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Sueur, sang et larmes : Kevin Garnett, ou l'art du sacrifice

Loris Belin

Mis à jour 26/09/2017 à 14:49 GMT+2

NBA - Vendredi, Kevin Garnett a tiré le rideau sur une carrière rare de longévité et de présence au plus haut niveau. Surtout, "KG" était l'exemple même de sacrifice pour la balle orange, pour laquelle il a tout donné, y compris une vingtaine d'années de sa vie.

Kevin Garnett sous le maillot des Minnesota Timberwolves lors de sa dernière saison

Crédit: AFP

Les surnoms donnés à un joueur en disent souvent long sur sa carrière et le respect qu'il a pu imposer. Kevin Garnett est de ceux-là. "Da Man", "The Big Ticket" : l'ailier-fort a été un joueur majeur de la NBA pendant de nombreuses saisons, et à bien des égards. Son palmarès, ses statistiques, tout place "KG" d'ores et déjà dans la légende du jeu. Mais plus loin que les marques écrites sur son CV, le souvenir le plus impérissable que laisse l'ancien joueur des Timberwolves est celle de sa dévotion, son sacrifice pour la balle orange, pour ses équipes, ses coéquipiers, ses entraîneurs. Garnett restera ce champion un brin givré, mué en "bête sanguinaire" sur les parquets, prête à tout pour gagner.
Des joueurs de talent, au pedigree éblouissant, la NBA en a toujours connu et en verra encore de nombreux fouler leurs sneakers sur les lattes de l'Amérique entière. Mais les prédispositions ne sont en rien une assurance tout risque dans une ligue où les étoiles pullulent, sans pour autant atteindre le firmament. Parmi cette constellation, Kevin Garnett restera une star à part.
Intérieur délié, capable de sanctionner les défenses de dunks féroces ou d'un tir à mi-distance soyeux, celui qui arrive directement du lycée chez les pros va rapidement s'imposer comme un des attaquants les plus dominants de sa génération. Une vraie révolution au poste 4 d'ailier-fort. MVP en 2003-2004 avec des statistiques hors-normes (24,2 points, 13,9 rebonds, 5 passes), l'homme de Greenville a longtemps porté ses Timberwolves sur ses épaules à grand coups de performances titanesques.

Encore plus fort défensivement

Homme à (savoir) tout faire offensivement, c'est pourtant de l'autre côté du parquet que la véritable nature de Garnett se libère dans son entièreté. En défense, il est la clé de voûte de toutes les équipes par lesquelles il passe. Leader vocal pour ses partenaires, le "loup" est infatigable pour ses adversaires. Passé adepte dans le trashtalking, l'art de chambrer et provoquer son vis-à-vis, il est un poison, qui rentre dans le cerveau de l'attaquant pour le faire sortir de son match. Même les plus imperméables des scoreurs se sont fait prendre par ce cocktail d'intensité, de dureté, voire de méchanceté.
Garnett n'a qu'une seule pensée en tête : empêcher vaille que vaille l'adversaire de marquer. Rebondeur tenace, excellent contreur tant dans le timing que par ses qualités athlétiques, il pousse le vice jusqu'à dévier de leur trajectoire les shoots adverses pris… après le coup de sifflet de l'arbitre. Une marque de fabrique devenue culte, parfait exemple de cette volonté farouche de ne rien lâcher de la première minute du match jusqu'au buzzer final.

Garnett est devenu un champion une fois délaissé de ses responsabilités offensives

Ce n'est d'ailleurs pas anodin si Garnett a réellement connu le succès une fois devenu un leader défensif à Boston. Arrivé chez les Celtics en 2007, le joueur débarque dans le Massachussetts pour former un trio de feu avec Paul Pierce et Ray Allen. KG devient le patron et l'âme d'une franchise déjà mythique par sa tradition de cols bleus au jeu plus porté par les efforts que par le spectacle. Il n'a plus besoin d'empiler les points pour dominer et devient le père fouettard d'une équipe calibrée pour jouer la gagne chaque match, l'instigateur en chef du rideau de fer des C's. Voire, quand il le faut, le premier à mettre le feu aux poudres quand il faut sortir les muscles. "Je n’ai pas envie d’être un exemple en m’asseyant et en parlant mais en passant à l’action." dit-il alors.
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Kevin Garnett avec Paul Pierce et Doc Rivers lors de la finale remportée par les Boston Celtics en 2008

Crédit: AFP

Plus qu'un génie intrinsèque, Garnett est bien un dingue de basket, un tueur prêt à toutes les folies pour les siens. Dès sa première saison sous les couleurs blanches et vertes, il est élu meilleur défenseur de la ligue, pour l'unique fois de sa carrière, à grand coups d'intimidations et de dissuasions payantes. Dans la foulée, il devient champion NBA, là aussi pour la seule fois en 21 saisons. Les sacrifices de tous les instants de Garnett n'ont été que peu récompensés par les trophées…

Son retour à Minnesota pour Flip Saunders

Malgré son infidélité bostonienne et un bref et insignifiant passage à Brooklyn, il n'a jamais oublié le Minnesota, même après son départ tumultueux pour un désaccord avec la direction de la franchise sur son contrat et la direction à donner à l'équipe. Alors quand en 2014 et à 38 ans passés, il reçoit le coup de fil de Flip Saunders (entraîneur des Wolves entre 1995 et 2005), revenu dans le Minnesota quelques mois auparavant, il n'hésitera pas à faire son retour là où tout a commencé. Preuve que si Garnett est le premier à déclencher les "bars fights" (pour finalement les fuir après les avoir provoqués), le Big Ticket est avant tout un homme au cœur immense.
J'ai un attachement spécial là-bas. Flip est là-bas.
En dépit des rancoeurs du passé – il déclarait n'avoir "rien de positif à dire" sur la franchise en 2012 - et à un âge où les joueurs cherchent une dernière chance de décrocher une bague, il accepte la de mettre de côté ses dernières ambitions personnelles pour un défi qui ne lui apportera aucune ligne dans son palmarès et peu de reconnaissance sur le terrain. Mais pour Saunders, l'intérieur devient le chaperon des Andrew Wiggins, Zach LaVine et autres Karl-Anthony Towns, diamants bruts de la franchise encore à polir. Le coach est le dernier lien qui relie Garnett au Minnesota, et finalement à sa carrière NBA. Emporté par un cancer fulgurant en octobre 2015, Saunders laisse son protégé orphelin. Quand il apprend sa disparition en plein entraînement, "Da Man" redevient "Da Kid", prostré devant la place de parking de son père spirituel, restée vacante.
Sa dernière saison, Garnett la traverse avec des statistiques faméliques (3,2pts et 3,9 rbds). Pire, son ami et ancien coéquipier Sam Mitchell, nommé entraîneur à l'annonce de la maladie de Saunders, est limogé sans ménagement à la fin de l'exercice 2015-2016 par les dirigeants des Timberwolves. Un épisode comme il en arrive régulièrement en NBA, mais celui de trop pour "KG". Usé, fatigué, il ne peut plus donner la pleine mesure de ce qu'il est, ce qui a fait sa principale force.
Si le futur membre du Hall of Fame est un des deux seuls joueurs – avec Hakeem Olajuwon - à avoir inscrit son nom dans le Top 20 de quatre catégories statistiques (points, rebonds, interceptions, contres), son impact sur le jeu s'étend bien plus loin qu'à la vérité froide des chiffres. Il aura donné tout ce qu'il a pu à son sport, auquel a tout simplement passé plus de temps que le reste de sa vie au moment d'écrire le dernier chapitre de sa carrière. Kevin Garnett restera cet aboyeur increvable plus encore qu'un monstre des raquettes. Un "energizer" qui aura offert en pâture tout ce qu'il avait de disponible : son énergie, sa salive, son essence. Un joueur pour lequel le sacrifice valait plus que les prédispositions.
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