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Les "clubs en plastique", la nouvelle bête noire des supporters allemands

ParAFP

Mis à jour 14/10/2016 à 12:02 GMT+2

BUNDESLIGA - L'arrivée dans l'élite de Leipzig n'a pas plu aux supporters allemands des clubs historiques. Ceux-ci, à coups d'actions, dénoncent l'augmentation du nombre de clubs financés et dirigés par des marques.

Gladbach-Kurve während dem Spiel in Leipzig

Crédit: Imago

Matches boycottés, bus des joueurs bloqués, tête de taureau tranchée ! La haine des supporters allemands des "clubs de tradition" pour les équipes montées de toutes pièces par des entreprises s'affiche semaine après semaine en Bundesliga, au nom de la sacro-sainte culture du football. L'hostilité envers les "clubs en plastique", comme on surnomme les nouveaux venus, a pris un tour plus agressif cette saison, avec la montée en première division du RB Leipzig, entièrement financé, contrôlé et dirigé par la firme Red Bull.
Fin septembre, des ultras du FC Cologne ont bloqué le bus des joueurs à l'approche du stade, obligeant à repousser le coup d'envoi de quinze minutes. La veille, des banderoles artisanales avaient fleuri dans tous les quartiers de la paisible ville rhénane, variations sémantiques autour d'un seul thème : "Nous haïssons RB". Quelques jours plus tôt, c'est le noyau dur des fans de Dortmund qui avait refusé de faire le déplacement à Leipzig "pour ne pas mettre d'argent dans la poche de Red Bull". Et personne n'a oublié l'incident de Dresde, en août, lorsque des supporters ont apporté au stade une tête de boeuf tranchée sanguinolente, censée symboliser le sort réservé au taureau rouge de la marque de boissons autrichienne.

Ingolstadt, Wolfsburg et Hoffenheim également dans le viseur

"Le Red Bull Leipzig conduit tout le système du football ad absurdum", dénonce le réalisateur de film Jan-Henrik Gruszecki, supporter inconditionnel de Dortmund. "Les clubs de tradition comme Dortmund, Schalke, Cologne ou le Bayern Munich veulent et doivent aussi gagner de l'argent, mais pour jouer au football. Chez Red Bull, on joue au football pour vendre un produit et une marque. C'est la différence de base", insiste-t-il.
Si Leipzig cristallise la rancoeur, au moins trois autres formations de l'élite sont également dans le collimateur : Ingolstadt, le club de la ville du constructeur automobile Audi, Wolfsburg, surnommé "Volkswagen FC", et Hoffenheim, jouet de Dietmar Hopp, patron de l'entreprise informatique SAP et l'un des hommes les plus riches d'Allemagne. Tous trois sont dans le bas du classement des chiffres d'entrées au stade, tirant vers le bas la moyenne de spectateurs d'une Bundesliga qui s'enorgueillit d'avoir les meilleures affluences d'Europe depuis des décennies.
"La particularité de la culture du foot en Allemagne, c'est que les clubs ont été fondés comme des associations, dans laquelle les supporters ont un pouvoir de contrôle et de décision", explique à l'AFP Jonas Gabler, chercheur spécialisé dans la culture des supporters de football. Et les clubs travaillent main dans la main avec des associations de supporters très structurées : "Les souhaits et les intérêts des fans sont pris très au sérieux", souligne-t-il.

Règle contournée à Leipzig

"Cette interaction des fans avec leurs clubs est un élément essentiel de la culture du foot", témoigne cet expert, qui ajoute : "Maintenant, les supporters ont l'impression que cette tradition est dévoyée par les clubs créés par des entreprises. Les supporters ont aussi une nostalgie du bon vieux temps. Ils ne veulent pas prendre ce chemin-là". Les lois du foot professionnel allemand sont d'ailleurs faites pour éviter en principe toute prise de contrôle par un actionnaire tout-puissant. Une règle interdit notamment à quiconque de posséder plus de 50% des parts d'un club.
Règle allègrement contournée à Leipzig, accusent ses détracteurs, puisque la firme autrichienne a bien 49% des voix au conseil d'administration, mais que les 51% restants sont tous détenus par... des employés de Red Bull, à titre personnel. Les reproches sont toujours les mêmes : ces "clubs en plastique" n'ont pas de public fidèle, et usurpent la place en première division de clubs moins fortunés, mais plus ancrés dans le paysage allemand, comme Nuremberg, qui a échoué à deux points de Leipzig pour la montée directe en première division la saison dernière.
Et leur modèle économique est trop instable, car dépendant de la volonté d'un bailleur de fonds unique, qui peut se retirer du jour au lendemain. Curieusement, alors que les incidents ou les provocations sont incessants, on n'entend guère les autorités du football allemand sur le sujet. Car "beaucoup de dirigeants, à titre personnel, refusent ce modèle économique. Et beaucoup préfèrent ne pas s'opposer à la majorité des fans sur ce sujet, alors ils restent prudents", observe Jonas Gabler.
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