Roger Federer a-t-il déjà aussi bien joué ?

Roger Federer a-t-il déjà joué aussi bien ? La question peut sembler incongrue concernant un champion de 34 ans, à l'automne (ou à l'été indien, tout au moins) d'une prodigieuse carrière qui l'a vu remporter 17 titres majeurs et battre la quasi-totalité des records possibles et imaginables.

Pourtant, au vu de ce tournoi, de cet été, et plus encore de son dernier match, cette demi-finale de rêve face à Stan Wawrinka, la question se pose. Et les réponses, incertaines, témoignent bien de la pertinence de la question. "Ah, c'est dur à dire, plaide Wawrinka. Il a tant gagné... Mais en tout cas, cela fait longtemps que je ne l'avait pas vu jouer aussi bien. Plusieurs années, c'est certain." Un peu gêné aux entournures, l'intéressé a néanmoins admis que, oui, il produisait "peut-être", son meilleur tennis. "Il a évolué, mais les autres progressent aussi, la concurrence est plus vive", selon Wawrinka.

Federer a déjà été beaucoup plus dominateur. Après tout, on parle là d'un joueur qui n'a plus remporté de tournoi majeur depuis plus de trois ans. Mais en qualité pure, il semble atteindre ces dernières semaines de nouveaux sommets. C'est évidemment un débat sans fin car sans vérité et tout ceci reste affaire d'appréciation et de sensibilité. Reste que sur plusieurs points clés, Roger Federer apparait bel et bien au sommet de son art en cette fin d'été.

Depuis Wimbledon, Federer a disputé 11 matches. 5 à Cincinnati et 5 à l'US Open. Sur ces 11 rencontres, il n'y en a qu'une seule où il a cédé son service. C'était au troisième tour, à New York, face à Philipp Kohlschreiber. Pour le reste, il est effarant de solidité sur sa mise en jeu. On l'a notamment vu battre Andy Murray, Novak Djokovic et Stan Wawrinka sans concéder son service. "Il sert bien. Il sert même mieux que je ne l'ai jamais vu servir. Pour moi, il trouve beaucoup plus d'angles", a témoigné Wawrinka après sa défaite en demi-finale.

Alors, sert-il vraiment mieux que jamais ? "Pour être honnête, j'ai toujours pensé que j'avais un service 'décent', avec pas mal de variations, sourit l'intéressé. Mais peut-être que je sers avec un peu plus de constance maintenant. Je crois aussi que je tire avantage des conditions rapides, ici comme à Cincinnati." En tout cas, le résultat est là : sur ses six premiers matches à Flushing Meadows cette année, Federer a remporté 81,9% des points derrière sa première balle. Novak Djokovic, à titre de comparaison, pointe à 77%.

Bien sûr, il y a ce désormais fameux retour-volée, le tube de l'été. Mais le degré d'agressivité du Suisse va bien au-delà de ce qui reste d'abord un gadget, certes spectaculaire. Federer se rue au filet dès qu'il le peut. Sur sa première balle, voire sur sa seconde, et à l'échange dès qu'il en a la possibilité. "Il essaie d'être beaucoup plus agressif dans son jeu vers l'avant, il monte beaucoup", note Novak Djokovic.

Même constat quand la bataille s'engage du fond du court. "Il essaie toujours de rester collé à la ligne de fond, de ne pas reculer, souligne Wawrinka. Et comme il lit très bien le jeu en ce moment, il y arrive. Je ne dirais pas qu'il est un joueur différent, mais il est plus agressif, c'est certain. Il vient au filet dès qu'il peut et quand il reste au fond, il ne quitte pas la ligne. Après, c’est difficile de comparer avec d'autres matches, avec le passé, parce qu'entre du dur, du gazon ou de la terre, les conditions diffèrent. Mais par exemple, au Masters, l'année dernière, il était aussi agressif. La différence, c'est qu'il montait beaucoup moins."

Ce fut criant face à Wawrinka vendredi : même quand il n'a pas l'initiative de l'échange, Roger Federer s'échine à ne pas reculer. Le point ci-dessous en vidéo, qui lui a permis de réussir son dernier break de la partie, est à ce titre significatif. On le voit soumis à la pression de son compatriote mais en cédant un minimum de terrain. Au final, c'est lui qui va parvenir à inverser la tendance pour prendre le dessus.

La qualité du jeu défensif du Suisse est un de ses gros atouts dans cette tournée nord-américaine. "Je trouve que son jeu défensif est meilleur qu'il ne l'a été", a estimé Djokovic vendredi. "Même quand il est en défense, renchérit Wawrinka, il ne recule pas. Il préfère jouer parfois presque en demi-volée, même sur des passings."

Evidemment, cet élément impacte tous les autres aspects évoqués ci-dessus. Mais il est sidérant de voir à quel point Federer pète les flammes à maintenant 34 ans passés. Débarrassé de tous pépins physiques, il peut donner sa pleine mesure. "S'il est meilleur en défense, c'est parce qu'il est pleine forme", relève à titre d'exemple Djokovic.

"Il bouge vraiment très bien, c’est certain, acquiesce Wawrinka. Comme je l'avais dit avant notre demi-finale, je l'avais vu à Cincinnati et je trouve qu'il est extrêmement rapide sur le court. Il bouge mieux, du coup il lit mieux le jeu et tout va plus vite." Du haut de ses 34 ans, il parait être le plus frais de tous. Sa décision de faire l'impasse sur le Masters 1000 de Montréal, afin de s'offrir une vraie coupure après Wimbledon, porte indéniablement ses fruits.

Le mot de la fin sera pour la victime du jour, Stan Wawrinka : "Sa première partie de saison était très bonne, il a fait une finale à Wimbledon. Mais depuis Cincinnati, c'est d'un tout autre niveau. Il est incroyable."