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"Il fallait pleurer pour avoir une invitation en tournoi" : Le miracle du water-polo français après les Mondiaux 2024

Martin Mosnier

Mis à jour 16/02/2024 à 15:23 GMT+1

Sport moribond, cinquième roue du carrosse olympique, le water-polo français n'existait plus sur la scène internationale depuis près d'un siècle en dépit de quelques percées. Mais voilà qu'il a atteint le dernier carré des Mondiaux à quelques mois des JO de Paris. Un hasard ? Pas tout à fait. Une conjonction d'évènements a rendu le miracle possible.

L'équipe de France de water-polo, une vraie chance de médaille aux JO

Crédit: Getty Images

Cent ans. Paris, 1924, le water-polo devient le premier sport collectif français à décrocher l'or olympique. Que s'est-il passé depuis ? Rien ou presque. Le handball, le basket, le foot, le volley : tous les sports co' lui sont passés devant. Depuis 30 ans, le water-polo français n'a disputé que les JO de Rio pour une anonyme 11e place avec la satisfaction… d’y avoir participé. Ce n'est plus un déclassement mais une vertigineuse plongée dans les abysses.
Pourtant, même dans un profond anonymat, les Bleus ont construit un projet et les voilà en mesure non pas de participer aux JO de Paris (à suivre en intégralité sur Eurosport) mais de ramener une breloque. Personne n'aurait pu le croire, l'imaginer il y a quelques années encore tant le water-polo ne pesait rien dans le paysage sportif français. Il est encore loin de ses locomotives mais, quelques mois après sa 7e place aux Mondiaux de Fukuoka, sa demi-finale à Doha et la défaite aux tirs au but face à la référence croate témoignent de ses inespérés progrès.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Quelle est la recette magique qui a fait d'un sport moribond, cinquième roue du carrosse olympique, un potentiel pourvoyeur de médaille ? "C'est un long processus, nous dévoile Julien Issoulié, DTN de la natation française et directeur du water-polo à la fédération entre 2013 et 2017. L'équipe a mangé son pain noir. Les joueurs ont galéré, se sont remis en question. On a traversé tout ça dans des conditions parfois spartiates. Mais on a mis en place un projet pour faire quelque chose aux JO de Paris, il a d'abord fallu y croire et le mettre dans la tête des joueurs. Ensuite, on peut compter sur une nouvelle génération avec un joueur exceptionnel et sur le retour d'anciens qui apportent de l'expérience."

Karabatic, Mbappé, Dupont… et Vernoux

Une sorte de mélange qui tombe à pic. Les JO de Paris ont permis d'agréger les forces autour d'une équipe en lambeaux après l'absence de qualification pour les JO de Tokyo. Le water-polo a une bien curieuse particularité qui a longtemps dépouillé l'équipe de France de ses meilleurs éléments. Il existe, en effet, un mercato pour équipe nationale. Ugo Crousillat fut ainsi vice-champion du monde avec le Monténégro malgré son passeport français, Michaël Bodegas a fait les beaux jours de la sélection italienne alors que de l'argent et du temps avaient été investis sur eux. "Comme toujours dans ces cas-là, ce ne sont pas les plus mauvais qui partent", témoigne Issoulié qui s'est battu pour mettre fin à cette incongruité. Désormais, alors qu'il fallait jusqu'ici un an de césure pour changer de sélection, il en faudra trois. De quoi mettre à mal ce marché des joueurs.
Une bonne nouvelle pour l'équipe de France, qui, au fin fond des classements internationaux, ne parvenaient ni à retenir ses meilleurs joueurs ni, évidemment, à en attirer d'autres. Aujourd'hui, Bodegas et Crousillat apportent leur talent et leur expérience du très haut niveau. Hugo Fontani permet de gonfler les ambitions puisque, comme au handball, il est impossible d'espérer quoique ce soit sans gardien talentueux. Et Thomas Vernoux, prodige de 21 ans, s'occupe du reste. "Comme quand on a Karabatic, Mbappé, Dupont dans un collectif, c'est un luxe incroyable, s'enthousiasme Issoulié. Il attire les défenses et donne de l'espace aux autres. Ça porte une équipe quand elle a un leader qui met des buts alors qu'on bute sur l'adversaire. Tout le monde est galvanisé."
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Thomas Vernoux, la star de l'équipe de France de water-polo

Crédit: Getty Images

Voyage en Easyjet et genoux qui se cognent dans les sièges

L'ambition du coach, Florian Bruzzo, revenu sur scène en 2021 avec le désir ardent de sortir son sport de l'anonymat, a aidé cette bande pleine de talent à croire en elle. Et voilà comment s'est monté petit à petit, un miracle à la française. "On vient de tellement loin, continue Issoulié. A une époque, on cherchait des tournois mais personne ne voulait nous accueillir. Il fallait pleurer pour avoir une invitation dans les pays de l'est et quand on en grattait une pour un tournoi en Turquie, on était content."
Si, aujourd'hui, les Bleus ont gagné le respect des meilleurs, le delta avec les gros bras mondiaux reste immense. En France, il n'existe pas de Fédération de water-polo et le budget de l'équipe ne dépasse pas les 800 000 euros quand celui de la fédération américaine dédiée spécifiquement à ce sport culmine à… 25 millions d'euros. Dès lors, tout est plus compliqué. "Avoir plus d'argent, ça évite de mettre des colosses de deux mètres dans des vols Easyjet avec les genoux qui touchent le siège du voisin, témoigne le DTN. On arrive parfois à ne pas prendre les vols les moins chers qui partent à six heures du matin pour penser au sommeil des joueurs, mais on n'y arrive pas toujours."
En dehors des bassins, le match est inégal. Dans l'eau en revanche, la France a serré le jeu et les écarts tendent nettement à se résorber. Jusqu'à une médaille olympique ? Le rêve semblait impossible, alors ils s'y sont accrochés. Cent ans après, l'histoire serait belle.
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