Le Tour en questions : Quintana va-t-il enfin battre Froome ?

On en aura clairement une idée le 15 juillet au soir. Si, après le contre-la-montre de la Caverne du Pont-D'Arc, Nairo Quintana compte autour de la minute de retard (voire moins) sur Christopher Froome (Sky), ce sera sans doute l'année du Colombien. Lui qui est si fort en troisième semaine aura dans les Alpes un terrain de jeu idéalement tracé pour lui avec un maximum de montagne en fin d'épreuve (5 sur les 7 dernières étapes) et des cols dur et régulier, comme il aime tant.

Si on attend avec impatience la revanche du Mont Ventoux d'il y a deux ans, où le Britannique avait enrhumé Quintana sur le sommet, le vrai danger pour Froome pourrait bien venir du triptyque alpestre qui précédera l'arrivée à Paris. Car s'il aime creuser l'écart dès la première vraie étape de montagne - ce qu'il a fait en 2013 et en 2015 - les étapes de Payolle, de Luchon et d'Arcalis ne permettront probablement pas de créer d'énormes écarts. Sauf surprise. Du coup, il faudra sans doute attendre le Ventoux et la troisième semaine pour voir les différences s'accentuer.

Cette fameuse troisième semaine où le Britannique est paru si "fébrile" en 2015, là où le Colombien montait en puissance, à l'instar de son équipe. Et l'étape de Morzine, la veille de l'arrivée, rappela sans doute à Quintana que c'est ici qu'il avait gagné sa première victoire en Wolrd Tour sur le Critérium du Dauphiné 2012. En attaquant… les Sky.

2 à 0. Sur les pentes du Tour de France, l’avantage va clairement à Chris Froome face à Nairo Quintana. 2013 et 2015 ont favorisé les desseins du Britannique. 2016 récompensera-t-elle ceux du Colombien ? Certains éléments laissent penser que c’est peut-être la bonne année pour celui qui n’a jamais fait mieux (ou pire) que deuxième sur la Grande Boucle. Pourtant…

Récurrent dauphin de Froome, le roi d’Italie 2014 brigue encore une fois le trône de France. A 26 ans, il semble n’avoir jamais été aussi fort. Son année 2016 fut quasi-parfaite. Impérial sur le Tour de Catalogne, puis en Romandie et enfin sur la Route du Sud, Quintana est rentré en Colombie, entre ces deux dernières courses à étapes, pendant un mois et demi pour préparer le Tour.

Sur le papier, la Movistar semble supérieure à son homologue Sky. Les Espagnols Alejandro Valverde et Ion Izagirre s’avancent en lieutenants de luxe. Qui peut se vanter de bénéficier de tels soutiens ? Un an après son dernier podium à Paris, Quintana a, lui, dû également retenir quelques leçons. Lui qui est si fort en troisième semaine n’a sûrement pas oublié qu’il avait quelque peu tardé l’an dernier à attaquer son principal rival. Il s’en était mordu les doigts sur la plus belle avenue du monde.

Pour autant, si je devais vider mon livret A, je placerais mes économies sur un 3e sacre de Froome. On ne va pas vanter les qualités qui sont les siennes. Pour le lâcher dans la montagne, il faudra se lever tôt. Enfin un chiffre, une stat’, appelez-ça comme vous voulez : en 2013 et 2015, le leader du Team Sky s’était imposé sur les routes du Dauphiné avant de lever les bras sur le Tour. Et comme en 2016, il a de nouveau dominé le Critérium… A ce jour, personne n'a signé pareil exploit autant de fois. De quoi motiver un peu plus celui qui peut égaler Philippe Thys, Louison Bobet et Greg Lemond.

Chris Froome vs Nairo Quintana. C'est peut-être en train de devenir LE duel de la décennie sur le Tour. Pour l'instant, le Britannique est dans le rôle d'Anquetil, le Colombien dans celui de Poulidor. En 2013 et 2015, Froome a devancé Quintana sur le podium à Paris et cette année encore, plus même que l'an dernier, les deux hommes me semblent au-dessus de la mêlée à l'heure du départ normand. Si ce Tour doit se résumer à une affaire de jambes, seules celles de Quintana sont probablement assez explosives pour empêcher l'homme fort de la Sky de ramener un troisième maillot jaune à Paris.

Alberto Contador en personne a estimé jeudi que Quintana était "presque autant favori que Froome". Le mot-clé, ici, est bien "presque". Si quelqu'un doit battre Froome, c'est Quintana. Mais pourquoi réussirait-il là où il a échoué par deux fois ? Peut-être parce qu'il est encore jeune. A 26 ans, il est possible que le grimpeur de Tunja n'ait pas encore donné sa pleine mesure. Il donne l'impression de progresser année après année. Et en 2015, il n'a fini qu'à un peu plus d'une minute de Froome. Il n'y a donc pas un gouffre entre les deux hommes.

On le sent aussi plus confiant, plus sûr de lui, comme s'il s'était enfin convaincu qu'il pouvait gagner ce Tour. C'est sans doute là la clé de cette édition 2016. Quintana doit modifier sa façon de courir. L'an passé, il a trop longtemps donné l'impression de ne pas croire vraiment en la victoire. Comme s'il se satisfaisait de la deuxième place. Quand il a asticoté Froome, il était trop tard. Il suffisait au Britannique de gérer. S'il veut vraiment le maillot jaune à Paris, s'il veut vraiment battre Froome, Quintana devra lui "rentrer dans le lard". Sinon, il risque fort de jouer encore les Poulidor. A défaut de répondre non, j'avancerai donc un prudent "oui mais..."