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Renaud Lavillenie s'est pris de face la cruelle beauté du sport

Laurent Vergne

Mis à jour 16/08/2016 à 11:25 GMT+2

JO RIO 2016 - Renaud Lavillenie a livré un magnifique concours à la perche lundi soir, mais le s(p)ort a décidé de le priver de l'or olympique pour sacrer la surprise brésilienne Thiago Braz Da Silva. Le perchiste français ne peut pas avoir de regrets, malgré une médaille d'argent au goût finalement amer.

Renaud Lavillenie la tête basse durant le concours de la perche des Jeux de Rio

Crédit: AFP

Quelle journée improbable... Quel concours incroyable… La première aura donné le ton du second. On aura vraiment tout vu et tout eu lundi à Rio. Une chaleur caniculaire sous un ciel immaculé. Puis des vents tempétueux, des pluies torrentielles avant le retour au calme plat dans les cieux. Ce cocktail détonnant semble avoir contaminé cette finale du saut à la perche, dont on a d'abord cru qu'elle ne pourrait jamais se tenir au vu des conditions climatiques, avant de donner sa pleine mesure.
A chaud, il est toujours difficile de juger, mais il parait quand même raisonnable de prétendre qu'il s'agit là d'un des plus fabuleux concours de la perche jamais vu dans un grand championnat. Comme souvent en sport, il est devenu somptueux quand il s'est résumé à un tête à tête. Le scénario parfait. D'un côté, le champion olympique en titre. Recordman du monde. Numéro un mondial 2016. Favori. Face à lui, le challenger. Jeune. Brésilien. Devant son public. Donc mort de faim. Presque cousu de fil blanc, tout ça. Et comme dans un scénario hollywoodien trop facile, le "petit" a triomphé du "grand". Le seul problème, pour nous, Français, c'est que le grand, dans l'affaire, s'appelle Renaud Lavillenie et que Thiago Braz Da Silva, nouveau héros brésilien, était le petit qui gagne à la fin.

Le "petit" a croqué le "grand"

Mais si l'on fait deux secondes abstraction de la nationalité du cocu de l'histoire, que reste-t-il ? Un très grand moment d'athlétisme, de sport, même, tout simplement. Avec d'abord un champion digne de lui-même et de ce qui était attendu de lui. Car ne vous y trompez pas, Renaud Lavillenie a été magnifique lundi soir. Son concours a ressemblé à un chef d'oeuvre. 5,75m, 5,85m. 5,93m. 5,98m. Tout ça effacé au premier essai, avec une facilité déconcertante. Claquer ces quatre sauts-là dans une finale olympique, c'est tout simplement formidable. Cela aurait dû suffire à lui offrir sa deuxième médaille d'or.
Mais il y a des moments où le sport sort des rails de la logique. C'est ce qui n'en fait pas une science exacte, ni une science tout court, d'ailleurs, et c'est tant mieux. A défaut d'impossible, l'improbable s'est donc produit. Thiago Braz Da Silva, porté par une force venue de l'intérieur - et de l'extérieur, aussi, avec ce public de "tifosi" comme l'a qualifié l'entraîneur de Lavillenie Philippe D'Encausse - a pulvérisé son record personnel de 10 centimètres (11 en plein air) pour rejoindre le club des perchistes à plus de six mètres. Tout ça en finale des Jeux Olympiques. Bon. Les deux sauts les plus hauts de l'histoire des Jeux se sont produits cette nuit à Rio. En l'espace de dix minutes. Le sport n'est jamais aussi puissant que quand il associe beauté et cruauté par le jeu des vases communicants. Ces dix minutes avaient cette puissance-là.
Evidemment, on a mal pour Renaud Lavillenie. Franchement, je ne sais pas ce qui est le plus terrible : échouer en étant l'ombre de lui-même, comme aux Mondiaux l'an dernier, ou ne pas réussir en étant parfaitement à la hauteur du rendez-vous ? A chaud, je pense que la désillusion est plus forte cette fois. Parce que même s'il a trop d'expérience pour savoir qu'un concours n'est jamais fini, quand il a effacé 5,98m, il pensait probablement qu'il avait 90% de chances d'être à nouveau champion olympique. Il s'est vu champion olympique 2016. Il n'a jamais pu se voir champion du monde 2015. Pour utiliser une comparaison footballistique que les plus anciens ou les plus cultivés comprendront, ce lundi, pour lui, c'était Séville 1982. Pékin, l'an dernier, c'était Guadalajara 1986.

Rien à regretter, à part les tribunes vides

Mais il n'y a rien à regretter, d'un point de vue sportif. Il faudrait être fou pour regretter d'avoir vu un tel concours, dont on reparlera comme d'une référence dans 20 ans. S'il n'y a qu'une chose à déplorer, c'est le public. Ou plutôt son absence. Les sifflets, oui, c'est déplorable, et je comprends l'amertume de Lavillenie. Mais le public brésilien est comme cela depuis le début des Jeux, très chaud au soutien de ses champions, quitte à s'asseoir sur deux-trois règles élémentaires d'accueil. Mais ça n'a pas influé sur le résultat.
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Lavillenie devant les tribunes clairesemées du Stade Olympique de Rio

Crédit: AFP

En revanche, voir ce stade si grand mais si vide lundi soir, c'était triste. A la fin du concours, il ne devait pas rester plus de 15 à 20000 personnes. Déjà, la veille, pour la finale du 100 mètres, le rendez-vous phare de la semaine athlétique, il restait des places. Ce n'était pas bon signe. Les billets sont trop chers pour la plupart des cariocas, et plutôt que de les vendre en baissant les tarifs, le C.I.O et le Comité d'organisation préfèrent des tribunes désertées. C'est triste pour les sportifs et particulièrement pour Thiago Braz Da Silva, qui aurait mérité que son heure de gloire survienne devant un Stade Olympique plein à craquer.
De notre envoyé spécial à Rio, Laurent Vergne
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