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Tour de France 2014: Hautacam la maudite cherche encore sa place dans l'histoire du Tour

Alexandre Coiquil

Mis à jour 02/08/2014 à 21:23 GMT+2

Peu empruntée par la route du Tour de France, la montée de Hautacam n’en reste pas moins un rendez-vous important de l’épreuve. Laissée de côté depuis 2008, cette ascension au passé trouble n’aspire qu’à se faire une meilleure place dans l’histoire de la Grande Boucle.

Piepoli s'était imposé devant Cobo à Hautacam en 2008

Crédit: DR

Hautacam, c’est quoi ?

Le Tour de France a ses légendes, ses moments d’histoire et ses lieux mythiques. Il a surtout glorifié - avec raison - ses lieux mythiques à travers les années. Ce sont eux qui ont fait les destins dorés des uns, défait les carrières des autres et martyrisé les plus grands noms. Aux Alpes, les mythiques Croix-de-Fer, Izoard, Galibier, Madeleine, Alpe d’Huez, aux Pyrénées, le terrible Aubisque et le monstrueux Tourmalet. On parle ici plus précisément des Hautes-Pyrénées, acteur majeur des scénarios du Tour de France depuis plus de 104 ans. Véritable lien entre le Sud, en direction de l’Espagne, et le Nord du département, le dénommé Col de Tramassel, qui culmine à 1635 mètres, surplombe la célèbre ville de Lourdes et regarde avec ses petits yeux l'imposant massif du Vignemale, situé dans les Pyrénées Centrales.
Véritable carrefour entre les villes de Lourdes, Argelès-Gazost et Luz Saint-Sauveur, le Col de Tramassel, catégorisé comme de la moyenne montagne, n’a "officiellement" jamais été emprunté par le Tour de France. C’est normal, la seule route disponible pour se rendre à la station de ski de fond est inadaptée à une arrivée typique du Tour de France, la route étant un cul de sac. Pour voir le Tour, il faut descendre juste 135 mètres plus bas à la station de ski alpin, dénommée "Hautacam", soit le "les près d'en haut", témoin privilégié de quatre arrivées de la Grande Boucle depuis 1994. C’est un rendez-vous jeune, dont l’organisation du Tour, à la recherche de nouveaux visages, n’a pris le chemin qu’à partir de la fin des années 90. Dernier sommet de l’édition 2014, Hautacam va en revêtir le costume de juge de paix. Une première dans sa jeune histoire. Vincenzo Nibali y passera son dernier test vers la postérité. Les Valverde, Péraud et Pinot s'y disputeront eux la hiérarchie du podium.
Hautacam n’est pas une montée appréciée par les cyclistes, quel que soit leur niveau. Trop irrégulière, ponctuée de nombreuses ruptures de pente, elle fait perdre facilement en rythme et ne permet pas d'être à l'aise. Avec cette montée, tout est blanc ou noir. Les premiers hectomètres, plutôt doux, à la sortie du village d’Ayros, sont trompeurs. D’une longueur de 13,5 kilomètres, cette ascension est plus courte que les ascensions finales – historiques – empruntées par le Tour dans les Hautes-Pyrénées. Mais avec  ses 7,8% de moyenne, la montée est statistiquement plus dure que celle du Tourmalet (7,3%), plus régulière, à laquelle elle succèdera ce jeudi. Point d’orgue de la montée après sept kilomètres où la pente moyenne passe à 10 et 11%, pendant trois kilomètres après le hameaux de Saint-André.  A ce moment de l’ascension, seul un petit replat de d’un kilomètre vient adoucir ou casser les jambes, c’est selon.
Hautacam - Le profil

Hautacam, ce qu’il faut savoir :

Il n’y a qu’une seule façon de monter vers Hautacam contrairement au Tourmalet ou au col d’Aubisque, qui disposent de deux versants. La construction de la chaussée remonte à l’année 1960, date de l’ouverture de la station de ski. C’est aussi cette année-là, que la dénomination Hautacam est née. "Hautacam" n’est rien d’autre que le nom officiel de la station de ski.

A Hautacam, il n’y a pas de "Casse déserte", il n’y a pas 21 virages numérotés, pas de stèles commémoratives qui honorent les exploits des plus grands. Non, on trouve simplement une station de ski (alpin et nordique) dont le long et large parking sert de terrain d’accueil au Tour et sa gargantuesque organisation.

L’été, le ski laisse place à un parc d’activité en pleine nature (marche, trail, VTT, luge sur circuit). Développées au milieu des 2000, ces activités d’été sont un parfait complément au cyclotourisme. Cette année, l’étape du Tour réservée aux amateurs s’est tenue le dimanche 20 juillet. Les participants ont parcouru en intégralité les 145,5 kilomètres entre Pau et Hautacam.
La montée d’Hautacam sera la dernière grande difficulté de ce Tour de France 2014.
Comme en 2008, le peloton fera le doublé Tourmalet-Hautacam. Le Tourmalet sera escaladé depuis le versant de la Mongie.
Très venteuse, la montée a souvent réservé des conditions météorologiques compliquées. En 1994 et 2000, des conditions dantesques (nuages, pluie) avaient rendu l’ascension peu visible. En 1996 et 2008, un beau et grand soleil était au rendez-vous. Ce jeudi, la pluie est annoncée.
En 1994 (Miguel Indurain), 1996 (Bjarne Riis)** et 2000 (Lance Armstrong)*, le coureur qui était en jaune au sommet du Hautacam a remporté l’épreuve sur les Champs-Elysées, Cadel Evans a cassé cette série en 2008. Vincenzo Nibali devrait la rétablir, sauf cataclysme.
* Lance Armstrong s’est vu retirer son palmarès par l’UCI en octobre 2012 pour dopage.
** Bjarne Riis a été réintroduit dans le palmarès du Tour de France après ses aveux et son aide dans la lutte antidopage en 2008. 
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Lance Armstrong à Hautacam en 2000

Crédit: Imago

Son histoire dans le Tour de France:

Toujours espacés, sauf entre 1994 et 1996, les arrivées de la Grande Boucle à Hautacam ont toujours donné un certain spectacle et joué un rôle clé dans le déroulement de la course. Les quatre montées ont également laissé une empreinte noire dans l’histoire de la Grande Boucle, spectre du dopage oblige. Point central du passé douloureux de l’ascension : l’édition 96 et le succès de l'improbable de Bjarne Riis, vainqueur soupçonné, devenu menteur, puis repenti, dont la présence dans le palmarès a été rétablie en 2008. Voici les quatre glorieuses qui ont fait d’Hautacam un rendez-vous sacrifié.
1996 : Riis "l’impitoyable", la mort du roi Indurain
"S’il s’est remis dans la roue de Leblanc, là comme ça. Il fait vraiment, ce qu’il veut. C’est trop gros pour être vrai." Les mots de Patrick Chêne, alors commentateur du Tour pour France Télévisions, ne laissent pas trop de place au doute. Riis, maillot jaune depuis le passage dans les Alpes à Sestrières, s’amuse à rétrograder en pleine ascension pour venir dévisager tous ses adversaires et les jauger. Parmi eux, Laurent Dufaux, Richard Virenque, Fernando Escartin, Evgueny Berzin, Abraham Olano et Miguel Indurain. L’impression de facilité est dérangeante, elle se ressent même dans la voix du duo Chêne-Thevenet.
Le Danois, ahurissant de facilité et de puissance va placer trois accélérations dans des passages plutôt abordables. La troisième condamnera Indurain et son dossard N.1. Premier coureur vainqueur du Tour de France cinq fois à la suite, l’Espagnol, attendu comme un héros à Pampelune, chez lui, le lendemain, va définitivement perdre sa couronne. On savait l’Espagnol très mal embarqué pour la passe de six, mais cette montée vers Hautacam signera purement et simplement la mort de sa carrière. "C’est un jour important pour moi, mais il devait arriver", glissera-t-il à l’arrivée. Le leader de la Banesto se retirera finalement du peloton en janvier 1997. Après avoir lâché au train, le trio Dufaux-Leblanc-Virenque, Riis ira lever les bras au sommet, consolidant son maillot jaune.
En 2007, le Danois avouera à une chaîne allemande s’être dopé lors du Tour 1996. Pour comprendre à quel point le coureur de la Telekom était supérieur ce jour-là, il faut relire ce qu'a dit Indurain après l'étape."Je roulais sur le petit plateau. J’ai voulu passer le groupe de tête en revue. Et là, j’ai vu Riis sur le grand plateau. Moralement, j’ai pris un coup de massue."
1994 : Luc Leblanc, premier de cordée
L’ascension d’Hautacam, une découverte pour le peloton à l’époque, vient pimenter une édition 1994 loin d’être marquante. A la bagarre avec Tony Rominger pour le classement général, Miguel Indurain y prendra ses responsabilités en passant à l’attaque. Rominger, affaibli, ne fera pas long feu ce jour-là. Trois hommes résistent au triple vainqueur du Tour : Armand De Las Cuevas, Luc Leblanc et Richard Virenque. Les deux derniers cités, coéquipiers chez Festina, feront de la résistance au roi Miguel. Mais seul Leblanc tiendra bon. Ramené par Indurain sur Marco Pantani, parti seul en début d’ascension, le grimpeur Français ira chercher le bouquet devant le leader de la Banesto et immortalisera le palmarès de cette jeune et prometteuse ascension. Pourtant, que le début d'étape fut difficile et contrasté pour celui qui deviendra champion du monde sur route quelques mois plus tard en Sicile. Indurain sortira lui de cette journée du 13 juillet 1994 avec près de 5 minutes d’avance sur Rominger au général (4'47"). Mais Hautacam lui réservera une surprise pour plus tard.
2000 : Otxoa au bout de l’épuisement, la fusée Armstrong décolle
Javier Otxoa, 26 ans, ne le savait évidemment pas à ce moment-là. Mais ce succès dantesque arraché sur les pentes d’Hautacam allait rester comme le seul de sa carrière professionnelle. Renversé par un chauffard près de Malaga quelques mois après - le 15 février 2001 - le grimpeur basque de la Kelme, qui a perdu son frère Ricardo dans l'accident, a vu carrière lui échapper à causes de graves séquelles neurologiques. Sa victoire à Hautacam est elle bien encrée dans la légende du Tour.
Otxoa, devenu athlète paralympique (médaillé d’or à Athènes) après une longue rééducation qui a suivi ses 64 jours de coma, c’est l’histoire d’un "one-shot." Et pas n’importe lequel. Parti à l’aventure avec Jacky Durand et Nico Mattan en ce 10 juillet 2000, l’Espagnol, arrivé tout seul au pied de la dernière difficulté avec 10'30" minutes d’avance sur le peloton des favoris, restera un des rares coureurs à avoir résisté à la fusée Lance Armstrong dans une ascension. Intenable comme à Sestrières en 1999, le leader de l’US Postal va s’enfuir dès les premières rampes et créer des écarts conséquents sur Jan Ullrich et Marco Pantani sur la seule étape pyrénéenne de cette édition 2000. Otxoa, à bout de forces, survivra à la furia de l’Américain en franchissant la ligne d’arrivée avec 43 secondes d’avance. En 2012, l’USADA fera tomber Armstrong. Celui-ci avouera s’être dopé en mondovision au micro d'Oprah WInfrey en janvier 2013.
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Oxtoa à Hautacam en 2000

Crédit: Imago

2008 : La fumisterie de la Saunier-Duval, Evans maillot jaune pour une seconde
"Piepoli sera imbattable demain." La déclaration est signée Ricardo Ricco, vainqueur ailé, mais pointé du doigt, à Bagnères-de-Bigorre. L’Italien savait tout avant tout le monde et préférait l’exubérance à la modestie. Sur la  pente du Hautacam, "Le Cobra", qui connaissait la chanson, a bien laissé la vedette à l’expérimenté italien, déjà présent en 1996, et à Juan José Cobo, son autre coéquipier. Les deux hommes vont survoler l’ascension avec une facilité très déconcertante. Victime d’une fringale, Andy Schleck, décrit comme un possible outsider, perdra plus de huit minutes ce jour-là. Kim Kirchen, le maillot jaune, perdra toutes ses illusions en concédant plus de 4 minutes au duo managé par Mauro Gianetti.
Piepoli, plus fort, s’imposera devant Cobo et Frank Schleck (à 32 secondes), porté par le formidable travail de Jens Voigt et Fabian Cancellara dans la descente du Tourmalet. Cadel Evans, arrivé avec plus de deux minutes de retard, prendra le jaune au Luxembourgeois pour une minuscule seconde. Mais l'Australien ne gagnera pas le Tour. Piepoli de son côté, sera contrôlé positif quelques mois plus tard et convaincu de dopage. Il perdra sa victoire d'étape au profit de son coéquipier, Juan José Cobo, dernier vainqueur officiel à Hautacam. 
Ce qu’ils pensent d’Hautacam : 
Luc Leblanc (2010 - Sud-Ouest) : "Pour moi c’est l’un des cols pyrénéens les plus durs. Il est très pentu, et malgré son petit replat à mi-pente. On ne sait jamais quel braquet utiliser."
Florent Brard (2008 - Reuters) : "J'aime le Tourmalet, je n'aime pas Hautacam (...) Cela monte par paliers avec des rampes vraiment fortes. C'est un col de grimpeurs parce qu'il est très difficile de trouver le bon rythme."
Thierry Gouvenou (Programme officiel du Tour) : "L’ascension  d’Hautacam, est devenue, au fil des années, un haut lieu du Tour."
Et qu’en pensent les cyclos ?
Fabrice, licencié FFC, participant à l’étape du Tour le dimanche 20 juillet: "La montée est très dure et irrégulière. Les cinq premiers kilomètres sont faciles. Il n'y a rien d'exceptionnel, mais après, il y a des rampes terribles. Il y a beaucoup de vent,  j'ai eu droit à des rafales plus fortes qu’au Mont Ventoux. La succession de passages plus doux permet de récupérer. Le final est plus facile."
Vincent, ancien licencié FFC, coureur cycliste amateur: "Si je devais utiliser un seul mot pour décrire cette ascension, je dirais : "Irrégularité". Certains cyclistes diront que le Tourmalet est plus dur, vu sa distance. Mais pour moi, Hautacam est au-dessus à cause de son irrégularité. Il est difficile de trouver un rythme et de le maintenir sur toute l'ascension. C'est l'un des seuls cols où il est facile de perdre beaucoup de temps. C’est le seul endroit où j'ai vu des cyclistes arrêtés, en train de pousser leur monture."
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