Menacé par Sissoko, tancé par Deschamps, Pogba n’est plus un incontournable

Avant la Suisse, il n’y avait guère que Patrice Evra qui refusait plus ou moins poliment les micros qui se tendaient à lui à la fin des matches. Ce vendredi, Paul Pogba a lui aussi habilement esquivé les journalistes. Le joueur de la Juve n’a pas voulu s’arrêter pour commenter ce qui en avait surpris plus d’un : sa présence sur le banc au coup d’envoi  de France-Suisse. Présenté, sans doute un peu vite, comme le patron du milieu, celui qui incarne l’avenir des Bleus ne bénéficie d’aucune clémence de la part de Deschamps.

Face à la Jamaïque, il avait déjà tâté du banc de touche. En cause, entre autres, son match moyen face au Paraguay et 25 minutes peu rigoureuses contre la Norvège. Cette fois, il paie sans doute son écart de conduite face au Honduras et sa réaction sanguine qui aurait dû lui valoir un rouge après l’agression sur Palacios. "Ce n’est pas une sanction", l’a défendu Deschamps ce samedi en conférence de presse. Comme pour mieux adoucir ce qui allait suivre. Car si Deschamps clame qu’il cherche à protéger son joueur, il ne se gêne pas pour lui dégoupiller quelques grenades à la figure au vu et au su de tous.

"Paul a énormément de potentiel, je lui ai dit, je le répète. Le haut niveau, il faut être à fond", a répété Deschamps avec le regard rempli de convictions, sous-entendant un certain dilettantisme, une certaine facilité qui pourrait porter préjudice à Pogba et donc à l’équipe. Fin mai, après le match face à la Norvège, il dressait déjà le même constat : "Tout semble facile pour lui, mais il ne faut pas justement qu’il tombe dans la facilité. Parfois, ça le fait déjouer. Le haut niveau, c’est de la concentration et une application maximale, dans le moindre petit geste. Il va falloir qu’il se batte avec ça."

Visiblement, le joueur de la Juve n’a pas encore pris suffisamment de plomb dans la tête, malgré les remontrances de ses équipiers la semaine dernière : "Avec un gars comme ''la pioche'', chacun notre tour, on lui aurait mis une bonne baffe (s’il s’était fait expulser contre le Honduras)", dévoilait Evra, le patron du vestiaire des Bleus, mercredi dernier. Deschamps aura d’autant moins de mal à le mettre sur le banc qu’il possède en Moussa Sissoko un joueur exemplaire qui remplit exactement les missions qu'il lui réclame. "Ne pas titulariser Pogba, c'est un choix par rapport à Moussa qui est trés bien", a noté le sélectionneur.

Lui n’ira pas tenter un râteau dans sa moitié de terrain. Il fait dans le sobre, dans l’efficace et se montre peut-être plus sécurisant pour l’équipe de France qu'il équilibre. Face à la Suisse, il a parfaitement verrouillé son couloir et s’est même permis d’inscrire le dernier but français. "J'étais très content de débuter ce match. Ça s'est pas trop mal passé", a simplement commenté l’ancien Toulousain ce samedi, visiblement plus impressionné par les micros que par le milieu suisse. La concurrence avec Pogba ?  "Je ne suis en concurrence avec personne, je m’entends très bien avec Paul." Ne comptez pas sur Sissoko pour allumer un incendie. C’est d’ailleurs aussi pour cela que Deschamps le chérit tant. Lui qui fut de tous les grands matches depuis que DD a pris les commandes.

Un fidèle parmi les fidèles qui semblait se contenter à merveille du rôle de douzième homme mais ses performances, autant que celles de Pogba, semblent faire évoluer la réflexion de Deschamps et lui dessiner un destin de titulaire en puissance.  Mais la France peut-elle se passer du talent de Pogba ? "Il faut savoir être derrière lui et lui parler mais il a énormément de talent", reconnaissait Matuidi après le match vendredi. "Il peut devenir très, très grand. On a vraiment besoin d’un joueur comme lui." Sa passe décisive d’un extérieur du pied pour Benzema témoigne de sa faculté à faire basculer un match. Le souci, c’est qu’il peut le faire dans un sens comme dans l’autre. En Coupe du monde, Deschamps semble de moins en moins certain de vouloir prendre le risque.