Pepe, dur et dingue

Dans tout classique du cinéma qui se respecte, il y a toujours un gentil et un méchant. Mercredi, le Clasico n'a pas échappé à la règle. Côté barcelonais, Eric Abidal a joué le rôle du bon en offrant la victoire à Barcelone à 13 minutes de la fin (1-2). Côté madrilène, Pepe a réuni à lui seul la brute et le truand. Un rôle taillé sur mesure. Dans le théâtre de Bernabeu, le Portugais a démontré toute l'étendue de sa palette d'acteur : gestes d'antijeu, violence, simulations... Il faut dire qu'il a rapidement annoncé la couleur. Il lui a fallu seulement 17 minutes pour écoper d'un carton jaune pour une première charge sur Busquets. Mais ça n'a pas calmé le rugueux défenseur qui s'est fendu quelques minutes plus tard d'une roulade grotesque suite à un contact avec Fabregas. Mais le clou du spectacle restait à venir lorsque Pepe, qui osait venir protester auprès de l'arbitre pour un carton distribué à Callejon suite à une faute sur Messi, marchait sur la main du Ballon d'Or de manière volontaire alors que celui-ci était au sol (68e)...

Un geste, et une attitude générale, vivement critiqués. Jeudi matin, la presse espagnole s'est déchaînée. "Honteux Pepe", titre Marca qui l'accuse de "salir le maillot du Real". De son côté, As rappelle que, outre ce geste qui aurait dû être sanctionné, le joueur "dormait sur le but marqué sur corner par Puyol". Mais les premières réactions ont fusé en direct. Sur Twitter, Wayne Rooney est immédiatement monté au créneau. "Pepe, quel idiot. Les gens sont parfois agaçants", a fustigé l'attaquant de Manchester United, qui s'y connaît en mauvais gestes. Jack Wilshere, pourtant lui aussi habitué à la rudesse du football anglais, a eu pitié du "pauvre Pepe". A l'issue du match, les Barcelonais ont évidement condamné cette agression. Iniesta, s'il a voulu éviter la polémique, a déclaré que "chacun est responsable de ce qu’il fait. On essaye d’avoir une bonne attitude. Je n’entrerai pas dans ce débat. Les images parlent d'elles-mêmes". Xavi, lui, s'est montré plus vindicatif : "Les Madriènes jouent leurs matchs, mais confondent parfois intensité avec violence. Quand Pepe écrabouille sciemment la main de Messi, ça n’a pas de sens. C'est un comportement brusque et lamentable".

Finalement, il n'y a que dans le camp madrilène que Pepe trouve du soutien.  "Pepe est un joueur dur, il est parfois limite. Mais il reste toujours propre et loyal. Son intention est toujours de jouer le ballon", a tenté de le défendre Ricardo Carvalho. Mais venant de son compère du Real, qui n'est pas un exemple en la matière, l'argument manque de crédit. A croire qu'on se soutient entre poètes... Interrogé sur ce sujet en conférence de presse, José Mourinho a d'abord botté en touche. "Je n'ai pas vu ce qu'a fait Pepe", a-t-il répliqué avant d'afficher une apparente fermeté : "Quelles mesures je vais prendre contre Pepe ? Je vais revoir les images. S'il a fait quelques chose de mal, ce serait condamnable".  Mais il ne faut pas oublier que Pepe n'a fait qu'appliquer avec zèle les consignes de son metteur en scène. En l'alignant au milieu de terrain juste devant la défense, Mourinho avait affiché dès le coup d'envoi sa volonté de casser le jeu du Barça. "Il a fait un très bon travail et a été très utile à l'équipe. Pour moi, c'est un joueur essentiel", a-t-il d'ailleurs reconnu implicitement.

La polémique ne devrait toutefois pas en rester là et des sanctions pourraient suivre. Car Pepe est un récidiviste. Cette étiquette de joueur violent lui colle à la peau depuis son enfance. "Je m’entraînais à faire des tacles tout seul jusqu’à avoir les genoux ensanglantés", aurait-il eu l'occasion de raconter. Dès son adolescence, ses adversaires évitaient de s'approcher trop près de lui parce qu'ils avaient "peur de s’en prendre plein la gueule", selon un ancien coéquipier. Une tradition qu'il perpétue aujourd'hui. En demi-finale de Ligue des Champions, la saison dernière, il avait déjà reçu un carton rouge en raison de son agressivité contre le Barça. Mais son plus beau fait d'armes, d'une rare violence, il l'a réservé à un joueur de Getafe en avril 2009. Après avoir concédé un pénalty à Casquero, il lui avait asséné deux coups de pied au sol. Un véritable attentat qui lui avait valu à l'époque dix matches de suspension. Pepe, qui a curieusement été expulsé à seulement cinq reprises depuis son arrivée au Real Madrid en 2007, aura cette fois du mal à passer entre les gouttes. Déjà cet été, son comportement avait fait l'objet d'un débat en interne au Real. C'est grâce à l'insistance de Mourinho qu'il serait resté. Le seul qui refuse de croire à une erreur de casting...