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Toni Nadal : "Gagner à Monte Carlo, c'était un rêve pour Rafael comme pour moi"

Rémi Bourrières

Mis à jour 18/04/2020 à 14:02 GMT+2

MONTE-CARLO VINTAGE – Le 17 avril 2005, Rafael Nadal décrochait à 18 ans le premier de ses 11 trophées à Monte Carlo en battant en finale le tenant du titre et meilleur terrien de l'époque, Guillermo Coria, auquel il succédait à tous les sens du terme. Quinze ans plus tard, son oncle Toni a rouvert avec nous la boîte à souvenirs…

Rafael Nadal à Monte-Carlo en 2005.

Crédit: Eurosport

Après Indian Wells et Miami, revivez tout au long de cette semaine des moments forts de l'histoire du tournoi de Monte-Carlo , qui aurait dû se tenir du 13 au 19 avril.
En cette mi-avril 2005, il est beaucoup question de succession dans la Principauté monégasque. Albert II vient d'accéder au trône souverain après le décès de son père, le prince Rainier III, dont les obsèques ont lieu le jour même où au Monte Carlo Country Club, Richard Gasquet terrasse le roi Roger Federer en quart de finale du tournoi. Deux jours plus tard, la finale oppose Guillermo Coria, tenant du titre, à Rafael Nadal, un potentiel héritier tout désigné. Même si une large partie du public eût évidemment aimé voir Richard Gasquet, tombé au champ d'honneur sous les coups de Nadal au lendemain de son régicide, l'affiche de ce dernier dimanche n'en est pas moins splendide. Et très ouverte.
Coria, 9e mondial, détient alors probablement le titre officieux de meilleur terrien au monde, même si l'affaire ne s'est pas concrétisée un an plus tôt, en 2004, à Roland-Garros, où "El Mago" (Le Magicien) a été battu par "El Gato" (Le Chat), Gaston Gaudio, dans une des plus dramatiques finales de l'histoire du tournoi. Depuis une opération de l'épaule survenue ensuite durant l'été, il a perdu un peu de sa superbe : cette finale à Monte Carlo marque seulement le début de son retour au sommet, qui sera éphémère.
En face Rafael Nadal n'est encore "que" 17e mondial mais il a déjà de solides références. Notamment ici à Monte Carlo où il s'est permis, deux ans plus tôt, de s'offrir à 16 ans une perf' magistrale sur le vainqueur sortant de Roland-Garros, Albert Costa (avant de s'incliner, justement, contre Coria). Fin 2004, il a également offert à son pays un sacre en coupe Davis face aux Etats-Unis d'Andy Roddick puis en mars 2005, un mois avant le rendez-vous monégasque, il a failli s'imposer à Miami en menant deux sets à rien face à Roger Federer en finale. Toni Nadal, son oncle et entraîneur de toujours - même s'il a passé la main à Carlos Moya en 2017 – s'en souvient bien : "Juste après cette défaite contre Federer, l'une des premières choses que j'ai dites à Rafael, c'est que cette défaite n'avait rien de grave, que l'essentiel, c'était de gagner ici, à Monte Carlo."
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Guillermo Coria à Monte Carlo 2005

Crédit: Getty Images

Là, j'avoue que je n'étais pas persuadé qu'il ait le niveau
A l'époque, Rafa n'a pas encore gagné Roland-Garros ni le moindre Masters Series, mais il a réussi un début d'année fracassant sur terre battue, avec un doublé sud-américain Costa Do Sauipe/Acapulco en février. Le monde du tennis n'a plus le moindre doute sur la force du "cyclone" majorquin qui s'apprête à déferler sur la saison ocre. De là à en faire le favori face à Coria ? Peut-être pas. De son côté, Toni, en tout cas, reste mesuré. "Depuis qu'il est tout petit, quel que soit son adversaire, je crois toujours que Rafael peut gagner. Mais là, j'avoue que je n'étais pas persuadé qu'il ait le niveau, à 18 ans, pour battre Coria qui donnait l'impression d'être toujours bien placé sur la balle, de tout renvoyer sans effort. Rafael avait puisé aussi dans cette demi-finale contre Gasquet. La barre était haute. Je m'attendais à un match difficile."
Le début du match confirme les craintes de l'oncle-entraîneur. Coria breake d'entrée et se détache 3-1. Il est le patron sur le court. Sa légèreté de déplacement et sa souplesse de poignet semblent lui permettre d'absorber sans effort le lift du Majorquin, peut-être moins efficace en raison du temps très humide ce jour-là. Rafa, lui, force un peu son jeu et l'on comprend aujourd'hui, en écoutant Toni, que ça n'est pas un hasard : "Normalement, je ne prépare jamais un match tactiquement car je préfère que Rafael se concentre sur son jeu. Mais là, je lui avais demandé d'être agressif, plus que d'habitude. Coria était un joueur plus abouti que Rafael, globalement il contrôlait mieux ses coups. Si mon neveu s'était engagé dans une bataille du fond de court, ça aurait été compliqué."
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Rafael Nadal à Monte Carlo en 2005

Crédit: AFP

Je me suis dit : "tiens, là, il commet une erreur"
Et c'est vrai qu'en revoyant le match, Rafa est assez loin de l'archétype de l'inlassable renvoyeur qu'on lui prête à ses débuts. Il tente, varie beaucoup et rapidement, ça finit par payer. Avec son cœur déjà énorme, il renverse totalement la situation en inscrivant 11 des 12 jeux suivants pour remporter les deux premières manches (6/3, 6/1), bien aidé aussi par Coria qui se met à cumuler les fautes en coup droit et commet une paire de doubles fautes mal venues sur balles de break, prémisses de sa future descente aux enfers. Paradoxalement, la météo joue finalement en faveur de Nadal, qui reste calme sous les éléments alors que Coria peste de plus en plus, signalant à plusieurs reprises à l'arbitre de la rencontre, Mohamed Lahyani, le caractère glissant du court, et allant jusqu'à balancer quasi-ouvertement le dernier jeu du 2ème set.
Et puis, Coria commet sans doute un péché de gourmandise en se lançant dans une campagne d'amorties qui s'avèrent aussi efficaces au début qu'improductives au bout de quelques jeux, quand Nadal a compris le truc. Dans les tribunes, Toni sourit. "Quand j'ai vu que Guillermo se mettait à multiplier les amorties, je me suis dit : "tiens, là, il commet une erreur." Rafael était alors extrêmement rapide. Quelques amorties pour le surprendre, c'était bien mais trop d'amorties, non. Coria aurait dû faire davantage durer l'échange. On dit toujours que les longs échanges favorisent Rafael mais en réalité, il n'aime pas ça. Evidemment, il ne va pas jouer en deux coups de raquette comme Sampras mais il n'aime pas non plus les échanges à 30 coups de raquette. Disons qu'il aime les échanges "moyennement longs". Parce que plus l'échange dure, moins la balle va vite et dans ce cas, parfois, Rafael perd son rythme."

Rafa démontre ses facultés mentales hors normes

Jouer au chat et à a la souris est probablement quelque chose de naturel pour "El Mago" mais ce jour-là, le schéma se retourne contre lui. Pourtant, dans le 3e set, un relâchement coupable de Rafa, qui va quelque peu "agacer" son oncle, lui coûte une "bulle" mais le Majorquin se ressaisit parfaitement à l'entame du 4è, dans lequel il se détache 4-1, trois balles de 5-1. Trois "quasi" balles de match superbement sauvées par Coria qui s'offre alors un joli baroud d'honneur pour revenir à 4-4.
C'est à partir de là que le match, qui manquait jusque-là de fil conducteur bien que ponctué de quelques points splendides, devient vraiment intense. Et c'est là aussi que Rafa démontre ses facultés mentales hors normes en élevant sensiblement son niveau de jeu à mesure que son adversaire en faisait de même, pour finalement aller cueillir son premier Masters 1 000, 6-3, 6-1, 0-6, 7-5 en 3h09. Bluffant, à 18 ans. Mais pas plus étonnant que ça pour Toni : "élever son niveau de jeu face à l'adversité, Rafael a fait ça toute sa vie, je l'en savais capable. Le fait d'affronter un joueur aussi fort l'a aidé, aussi. Car il n'avait pas le choix. Face à un joueur moins fort, il aurait peut-être davantage tergiversé."
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Rafael Nadal à Monte Carlo en 2005

Crédit: Getty Images

Le nom Nadal serait inscrit à jamais dans l'histoire de ce club magnifique
La balle de match est un symbole : amortie mal négociée par Coria, coup droit gagnant de Nadal. "Cette balle de match, je m'en souviens parfaitement, s'extasie encore Toni. Je me souviensaussi de la joie qui m'a envahi à ce moment-là. Gagner Monte Carlo, un tournoi que j'avais beaucoup regardé dans ma jeunesse, c'était un rêve pour moi et je crois que pour Rafael aussi. Derrière Roland-Garros et Wimbledon, c'est le tournoi qu'il a toujours voulu gagner. Dans le vestiaire, ensuite, j'ai réalisé que le nom Nadal serait inscrit à jamais dans l'histoire de ce club magnifique. Et ça, j'avoue que ça m'a fait quelque chose."
Comme lui feront "quelque chose" chacun des 71 matches victorieux accumulés par son neveu en Principauté, dont 11 finales. Avec une tendresse particulière "pour celle-ci en 2005, parce que c'était la première, et pour celle de 2016 contre Monfils, parce qu'il renouait avec le titre après quatre ans d'insuccès." Quant à Rafa et Guillermo, ils se retrouveront quelques semaines plus tard à Rome pour une finale de légende, à nouveau remporté par l'Espagnol, désormais parfaitement lancé vers sa monumentale collection de records sur terre battue. Une couronne de diamants dont le premier joyau aura donc été conquis il y a 15 ans tout juste, et ça ne rajeunit personne…
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