grâce à lui, Roger Federer est devenu la poule aux œufs d'or de Wilson. "Quand tu demandes aux gens avec quelle raquette jouait Federer, tout le monde te répondra Wilson, sourit Alexandre Bailleul, fondateur du site SportBuzzBusiness spécialisé dans le marketing sportif. C'est son équipementier depuis ses débuts, ce qui crée une association instantanée". Le mariage fut parfait mais se heurte désormais aux contraintes temporelles : Roger Federer à la retraite, c'est une icône inégalable qui se retire pour la marque.

40% du circuit pro chez Wilson

Si le classement Forbes des sportifs les mieux payés en 2023 a rappelé que l'entreprise Federer tournait à plein régime (9e, seul tennisman du classement), l'ambassadeur élégant qu'il incarnait au quotidien sur le circuit a disparu. Tout comme Serena Williams, autre icône de la marque partie à la retraite. "Nous avons une relation privilégiée avec eux du fait qu'ils ont joué toute leur carrière avec Wilson, explique Bertrand Blanc, Global Senior Director de la marque américaine. Ils resteront, à leur manière, impliqués dans le monde du tennis. Nous continuons à travailler avec eux mais la page se tourne. Nous avons un vivier de joueurs et de joueuses très intéressant. Ce sont eux qui feront vivre la marque sur le circuit".
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Roger Federer

Crédit: Getty Images

Difficile de le contredire tant la marque du W est une constante sur le circuit depuis des années. "Derrière Federer, Wilson avait beaucoup d'autres joueurs, Serena Williams évidemment, mais aussi Grigor Dimitrov, Stefanos Tsitsipas, Sebastian Korda… Federer est sur une autre planète mais ils ont toujours eu ce côté ambassadeur. Ceux qui suivent le tennis, ils associent souvent ce sport à Wilson", avance Alexandre Bailleul. Il avait fait les comptes au printemps 2022 : Près de 30% du Top 100 masculin était équipé de raquettes Wilson. Un chiffre qui passe à 40% selon Bertrand Blanc en ajoutant le circuit féminin, où Ons Jabeur, Maria Sakkari, Aryna Sabalenka et Emma Raducanu font désormais figure de têtes d'affiche, notamment la première pour le lancement de la Pro Staff v14, raquette mythique de la marque.
Des chiffres qui ne disent pas tout d'une stratégie payante en termes de vente auprès du grand public à écouter Bertrand Blanc. "C'est toujours important d'avoir de la visibilité dans le Top 10 ou le Top 20, avoue-t-il, avant de nuancer. Mais, si on regarde les 20 dernières années, je suis d'avis qu'il n'y a eu que deux joueurs qui ont fait vendre des raquettes : Roger Federer et Rafael Nadal. Ce sont deux exceptions car ce sont deux stars, leurs carrières et leurs statuts d'icônes ont tiré le marché. A contrario, même si la présence sur le circuit professionnel fait partie de notre stratégie, cela n'est pas nécessairement un gage de succès. Aujourd'hui, la Clash est l'un des modèles les plus vendus au monde et c'est une raquette absente du circuit professionnel. Il faut savoir trouver le bon équilibre entre les modèles qui doivent être sur le circuit professionnel et ceux qui n’ont pas vocation à y être."
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Spectaculaires et légendaires : 10 points magiques remportés par Federer

Nous serons légèrement moins visibles sans Roger et Serena mais c’est temporaire
Reste que l'identification à un champion reste un vecteur commercial puissant. En ce sens, l'émergence combinée de Carlos Alcaraz (Babolat), Jannik Sinner (Head) et Holger Rune (Babolat) aurait de quoi inquiéter la firme américaine qui ne peut compter, en l'état, que sur Stefanos Tsitsipas comme postulant crédible à un grand titre. C'est avec philosophie que Wilson constate les potentiels dégâts.
"Ne pas les avoir attirés n'est pas un regret, estime ainsi Bertrand Blanc. Ce sont trois joueurs exceptionnels mais le hasard a voulu que les choses se déroulent ainsi. Nous aurons des joueurs qui vont venir bousculer ce trio, c'est une hiérarchie encore très fragile. Nous pensons qu'elle va être sujette à évoluer. Nous avons un groupe de juniors prometteurs, ils seront aux avant-postes dans les années qui viennent. Nous serons légèrement moins visibles sans Roger et Serena mais c’est temporaire. Toutes les marques traversent ce type de phase".
D'autant que Wilson a la latitude pour encaisser le choc. "Wilson appartient au groupe Amer Sports (Atomic, Arc’teryx, Peak Peformance, Salomon) et c'est une marque multisports, présente dans le basket notamment, relativise Alexandre Bailleul. Elle n'est pas unisport donc en termes de stratégie, ça permet de réduire les éventuels trous d'air liés au tennis en regardant au global".
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Federer, un mythe en péril ?

La nostalgie a encore de beaux jours devant elle

L'avenir, c'est donc ce qui excite Wilson. Parce qu'au fond, découvrir le futur gros talent de demain s'apparente à la quête d'une vie pour les scouts de la firme. "Nous sommes dominateurs sur cette catégorie d'âge 14-16 ans, complète Bertrand Blanc. Sélectionner les joueurs et joueuses en amont est un exercice difficile car le recrutement des jeunes joueurs et joueuses nécessite de taper large. On ne sait pas à 8, 10 ou 12 ans qui va vraiment percer. Chez les juniors, il faut que notre base soit suffisamment conséquente pour garantir une bonne visibilité quand ces joueurs seront en âge d'éclore sur le circuit principal. C'est toujours un pari et c'est finalement assez rare de savoir si tôt s'ils vont percer, le contre-exemple étant Richard Gasquet dont on savait à 9 ans qu'il serait professionnel".
Alors, dans ce marché des pépites, Wilson joue la carte du leader serein de sa force. "Bien entendu, il y a un élément financierqui entre en jeu quand on signe des jeunes, continue-t-il. Mais ce qui fait la force de Wilson aux yeux des joueurs et de leur entourage, c'est notre qualité de service. Nous avons une équipe d'experts reconnue, très certainement la meilleure sur le marché, en matière de préparation du matériel, d'accompagnement sur le circuit et de conseils techniques, que ce soit pour les raquettes ou le cordage". Ce suivi au long cours qui a longtemps enchanté Federer pendant sa carrière, ravi de trouver des interlocuteurs aux quatre coins du monde et des oreilles attentives lors des tournants stratégiques de sa carrière, avec des changements de raquettes aussi précieux que décisifs.
Finalement, parler de Federer au passé est presque une erreur commerciale. "Le fait que Federer fasse vendre, ça va durer, pronostique Alexandre Bailleul. Je ne dis pas pendant cinquante ans car peu de gens, à ce moment-là, l'auront vu jouer. Mais dans les vingt prochaines années, s'ils parviennent à maintenir son image, il n'y a pas de raison. L'exemple que je prends souvent, c'est Stan Smith, ancien grand joueur de tennis. Aujourd'hui, même des gens qui connaissent le sports, peu peuvent te dire qu'il a joué au tennis".
Comme Stan Smith, l'icône Federer dépasse le cadre du tennis… au point de s'inviter dans le padel ? "Ils ont déjà une collection de folie en padel, mais si demain il existe une raquette Roger Federer en padel…", salive-t-il d’avance. Preuve que la nostalgie a de beaux jours devant elle.
Roger Federer
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