Le Tour sans Contador

La porte de Paris-Nice et surtout du Tour de France s'est refermée mercredi devant le vainqueur 2007, l'Espagnol Alberto Contador, qui paye la répétition des scandales de dopage qui ont touché son équipe actuelle, Astana, depuis deux ans. Christian Prudhomme, le directeur du Tour, a tranché. Echaudé par la malheureuse expérience de l'année passée, il a rejeté par avance la candidature de la formation dirigée par Johan Bruyneel pour toutes les épreuves organisées en 2008 par ASO.

La décision écarte du même coup deux autres candidats potentiels au maillot jaune, l'Américain Levi Leipheimer (3e en 2007) et l'Allemand Andreas Klöden, le seul du trio qui défendait les couleurs d'Astana la saison passée en plein tumulte. Les affaires à répétition (Kessler, Mazzoleni, Kashechkin) ont bouleversé cette équipe. La plus retentissante ? le contrôle antidopage positif de son chef de file, le Kazakh Alexandre Vinokourov, a abouti au retrait du groupe pendant le Tour de France.

Devant pareil désastre, l'équipe qui porte le nom de la capitale du Kazakhstan a confié les clés à Johan Bruyneel, l'ancien directeur sportif du septuple vainqueur du Tour Lance Armstrong, qui a renouvelé l'effectif (arrivée de Contador et Leipheimer notamment) et a annoncé la mise en place d'un programme antidopage. Mais, pour Christian Prudhomme, la situation en 2008 se compare à celle de l'année passée: "En 2007, on nous explique qu'il y a une nouvelle équipe, un nouvel encadrement, que tout est nouveau. On leur fait confiance, on les invite sur le Tour. Cette année, c'est une deuxième nouvelle équipe, qui nous redit la même chose que l'année dernière: 'on n'a rien à voir avec le passé'. Ce qui est vrai... sauf que l'on ne peut pas solder ce passé comme cela."

Sans attendre l'annonce de la liste des équipes invitées au Tour, attendue pour la fin du mois, Astana se retrouve donc la seule formation sous licence ProTour à la porte des courses d'ASO. Pour Contador, le coup est terrible, lui qui répétait voici quelques jours qu'il n'imaginait pas être absent du Tour 2008. Le jeune Espagnol a blêmi, ont rapporté des témoins, quand il a eu connaissance des premières rumeurs avant de prendre le départ mercredi après-midi de la 4e étape de la Semaine de Majorque.

La veille, il était allé rouler sur la piste de Palma en compagnie de son compatriote Joan Llaneras pour, expliquait-il, " préparer les contre-la-montre du Tour". Exclu de la Grande Boucle, l'Espagnol l'est aussi de Paris-Nice, une course qu'il avait remportée l'année passée, et des classiques ardennaises (Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège), également organisées par ASO. Après l'avoir été, comme l'ensemble de son équipe, du Giro, puisque l'organisateur italien a rejeté la candidature d'Astana au début du mois.

Contre-coup du conflit qui empoisonne la gouvernance du cyclisme depuis fin 2004 et la mise en place du circuit ProTour, les trois grands organisateurs (ASO pour la France, RCS pour l'Italie, Unipublic pour l'Espagne) ont obtenu de l'Union cycliste internationale la liberté d'invitation pour toutes leurs courses. A l'exception du Tour de France pour lequel ASO et l'UCI sont en litige. S'il n'exclut pas devoir faire face à un recours judiciaire ("on verra", a-t-il coupé court), Christian Prudhomme a rappelé surtout sa mission prioritaire: "Protéger, défendre le Tour de France." Et souligné une évidence: "On ne peut pas faire table rase du passé."