Hinault les a tous bluffés

On s'attendait à une arrivée au sprint à Saragosse, pour cette première étape post-pyrénéenne. Sans surprise, nous y avons eu droit. En revanche, nous étions loin d'imaginer que Sébastien Hinault serait le premier à couper la ligne d'arrivée, devant un autre Français tout aussi inattendu, Lloyd Mondory. Un improbable duo, qui a coiffé tous les ténors du sprint, de Greg Van Avermaet (3e), en passant par Oscar Freire (4e) et Tom Boonen en personne (5e). Une divine surprise pour le vétéran tricolore du Crédit Agricole, qui décroche à 34 ans le plus beau succès de sa carrière.

Hinault, qui n'a aucun lien de parenté avec son illustre homonyme, venait certes de remporter le Tour du Limousin au mois d'août. La forme était donc là, mais de là à l'imaginer en triomphateur d'un sprint massif sur une étape de la Vuelta, il y avait un pas de géant que le Briochin a franchi mardi. "On savait qu'il était capable de le faire, a confié sur l'antenne d'Eurosport Serge Beucherie, mais quand vous avez des garçons comme Boonen, Freire, Napolitano et d'autres, c'est évidemment très compliqué. Mais c'est nue victoire qui récompense un garçon exemplaire, professionnel jusqu'au bout des doigts. Il la mérite."

Décidément, ce Tour d'Espagne sourit particulièrement au cyclisme français, qui attendait pourtant une victoire d'étape de l'autre côté des Pyrénées depuis 1999 et le succès de Laurent Brochard à Los Corrales de Buelna. En l'espace de 48 heures, David Moncoutié (qui s'était imposé dimanche au Pla de Beret) et Sébastien Hinault ont remis le bleu, blanc, rouge à la mode en Espagne. Sans oublier la journée en or de Sylvain Chavanel ou le maillot de meilleur grimpeur, que porte Moncoutié et qu'il peut envisager de ramener à Madrid dans 10 jours.

Pour la formation Crédit Agricole, il s'agit en tout cas d'une nouvelle raison de sourire en ces temps difficiles, puisque le groupe de Roger Legeay, qui n'a toujours pas trouvé de repreneur pour la saison prochaine, est en passe de disparaitre. "Il y a une super ambiance dans cette équipe malgré l'épée de Damoclès que nous avons au-dessus de la tête, note encore Serge Beucherie. Preuve de cet état d'esprit exemplaire, le Norvégien Thor Hushovd, qui a assisté à la victoire d'Hinault devant sa télé, a aussitôt appelé Beucherie sitôt la course terminée. "Il m'a dit qu'il en avait des frissons", raconte ce dernier, très ému.

Avant ce final aussi savoureux sur surprenant, cette 10e étape fut sans doute la plus lancinante depuis le départ de Grenade. Une véritable journée de transition, avec tout ce que le terme comporte de péjoratif dans le jargon cycliste. Après un début de course nerveux, qui vit des pointures comme Alessandro Ballan, Philippe Gilbert ou Yaroslav Popovych tenter de sortir brièvement avant d'être repris, un seul homme a obtenu un bon de sortie. Le Slovaque Matej Jurco (Milram), était ainsi parti pour une bonne galère en solitaire, qui plus est avec le vent de côté. Les équipes de sprinters se sont amusés avec lui. Mais elles n'avaient pas prévu que Sébastien Hinault surgirait pour les bluffer...