Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

"Big 3", Coupe Davis, Gaston : Monfils, Tsonga, Simon et Gasquet s'ouvrent comme jamais

Maxime Battistella

Mis à jour 30/10/2020 à 15:35 GMT+1

Gaël Monfils, Richard Gasquet, Jo-Wilfried Tsonga et Gilles Simon, réunis sur la chaîne Twitch du premier cité, ont partagé un moment d'échange public rare jeudi. L'occasion pour eux de donner leur vision de leurs carrières respectives, de celles des trois monstres Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic ou de confronter aussi leurs points de vue sur leurs expériences en Coupe Davis.

Gaël Monfils, Jo-Wilfried Tsonga, Gilles Simon et Richard Gasquet en Guadeloupe pour le 1er tour de Coupe Davis face au Canada en 2016

Crédit: Getty Images

Est-ce grâce au recul d'années d'expérience sur le circuit ou grâce aux nouvelles possibilités d'une ère de plus en plus technologique ? Sans doute un peu des deux. Toujours est-il que Gaël Monfils, Jo-Wilfried Tsonga, Richard Gasquet et Gilles Simon ne s'étaient peut-être jamais autant dévoilés que jeudi lors d'un rendez-vous organisé par le premier cité sur sa chaîne Twitch. Pendant les quinze dernières années, ils ont porté à bout de bras le tennis français et ils ont pourtant fait l'objet de critiques qu'ils n'ont pas toujours comprises de la part des médias. Mais loin de se limiter à ces seuls malentendus, ils ont aussi tenu à balayer l'actualité tennistique avec franchise et une bonne dose d'humour.
D'ailleurs, Monfils a lancé les hostilités sur le premier grand fardeau porté par cette génération, son surnom en référence à l'âge d'or du tennis tricolore incarné dans les années 1920-1930 par Henri Cochet, Jean Borotra, René Lacoste et Jacques Brugnon. "On va le dire, ça nous fait vraiment chier qu'on nous appelle les Quatre Mousquetaires", s'est-il exclamé. La réponse de Simon n'a pas tardé, piquante : "Ils nous ont appelés aussi les Quatre Fantastiques, je me suis retrouvé à être la Chose et Ritchie la Femme Invisible, donc quitte à avoir des surnoms de merde, pourquoi pas les Mousquetaires..." Éclats de rires partagés, le ton était donné.

En Grand Chelem, une disette frustrante et un malentendu

Mais si les vannes et le chambrage étaient à l'ordre du jour, ça n'a pas empêché les quatre larrons d'aller au fond des choses et d'une forme d'incompréhension qu'ils ont parfois ressentie à l'égard des médias. De la précocité d'un Gasquet en 2005 à l'émergence plus tardive d'un Tsonga en 2008, la grandeur des attentes a généré une déception disproportionnée quant à l'absence de titres en Grand Chelem. Un paradoxe parfaitement résumé par Simon. "Ce sont les joueurs les plus forts, les plus proches de réussir cet objectif. (...) La vitesse à laquelle ça se retourne quand finalement tu ne le gagnes pas, comme si tu avais trahi tout le monde, ça n'aide pas."
Chacun à leur tour, ils ont ressenti le poids de la succession potentielle de Yannick Noah, dernier vainqueur français en Grand Chelem et surtout à Roland-Garros. Et au cours de leur échange, ils n'ont pas manqué de reconnaître leur manque d'opportunisme sur les rares occasions qu'ils ont eu à se mettre sous la dent. Comme quand Simon a rappelé à Monfils les balles de match obtenues face à Roger Federer en quart de finale de l'US Open en 2014. S'il en avait converti une, le Parisien se serait retrouvé face à Marin Cilic, futur vainqueur, en demi-finale.

Entre rares occasions manquées et omnipotence du Big 3

Le Croate a su, lui, saisir cette chance et il fait partie des rares joueurs à avoir pu récolter les miettes laissés par Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic. Mais ce fait ne doit pas faire oublier non plus ce à quoi ont dû faire face les quatre tricolores qui ont été ensemble membres du Top 10. "On a les 3 meilleurs joueurs de tous les temps qui ont joué les 15 années où on a joué. C'était pas évident d'être comparés à eux, on était 5e, 6e, 7e... On a tous poussé notre tennis au maximum de ce qu'on pouvait faire à un certain moment, on n'a pas à rougir de ce qu'on a fait", a estimé Tsonga.
picture

Gaël Monfils, Yannick Noah, Jo-Wilfried Tsonga, Gilles Simon et Richard Gasquet en Coupe Davis

Crédit: Eurosport

La France est l'un des quatre pays à accueillir un Majeur chaque saison. Et les attentes autour de cette génération talentueuse ont été fortes pour mettre fin à la disette sur la terre battue parisienne. Mais Monfils, demi-finaliste (2008) comme Tsonga (2013 et 2015) du côté de la Porte d'Auteuil, a tenu à rappeler une autre vérité : l'omnipotence exceptionnelle de Nadal sur la surface. "Roger (Federer) et Djoko, des légendes du tennis, ils ne l'ont gagné qu'une fois. C'est complètement fou. Nous, on est loin d'être Roger et il ne l'a gagné qu'une fois (...). Mais c'est vrai que la seule fois où il a eu vraiment l'occasion de le faire en 2009, il l'a saisie. Et c'est fort."
La Coupe Davis, c'était l'occasion de s'amuser normalement et à aucun moment, on a pris le plaisir qu'on aurait dû prendre
Et les compères ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. Ils ont aussi évoqué l'autre grand reproche fait à leur génération : le manque de succès en Coupe Davis. Là encore, ils n'ont pas fui leurs responsabilités. S'ils ont été si rarement convoqués tous les quatre ensemble, à l'exception notamment du 1er tour contre le Canada en 2016, c'est aussi "de leur faute" car pas forcément disponibles ou en forme au même moment, comme l'a confié Tsonga. "J'ai eu des moments extraordinaires en Coupe Davis, j'ai vibré. Mais j'ai vécu des trucs très difficiles, hyper durs à encaisser. Je me retrouvais dans ma chambre d'hôtel le soir à avoir des palpitations et à me demander ce qu'il m'arrivait. C'était juste beaucoup de pression et choses difficiles à gérer", a-t-il poursuivi.
Sur le sujet, Simon a été franc du collier. "En général, je suis très focalisé sur le résultat comme tu l'as dit Jo, mais justement, la Coupe Davis, c'était l'occasion de s'amuser normalement. A aucun moment, on a pris le plaisir qu'on aurait dû prendre. (...) Quand je partais en Coupe Davis, je me disais que ce serait génial avec les copains, que ce serait un match par équipes, même avec la pression. Je me disais qu'on allait se marrer, et en fait, on ne se marrait pas. Dans l'ensemble, la lourdeur du truc, du cadre, de l'entourage, etc., faisait que tu étais loin de prendre le plaisir que tu pensais prendre. Je rentrais chez moi, et même si on gagnait, je me disais que c'était décevant et je n'arrivais pas à sortir de ça."
Globalement d'accord avec Simon sur la vision de la Coupe Davis comme d'une occasion manquée, les comparses n'ont toutefois pas été avares en anecdotes sur le sujet. Comme celle mouvementée de la première sélection de Gaël Monfils. "Elle s'est hyper mal passée ! Il y avait Mika (Llodra), PHM (Paul-Henri Mathieu), Grosjean, Clément. J'étais tout jeune donc conflit de génération ! On fait le stage. Je connais les gars et je sens qu'ils n'avaient pas envie de me connaître. (...) On s'est battus avec Mika. Je luis dis : 'Si tu me mets une calbote, je vais t'en mettre une.' Il a voulu jouer, il m'a mis une calbote en plein dîner officiel. Vous me connaissez, 18 ans, chaud comme la braise, j'y suis allé direct", s'est-il remémoré en riant. Depuis, les relations se sont évidemment réchauffées.
Gaston et la nouvelle génération ? C'est important qu'on les soutienne, qu'on leur fasse gagner du temps
Cette incompréhension aussi entre anciens et jeunes a permis aux quatre compères d'évoquer la nouvelle génération de joueurs français incarnée notamment par Hugo Gaston, 20 ans et huitième-de-finaliste à Roland-Garros après avoir battu Stan Wawrinka et rivalisé avec Dominic Thiem. Conscients de l'héritage difficile à assumer en termes de résultats, ils sont conscients du rôle qu'ils ont à jouer à leurs côtés. "C'est important qu'on les soutienne. Quand on était jeunes, je ne suis pas sûr qu'on ait eu le soutien de tout le monde à la fédé, de la part des anciens joueurs aussi. J'ai senti un peu de méfiance. Il faut qu'on leur fasse gagner du temps", s'est ainsi engagé Richard Gasquet.
Simon a aussi rappelé l'échelle d'exigence qui sera sans doute modifiée à l'avenir, tant la densité française dans le Top 100 est moindre par rapport à une dizaine d'années en arrière. "Gaston (actuellement 162e mondial, NDLR), c'est un huitième à Roland. Et on a presque l'impression qu'en impact médiatique, c'est autant que Jo quand il a fait finale en Australie en sortant Nadal. Ça traduit un petit trou (générationnel). La chance qu'ils (avec Corentin Moutet ou encore Ugo Humbert notamment) ont, c'est qu'ils n'auront pas les trois meilleurs joueurs de tous les temps face à eux."
Entre piques bien lancées et une sacrée auto-dérision sur leur forme du moment comme lorsque Gasquet a relativisé ses deux victoires depuis la reprise en comparaison du bilan vierge de Monfils - "J'ai battu Karlovic qui a 63 ans (41 ans en fait, NDLR), il joue bien quand même, j'ai pas fait le beau", s'est-il exclamé -, les comparses ont prolongé la discussion, après les départs de Simon et Tsonga, remplacés par un Benoît Paire lui aussi en forme. Un beau moment de partage, de sincérité et de rigolade. En ces temps difficiles, on en redemande.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité