Un siècle de légendes (3)

. NOM: MERCKX
Prénom: Eddy
Pays: Belgique
Date de naissance: 08/01/1934
Victoires: 5 (1968, 1970, 1972, 1973, 1974)
Victoires d'étapes: 25

Eddy Merckx a connu beaucoup de moments de bonheurs sur les routes du Tour d'Italie, dont il est d'ailleurs, avec Binda et Coppi, co-recormdan des victoires avec ses cinq succès entre 1968 et 1974. Le Giro 68 fut d'ailleurs sa première victoire dans un grand Tour et le théâtre d'un exploit monumental dont il avait le secret. Aux Trois Cimes de Lavaredo et sa terrible pente allant jusqu'à 18%, Merckx écrase la concurrence de toute sa classe. Le Belge s'impose après avoir effectué la majeure partie de l'étape en solitaire, reléguant Gimondi et Ocana à près de sept minutes. Le Cannibale, alors âgé de 24 ans, était né. Six ans plus tard, c'est au même endroit que Merckx va sceller sa 5e et dernière victoire italienne. Mais cette fois-ci, maillot rose sur les épaules, il se retrouve en position de défenseur. Sur la pente enneigée, Monsieur Eddy souffre le martyr. Devant, Jose Manuel Fuente, le grimpeur espagnol, réalise un récital et remporte l'étape. Mais c'est surtout l'Italien Baronchelli qui menace Merckx. A la dérive, loin de la démonstration de force de 68, le maillot rose va sauver sa peau à l'orgueil, pour 12 minuscules secondes. Merckx a bouclé la boucle, achevant sa période de gloire là où elle avait commencé.

En dépit de ces triomphes, la relation Giro-Merckx a aussi pris des airs de "Je t'aime, moi non plus". L'épisode le plus douloureux pour lui date évidemment de 1969. C'est le "Savonegate". En route pour une deuxième victoire consécutive, le Belge est exclu de l'épreuve trois jours avant l'arrivée, alors que la course fait étape à Savone. Motif? Un contrôle positif au Fancanfamina, un stimulant. Merckx crie au complot. Un contrôle bizarre, effectué dans un laboratoire itinérant, non homologué. L'affaire ne sera jamais vraiment éclaircie mais l'intéressé sera blanchi trois semaines plus tard par la Fédération internationale, lui permettant de disputer le Tour (et de le gagner, pour la première fois). L'image du champion en larmes et hagard sur le lit de sa chambre d'hôtel, menaçant d'abandonner le cyclisme, (notre photo) est passée à la postérité. Pour Merckx, même s'il reviendra se venger dès l'année suivante, la cicatrice ne se refermera jamais complètement.

. NOM: SARONNI
Prénom: Giuseppe
Pays: Italie
Date de naissance: 22/09/1957
Victoires: 2 (1979, 1983)
Victoires d'étapes: 24

Giusepppe Saronni n'est encore qu'un tout jeune coureur au visage d'enfant lorsqu'il remporte sa première victoire d'étape sur le Tour d'Italie, à l'âge de 20 ans et 6 mois. Dès la troisième étape, à La Spezia, le Lombard se révèle au grand public italien. Il remporte deux autres étapes sur ce Giro 1978, avant de prendre une prometteuse 5e place au classement final. Pour les spécialistes, rien d'étonnant. Ceux qui le suivent depuis ses débuts connaissent ce surdoué dégoulinant de talent, surnommé "l'enfant prodige." Il ne lui faudra qu'une année de plus pour remporter son premier Giro, devenant un des plus jeunes vainqueurs de l'histoire. Saronni n'est pourtant pas dans la lignée des grands grimpeurs transalpins. Il est plus puncheur et rouleur que montagnard. Mais en 1979, sa chance est d'affronter son aîné Francesco Moser, qui aime la montagne encore moins que lui. La course se résume à un duel entre les deux hommes. Moser prend le maillot rose le premier jour, à la faveur du prologue de Florence. Une semaine plus tard, nouveau contre-la-montre, sur 30 kilomètres, à Saint-Marin. Cette fois, Saronni l'emporte et s'empare du pouvoir pour ne plus le lâcher. Il devance Moser de plus deux minutes au final. Le début d'une rivalité entre les deux hommes. Le Giro apportera beaucoup de satisfactions à Saronni, vainqueur notamment de sept étapes en 1980, l'année de la première victoire de Bernard Hinault. Champion du monde en titre, il s'offre un nouveau triomphe en 1983, en devançant Rinaldo Visentini. Le palmarès de Saronni sur le Giro est exceptionnel: deux victoires finales, 24 succès d'étapes, et 49 jours en rose.

. NOM: HINAULT
Prénom: Bernard
Pays: France
Date de naissance: 14/11/1954
Victoires: 3 (1980, 1982, 1985)
Victoires d'étapes: 6

Après Jacques Anquetil et avant Laurent Fignon, Bernard Hinault fut le deuxième coureur français à s'imposer sur le Giro. Le seul, par ailleurs, à obtenir trois victoires. Lorsqu'il s'aligne pour la première fois sur le Tour d'Italie, au printemps 1980, le Breton a d'ores et déjà gagné le Tour et la Vuelta. C'est donc avec l'ambition de rejoindre Anquetil, Gimondi et Merckx, les trois seuls vainqueurs des trois grands Tours dans leur carrière, qu'Hinault prend le départ. Il porte brièvement le maillot rose en première semaine avant de le céder. Le vétéran italien Wladimir Panizza, 35 ans, lui oppose alors une farouche résistance. Ce n'est qu'à deux jours de l'arrivée que le Français fait céder Panizza, avant de conforter sa place de leader dans le chrono de Turbigo, même si le gain de l'étape revient à Saronni. Hinault s'impose finalement avec près de six minutes d'avance sur Panizzi. Il entre dans l'histoire.

Le "Blaireau" revient en 1982. Si la marge qui le sépare de son dauphin (le Suédois Tommy Prim) est moindre (2'35"), il a pourtant survolé la course. Il prend le maillot rose dès la première étape, un chrono par équipes remporté par les Renault. Au total, il le portera pendant 15 jours, son hégémonie n'étant entrecoupée que par quelques brefs intermèdes. Vainqueur de quatre étapes, Hinault a maîtrisé son sujet de bout en but. Il est au sommet de son art et signera cette année-là son premier doublé Giro-Tour. Un exploit qu'il réédite en 1985, marquant son retour au premier plan deux ans après son opération du genou. Bien secondé par Greg LeMond chez La Vie Claire (l'Américain sera sur la troisième marche du podium). Ce Giro bascule dans la 12e étape, un contre-la-montre de 38 kilomètres au cours duquel Francesco Moser connait des ennuis mécaniques. Hinault en profite pour s'imposer et s'emparer du maillot rose. Il ne le lâchera plus, conservant plus de 4 minutes d'avance au final sur Moser. Ce dernier avait écoeuré Fignon (voir ci-dessous), il n'aura pas eu la peau d'Hinault...

NOM: FIGNON
Prénom: Laurent
Pays: France
Date de naissance: 18/07/1960
Victoires: 1
Victoires d'étapes: 16

Le dernier vainqueur français du Giro. C'était il y a 20 ans, déjà. Pour Fignon, cette victoire fut l'occasion d'effacer un souvenir douloureux. En 1984, le Parisien avait dû se contenter de la deuxième place derrière Francesco Moser. Un Giro surréaliste, que Moser devait à tout prix gagner après son record de l'heure. Rien n'est épargné à Fignon, à commencer par un parcours exceptionnellement peu montagneux, taillé pour le vétéran italien, immense rouleur mais faible grimpeur. Pire, le Stelvio, un des rares grands cols au menu, est rayé de la carte au dernier moment, pour cause d'enneigement. Or, Cyrille Guimard, le directeur sportif de l'équipe Renault, a constaté lors d'une reconnaissance que la route était parfaitement praticable. Il menace de quitter l'épreuve, mais Renault s'y oppose. Fignon va trainer comme un boulet son coup de fringale au Blackhaus, lors de la 5e étape. Il y perd près de deux minutes.

Pourtant, vainqueur en solitaire à Arana malgré les crachats de la foule, le Français reprend le maillot rose pour 1'30". Malheureusement pour lui, le dernier chrono lui sera fatal. Avec un vélo révolutionnaire (guidon spécial, roue lenticulaire) et coiffé d'un casque profilé, Moser comble son handicap pour remporter son premier et unique Giro à 33 ans. "Un hold up", dira Guimard. Il devra attendre cinq années pour gommer cet affront. En 1989, après trois années de souffrance morales et physiques, Fignon est redevenu Laurent le Magnifique. Vainqueur de Milan-Sanremo pour la deuxième année consécutive, il vient sur le Giro pour gagner. Le jeune Néerlandais Erik Breukink s'empare du maillot rose à mi-parcours, à la faveur du contre-la-montre de Riccione. Mais à une semaine de l'arrivée à Florence, le Giro bascule dans le Trentin. Flavio Giupponi s'impose à Corvara in Badia, où Fignon prend le pouvoir. Définitivement. Le voilà réconcilié avec le Giro. Deux mois plus tard, il ratera le double Giro-Tour pour huit secondes...