Tour de France 2015 - D’Utrecht à l’Alpe d’Huez, Pinot aura vécu mille vies

Rien ne remplace l’expérience engrangée sur une épreuve comme le Tour de France. Du haut de ses 25 ans, Thibaut Pinot aura du mal à affirmer le contraire. En trois semaines, le Franc-Comtois est passé par tous les sentiments. Un véritable ascenseur émotionnel qui s’est soldé par une jouissance ultime au sommet de l’Alpe d’Huez. Une délivrance extatique qui lui a (enfin) redonné le sourire après avoir résisté au retour de Nairo Quintana. Un bonheur béat que tout grimpeur rêve d’atteindre.

A la peine en début de Tour, moralement atteint après les pavés de la quatrième étape, peu épargné par les coups du destin, affaibli par une bronchite, gêné par la chaleur et tout bonnement incapable de suivre les meilleurs dans les Pyrénées, Pinot a vécu mille vies depuis Utrecht. "C’est vrai que j’ai connu un Tour de France difficile.Je me suis battu tous les jours. Mais mon Tour est réussi, a-t-il a confié aux Rois de la Pédale. Si on m’avait dit que j’allais gagner à l’Alpe d’Huez, j’aurais signé tout de suite."

"On a toujours été à l'avant dans les deux dernières semaines, a ajouté le héros du jour, déjà vainqueur cette saison d’une étape en altitude sur les Tours de Romandie et de Suisse. Encore aujourd'hui (samedi) avec Alexandre Geniez qui m'a servi d'appui. On a mérité cette victoire." Quatre ans après son succès à Porrentruy, Pinot a donc remis ça. Pas n’importe où et pas contre n’importe qui. Résister à Quintana n’est pas donné à tout le monde. Ce n’était pas gagné il y a encore quelques jours.

Après les abandons successifs de William Bonnet et Steve Morabito, recruté pour aider Pinot dans la montagne, le Français ne s’est pas écroulé sous le poids des responsabilités. Il n’est pas tombé dans la sinistrose non plus. "On a pris un coup de massue, c’est vrai. On a mis du temps à se remettre de la chute de William (dans la 3e étape), explique le 16e du général. Mais on s'est remobilisé après la première journée de repos, toujours dans une bonne ambiance. J'ai besoin de ça pour exprimer mon potentiel."

Deuxième à Mende, derrière Cummings et devant Bardet, Pinot a fait fi des critiques, pas toujours justifiées. Au lieu de cibler ses objectifs, il a pris le pari fou de tenter tous les jours. La victoire à la Toussuire de l’Auvergnat d’AG2R, à qui il est souvent opposé, a décuplé son envie de bien faire. "Quand Romain a gagné (jeudi), j'étais déçu. J'étais devant mais je n'avais pas les jambes pour jouer la gagne, au lendemain de ma chute."

Dans les Alpes, Pinot a fait parler son talent. Oubliés les pépins mécaniques, les cassures ou les chutes des premiers jours. Le grimpeur a retrouvé l’envie et son coup de pédale. Et dans les 21 lacets de l’Alpe, ça a détonné. S’il doit encore progresser dans bon nombre de domaines, il a aussi montré sa science de la gestion de l’effort dès que la route prenait de la hauteur. Combien de fois est-il revenu sur les meilleurs après avoir été décroché ?