Un moment d'égarement

Il y a deux semaines, au détour d'une conversation, Laura Flessel avait confié pourquoi elle aimait tant l'épreuve par équipes. "Il y a le côté collectif, l'intensité, l'émotion, le fait de ne pas combattre que pour soi mais aussi pour les autres. Mais ce que j'aime le plus, c'est que tout peut aller très vite. En un relais, parfois même en quelques secondes, hop, un match peut complètement basculer." Des paroles prémonitoires, car c'est exactement ce qui est arrivé à l'équipe de France d'épée vendredi au Grand Palais, contre la Roumanie. Et les Françaises, malheureusement, en ont été victimes.

Lors de ce quart de finale, après une entame idéale signée Flessel et Nisima, les Bleues menaient 10-4. Lors des trois relais suivants, Nathalie Alibert, novice à ce niveau, est montée deux fois sur la piste. Après avoir à peu près limité la casse lors de son premier passage (4-7), elle s'est littéralement effondrée face à Simona Alexandru, concédant 14 touches pendant qu'elle n'en mettait que 6. A l'issue de la rencontre, la Levalloisienne avait les larmes aux yeux. Elle le sait, sa faillite personnelle a coûté très cher. "Je n'ai pas réussi à imposer mon jeu, à faire ce que je voulais faire", admet-elle. Mais elle réfute avoir craqué sous le poids de l'évènement. "C'est facile de dire ça. Franchement, je n'avais aucune pression. J'ai surtout eu un problème tactique que je n'ai pas été capable de résoudre."

Le staff tricolore a-t-il commis une erreur en la lançant dans le grand bain? Non? Répondent en choeur tous les autres membres du groupe. "Nous sommes une équipe de quatre, c'est normal de tourner selon les circonstances," plaide Laura Flessel. D'autant que si Alibert est entrée, c'est que Hajnalka Kiraly n'avait pas convaincu lors du premier tour face à la Suisse. "J'assume ma responsabilité lors du match contre la Suisse, parce que je n'étais vraiment pas bien, confie "Hajni." C'est pour cela qu'on a fait rentrer Nathalie contre la Roumanie, ce qui était une bonne décision". "Quand on est dans l'équipe, il faut être prêt à rentrer n'importe quand", rappelle Stéphane Riboud, qui assume son choix. "Je ne regrette pas de l'avoir lancée. Elle a le niveau pour bien faire, mais elle s'est écroulée. C'est clair que son match nous a mis dans le rouge et après ça, les filles avaient pris un coup au moral."

Globalement, Maureen Nisima et Laura Flessel ont tenu leur rang. Elles terminent ce quart de finale avec un bilan positif (17-15 pour Nisima, 9-7 pour Flessel), même si on peut, a posteriori, regretter le choix de Flessel de gérer son deuxième relais. En trois minutes, face à Anca Maroiu, aucune touche n'a en effet été marquée. "Au début, elle a essayé de faire un peu de jeu, mais ça ne répondait pas en face, note Riboud. Elle a été surprise et elle a pris la décision de temporiser. Elle était un peu émoussée à ce moment là. La décision lui appartient." Une temporisation qui a favorisé les desseins de l'équipe de Roumanie. Tactiquement, le coup fut effectivement parfait pour les Roumaines, qui allaient porter l'estocade dans l'assaut suivant face à Alibert.

Nathalie Alibert, elle, a tout de même concédé à elle seule près de la moitié des touches françaises, en seulement deux relais (21). Après son second passage catastrophique, Hajnalka Kiraly a d'ailleurs été relancée. Ce point faible sur le troisième élément de l'équipe coûte aujourd'hui une place sur le podium aux Françaises. "On avait le niveau pour aller chercher une médaille, ce n'est pas le problème, juge Stéphane Riboud. Mais dans cette équipe, les troisième et quatrième positions ne sont pas évidentes. On va tester d'autres formules, voir des tireuses plus jeunes d'ici le printemps prochain, dans l'optique des qualifications pour les Jeux Olympiques de Londres."