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Coupe du monde 2014 : Si la Seleçao a failli, le Brésil et les Brésiliens ont gagné leur pari

Laurent Vergne

Publié 15/07/2014 à 09:40 GMT+2

Alors que l'équipe de Luiz Felipe Scolari a subi un échec monumental, l'organisation de la Coupe du monde a en revanche été remarquable, malgré les craintes. Le peuple brésilien a lui aussi fait l'unanimité pour son accueil chaleureux et son extraordinaire dignité dans la débâcle sportive.

Supporters brésiliens lors de la Coupe du monde 2014

Crédit: Panoramic

Une pointe de saudade. Un air de fin de fête. Les cotillons trainent par terre et les invités s'en vont. Après sept années de préparation et d'effervescence, sept années de problèmes et de contestations teintées parfois de colère, mais sept années, aussi, d'espoirs et de rêves, le Brésil a tourné la page de la deuxième Coupe du monde de son histoire. Un Mondial au bilan très paradoxal, puisque le Brésil a tout fait à l'envers. Il a été royal là où on prédisait l'apocalypse, et apocalyptique là où l'attendait un destin glorieux. Cette Coupe du monde 2014 restera ainsi celle d'un gigantesque échec sportif pour la Seleçao. Mais les Brésiliens, eux, ont gagné leur pari haut la main, tant cette compétition a été remarquable en dehors des terrains.
Et pourtant, que n'avait-on dit, que n'avait-on craint... Au final, si soucis il y a eu, ce fut sur des détails. Les stades étaient prêts, les infrastructures ont globalement bien fonctionné, notamment dans les transports, loin du cauchemar annoncé. Comme l'a expliqué à l'AFP Lamartine da Costa, expert en grands événements sportifs de l'Université de Rio, le pays sait se mobiliser quand il le faut. "Le Brésil est immense, il a beaucoup de défauts, les villes brésiliennes ont de grands problèmes, mais c'est la 7e économie du monde et quand il faut mener à bien quelque chose, en général ça fonctionne", note-t-elle. Oui, ça a fonctionné, et les inquiétudes des observateurs, des visiteurs et même celles de la FIFA, qui avait fini par afficher son agacement devant les retards accumulés, ont été balayées. Au final, beaucoup de bruit pour rien.
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2014 Brazil fans - AFP

Crédit: AFP

Le vibrant hommage de Joachim Löw
Mais la grande réussite de cette Coupe du monde aura aussi tenu à son esprit festif. Dans les stades comme dans les villes, il y a eu très peu d'incidents. Même ce week-end, à Rio, où la police était sur les dents avec la présence de 100000 Argentins, tout s'est bien passé. Tard dimanche soir, quatre heures après la finale, des Argentins, des Brésiliens et des Allemands étaient ensemble dans le quartier de Copacabana dans une ambiance plus proche de la fraternité que du hooliganisme. "C'était vraiment super ici, confiait Juan Pablo, 35 ans, venu d'Argentine avec son fils de 11 ans. Avec le Brésil, on ne s'aime pas trop, surtout quand il s'agit de foot. Ils doivent être contents que l'Argentine n'ait pas gagné la finale, c'est sûr. Mais nous, nous sommes contents d'être venus. L'ambiance était vraiment extraordinaire et les Brésiliens savent accueillir. Il faudra refaire la Coupe du monde ici, sans aucun doute." Difficile d'imaginer compliment plus sincère que celui-ci...
En voici un autre, émanant de Joachim Low. Le sélectionneur allemand a assuré avoir vécu "un des plus grands moments de sa carrière" mardi dernier à Belo Horizonte. Et il ne parlait pas de l'écrasante victoire de son équipe sur le Brésil (7-1) lors de la demi-finale, mais bien de ce qui s'est produit après. "Après notre match contre le Brésil, a raconté Löw dimanche soir, on a senti que la déception était immense bien sûr, mais quand on est partis du stade vers l'aéroport, trajet qui a duré une heure, des milliers de Brésiliens étaient dans la rue et ont applaudi l'équipe, c'était fascinant. Quand nous nous sommes dirigés vers notre camp de base, à une heure de là, les Brésiliens étaient là avec des drapeaux marqués 'Germany' et applaudissaient, c'était impressionnant, ça nous a profondément touchés."
La tristesse digne
Extraordinaires de ferveur et d'enthousiasme derrière leur équipe jusqu'au début de la semaine dernière, les Brésiliens ont effectivement été formidables de dignité après le Mineirazo. Là encore, les oracles annonçant des scènes de chaos dans Rio ou Sao Paulo en ont été pour leurs frais. Abasourdis, effondrés même, mais tête haute, les Brésiliens ont encaissé. Ils ont respecté la joie des Allemands et celles des Argentins jusqu'à dimanche, donnant au monde l'image d'un peuple à la fois chaleureux et accueillant. Ils ont réussi leur Coupe du monde au moins autant que la Seleçao l'a ratée. C'est dire s'ils l'ont réussie... Les Brésiliens ont été les vrais héros de leur Mondial, bien plus que la bande à Luiz Felipe Scolari. A l'évidence, ils méritent mieux que cette équipe-là.
Dans quelques heures, quelques jours au plus, quand tout le monde sera reparti, le Brésil reprendra le fil de sa vie tumultueuse. Les gigantesques et multiples problèmes que la Coupe du monde a cristallisés sont toujours là. L'avenir de certains stades, magnifiques mais à l'utilité douteuse une fois le Mondial terminé, reste en suspens. L'inflation ronge toujours les classes populaires. Les problèmes sociaux vont revenir au premier plan de l'actualité, même si les manifestations, nombreuses avant le coup d'envoi du tournoi, s'étaient éteintes avec le coup de sifflet inaugural du 12 juin.
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Des fans postés devant le stade Sao Paulo avant le match d'ouverture du Mondial Brésil - Croatie

Crédit: AFP

"J'ai senti les gens heureux ici"
Là encore, dans ce domaine, les Brésiliens ont su faire la part des choses avec une grande maturité, trouvant le juste équilibre entre leur désir de ne pas se gâcher leur fête, et celui de témoigner de leur colère. "On n'a rien contre la Coupe du monde, au contraire, notre cible, c'est la FIFA et le gouvernement", disaient-ils en chœur avant le Mondial. C'est exactement sur ce registre qu'ils ont évolué. Dilma Roussef a été chahutée à chacune de ses apparitions, parfois même insultée, et dimanche soir, au Maracana, seul le patron de la FIFA Sepp Blatter a pu rivaliser avec la présidente brésilienne au "sifflomètre", lors de leurs apparitions sur l'écran géant du stade.
"C'était bien, ces cinq semaines, confiait un chauffeur de taxi lundi matin à Rio de Janeiro. Le pays a des problèmes, et ils ne sont pas nés avec la Coupe du monde. Ils ne partiront pas avec elle non plus. Mais j'ai senti les gens heureux d'être ici et c'était important pour nous, les Brésiliens. Je crois que les gens qui sont venus au Brésil vont rentrer chez eux avec une belle image." Sans le moindre doute. Et avec l'envie de revenir pour découvrir un peu mieux encore ce pays complexe et fascinant. C'est peut-être ça, la plus belle victoire du Brésil et des Brésiliens.
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