Sanchez d'un souffle

On avait pris l'habitude de le voir lever ses deux doigts au ciel en franchissant la ligne d'arrivée d'une épreuve pour honorer la mémoire de son frère décédé. Cette fois, Luis Leon Sanchez a célébré sa victoire avec un pouce dans la bouche. Les temps changent. Sevré de succès depuis son arrivée victorieuse à Saint-Flour en juillet dernier, il lui aura fallu attendre une course qui lui sied à merveille pour retrouver le sourire. De retour sur Paris-Nice, l'Espagnol de Rabobank a débloqué son compteur en s'imposant à Sisteron vendredi. Il devance sur la ligne son dernier compagnon d'échappée, Jens Voigt.

Cette quatrième victoire d'étape dans la Course au soleil (après 2007, 2008 et 2009), le vainqueur de l'édition 2009 l'a construite dès le départ de Suze-la-Rousse. A peine cinq kilomètres parcourus et l'Espagnol sautait dans le bon wagon, celui d'une cassure gigantesque qui emportait Alejandro Valverde, mais aussi d'autres membres du Top 10 (Jeannesson, Sy.Chavanel, Spilak, Monfort et Kiserlovski). A l'avant, les Sky et les Vacansoleil avaient bien joué le coup en haussant le tempo d'entrée de jeu. Bradley Wiggins confirmait son statut de boss de la course en s'extirpant du peloton en compagnie de 27 autres coureurs dont ses poursuivants au général Lieuwe Westra (Vacansoleil) et Levi Leipheimer (Omega Pharma), mais sans le plus dangereux d'entre eux.

Le mano a mano entre les Movistar de Valverde, contraints de travailler très tôt dans la journée, et les Sky du maillot jaune, qui prenaient rapidement une minute de marge, durait une trentaine de kilomètres. Et dans l'ascension de la côte du Pas du Ventoux (2e cat.), le Murcien était revenu sur ses rivaux. L'étape, plus clémente que celle de Mende la veille, s'annonçait palpitante. Elle connaissait un premier coup d'arrêt. Mais parmi le groupe des 28 premiers fuyards, finalement réduit à sept, les ténors de la course avaient oublié un homme: Luis Leon Sanchez.

17e à 3'51" de Wiggins au matin, le coureur de la Rabobank se retrouvait rapidement en position de force alors que l'écart entre l'échappée (Sanchez, Geschke, Navarro, Veuchelen, Chérel, Geslin, Voigt) et le peloton franchissait la barre des quatre minutes. Sanchez trouvait un soutien de poids en la personne de Frederick Veuchelen (Vacansoleil) qui, débarrassé de ses adversaires pour la course au maillot à pois, passait en tête des quatre premières difficultés de la journée avant de craquer dans la dernière montée sous l'accélération de Sanchez et Jens Voigt.

A défaut de retrouver le jaune, alors que les Sky se mettaient enfin à rouler fort pour leur leader, l'Espagnol savait qu'il avait une carte à jouer pour remporter l'étape. Seul l'expérimenté Allemand pouvait encore lui barrer la route alors que le groupe diminuait comme peau de chagrin. Mais à 40 ans, le vétéran de RadioShack manquait sans doute du dernier coup de rein pour lui souffler la victoire sur la ligne. "Je voulais faire cette étape à bloc, j’y pensais depuis longtemps, confie l'autre Murcien du peloton. A la fin je me suis concentré sur le sprint, j’ai beaucoup pensé à mon frère.C’était très difficile mais ça a fonctionné." D'une demi-roue, Sanchez ajoute une ligne à son palmarès et retrouve le sourire, lui qui était venu pour jouer le maillot jaune, mais se contente pour le moment de la 13e place. Arrivé quatorze secondes après le vainqueur dans un groupé réglé au sprint par Heinrich Haussler, Bradley Wiggins conserve ses six petites secondes d'avance sur Lieuwe Westra et ses dix sur Levi Leipheimer. Valverde reste au pied du podium. Arnold Jeannesson (FDJ) est toujours le premier Français (8e à 1'06").