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Maracana : la folle histoire de la naissance du Maracana, ce Colisée des temps modernes

Laurent Vergne

Mis à jour 26/06/2014 à 16:05 GMT+2

Lorsque le Brésil a obtenu l'organisation de la première Coupe du monde de l'après-Guerre, la question de la construction d'un nouveau stade s'est tout de suite posée. Ainsi naitra le Maracana, après bien des luttes et des difficultés.

Maquettes du Maracana, 1950

Crédit: DR

Avant de devenir  un objet de fascination, le Maracana a d'abord été un projet. Laborieux. Compliqué. Source de multiples conflits. Son accouchement a été douloureux. Pour le moins. Pour sortir ce projet de l'impasse, il aura fallu la force de conviction d'un homme, Mario Filho, et le dévouement de milliers d'ouvriers pour faire émerger de terre ce monument à la gloire du Brésil et du football.
Le Brésil rêvait depuis plus de dix ans d'organiser la Coupe du monde. Il aurait probablement hérité de l'édition 1942, si celle-ci n'était morte-née sur les flammes infernales de la Seconde Guerre mondiale. Deux semaines avant le déclenchement du conflit septembre 1939, Jules Rimet, le président de la FIFA, était à Rio pour examiner la candidature brésilienne… Au lendemain de l'effroyable carnage planétaire, lorsque la vie reprend son cours et que les futilités des compétitions redeviennent envisageables, la FIFA attribue donc la Coupe du monde 1949 au Brésil. De toute façon, l'Europe est en ruines.

De la Coupe du monde 1949 à la Coupe du monde 1950

Se pose alors rapidement un problème : le Brésil, contrairement à ses voisins argentin et uruguayen, ne dispose pas d'un stade de taille suffisante. C'est tout particulièrement vrai à Rio, alors capitale du pays, dont la plus grande enceinte est celle du Vasco de Gamma, capable d'accueillir tout au plus 35.000 personnes. A Sao Paulo, Pacaembu affiche 60.000 places mais, d'une part, la FIFA voit beaucoup plus grand et, d'autre part, si grand stade il doit y avoir, ce ne pourra être qu'à Rio. Mais le projet va vite se trouver au cœur d'une lutte de pouvoir et d'influence pour savoir : où le stade doit être construit, qui doit gérer le projet et par qui elle devait être financée, via de l'argent public ou privé ? Les autorités fédérales et locales se déchirent. Chacun lance ses propres appels d'offre à des architectes, et cette guerre interne contraint même la FIFA à reporter d'un an la première Coupe du monde de l'Après-Guerre: elle aura donc lieu en 1950, non en 1949.
Au premier trimestre 1947, la naissance du grand stade paraît même compromise. C'est là qu'entre en scène Mario Filho. Il est journaliste. Le plus célèbre de son temps. A travers les colonnes du Jornal dos Sports, Filho va devenir le militant numéro un du projet, remportant ce que l'on nommera "la bataille du stade". "Les écrits de Mario Filho se révèlent importants, dans la mesure où il sait faire émerger des arguments qui transcendent les points de vue et placent toujours le sport, le peuple et le Brésil au-dessus des querelles partisanes", souligne Michel Raspaud dans son livre Histoire du football au Brésil. Sa devise, c'est "croire au stade, c'est croire au Brésil". Il parvient à convaincre la ville de Rio et le Ministre des sports de concilier leurs points de vue et impose aussi le choix du quartier de Maracana, au cœur de la ville, plutôt que celui de Jacarepagua. La municipalité hérite bien du projet, mais avec le soutien du gouvernement. Un équilibre est également trouvé entre argent public et privé: 30.000 places seront privatisées.

Argument de propagande

Mario Filho a débloqué la situation et gagné la bataille, mais le temps presse : le Maracana n'est alors encore qu'une maquette. Devant ce défi presque impossible, le Brésil se lance dans une course contre-la-montre. La première pierre est posée lors de l'inauguration du chantier le 20 janvier 1948, deux ans et demi seulement avant le début de la Coupe du monde. Jules Rimet ne cache alors pas à ses collaborateurs son inquiétude : le stade sera-t-il fini à temps, malgré le délai d'un an accordé ? En réalité, il ne faudra qu'un an et dix mois pour que le Maracana, projet pharaonique, soit achevé, au prix d'un effort colossal. "1500 ouvriers vont s'activer jour et nuit, sur un chantier qui nécessite 10.000 tonnes de fer, trois millions de brique, 500.000 sacs de ciment, pour construire l'édifice en un temps record, qui met par là même en évidence les capacités de ce pays neuf qu'est le Brésil", écrit Michel Raspaud.
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Le Maracana en 1950

Crédit: Imago

Le stade est encore plus grand prévu dans le projet initial : 183.254 places, contre les 155.000 requises par la FIFA. C'est le plus grand stade de la planète, immédiate fierté du peuple carioca et, plus généralement, de tous les Brésiliens. Mais on y retrouve, déjà, certaines des problématiques de 2014. Pour ne montrer que le meilleur jour de ce pays si complexe, le gouvernement n'hésite pas à "nettoyer" les alentours. L'armée rase deux favelas installées à proximité du Maracana. Celui-ci devient un argument de propagande. Le gouvernement loue à n'en plus finir la grandeur du Brésil et la "force créatrice de ses travailleurs".

Le juste hommage à Mario Filho

Lorsqu'il découvre l'édifice, fin 1949, Jules Rimet n'en revient pas. Il livre un discours émerveillé, comparant le nouveau joyau au Colisée de Rome. "Les hommes passent, les civilisations disparaissent, les monuments demeurent, dit-il avec emphase. Le magnifique stade de Rio de Janeiro pourra être comparé, sans exagération, au Colisée, par l'évocation de ses lignes et la majesté de sa conception architecturale gigantesque." Les siècles diront si le Maracana survira à l'épreuve du temps et du souvenir aussi magistralement que le Colisée. Mais par la grandeur de son projet qui confinait à l'épopée, il a fasciné. D'emblée.
Mario Filho, lui, n'aura survécu que seize ans au Maracana. A sa mort en 1966, d'une crise cardiaque, la ville de Rio saura se souvenir de son apport décisif, en rebaptisant le Maracana "Stade municipal Mario Filho". C'est, aujourd'hui encore, son nom officiel. Filho, à sa manière, appartient lui aussi à la légende du football brésilien. Le Maracana lui doit une partie de son mythe.
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