Mondial 2014-Argentine-Suisse (8e de finale): Lavezzi sait toujours comment se rendre indispensable

Le hasard a bien fait les choses. S’il avait l’esprit mal placé, voilà ce que pourrait penser Ezequiel Lavezzi, qui a vu son destin dans cette Coupe du monde 2014 basculer sur un coup du sort. La blessure musculaire contractée par Sergio Agüero face au Nigeria mercredi dernier lui a indirectement profité. L’attaquant parisien (29 ans) est entré en jeu à la 38e minute, l’Argentine est passée en 4-4-2 et a réalisé contre les Super Eagles (3-2) ses cinquante minutes les plus convaincantes depuis le début du tournoi. Selon toute vraisemblance, avec le forfait déjà entériné du Kun, Alejandro Sabella devrait maintenir, pour le huitième de finale contre la Suisse mardi (18h00), sa confiance au système et aux hommes ayant enfin donné à l’Albiceleste un visage séduisant. Pour le plus grand bonheur de Lavezzi.

L’ancien Napolitain a toutes les chances de débuter dans le couloir droit sur la pelouse de l’Arena de Sao Paulo, où il sera le pendant d’Angel Di Maria pour épauler le duo Lionel Messi - Gonzalo Higuain. Devant le bloc nigérian, son placement excentré a donné davantage de largeur au jeu argentin, concentré dans l’axe pendant les quarante premières minutes. Les statistiques produites par la FIFA sont éloquentes pour le prouver, comme on peut l’observer sur le schéma des positionnements moyens des joueurs quart d’heure par quart d’heure.

Lavezzi a également apporté du dynamisme et une capacité de percussion balle au pied qui faisait cruellement défaut à ses partenaires. Il est le seul Argentin à avoir disputé plus de cinquante minutes sur cette rencontre et à avoir passé 23% de son temps en activité à moyenne ou haute intensité. A titre de comparaison, Agüero est sorti avec un ratio de 14%, Higuain 15% et Messi 12%. L’entente du joueur formé à Boca Juniors avec le capitaine de l’Albiceleste est un autre argument à parler en sa faveur. En 39 minutes en commun dans ce Mondial, les deux hommes ont échangé dix passes. Agüero et Messi s’en sont donné mutuellement treize… en 201 minutes passées ensemble sur les terrains brésiliens. Lavezzi est aussi un excellent tireur de coups de pied arrêtés, comme il l’a démontré en déposant un corner sur le genou de Marcos Rojo sur le but de la victoire argentine.

Bref, autant que le changement de dispositif, l’entrée de Lavezzi a participé à la métamorphose de l’Argentine. "La particularité de Lavezzi, s'il joue, c'est de pouvoir évoluer en pointe ou sur le côté, on peut utiliser deux formations sans changer de joueur", a soufflé Sabella en conférence de presse avant le match lundi. Ne pas être considéré comme un titulaire indiscutable avant de s’imposer comme un élément indispensable du onze au fil des matches, le refrain est connu pour le natif de Villa Gobernador Galvez. Il l’a vécu avec le PSG cette saison. Laurent Blanc l’a longtemps mis en concurrence avec Lucas Moura ou Javier Pastore pour accompagner Zlatan Ibrahimovic et Edinson Cavani. Son investissement de tous les instants et sa faculté à être décisif dans les matches importants (douze buts toutes compétitions confondues) ont achevé de convaincre le technicien parisien de lui faire confiance.

Victime de la facétie de Lavezzi, qui l’a arrosé en plein match - "je l'ai senti nerveux, il fallait que je le détende un peu", s'est justifié ce blagueur récidiviste -, Sabella pourrait bien suivre le même chemin que son homologue. Le sélectionneur argentin est bien conscient qu’il lui faut trouver des alternatives à Messi. La Pulga a inscrit quatre des six buts de son équipe au cours du premier tour. Elle ne pourra certainement pas porter indéfiniment ses partenaires sur ses épaules, surtout si l’Albiceleste veut concrétiser son rêve d’aller au bout et d’accrocher une troisième étoile à son maillot. Même si ses statistiques en sélection (4 buts en 33 sélections) sont incomparables à celles de Higuain (20 buts en 39 sélections) ou Agüero (21 buts en 54 sélections), Lavezzi a le profil idéal pour secouer le cocotier.

Parfois brouillon et désordonné, souvent un poison pour les défenses adverses, il est aussi imprévisible ballon au pied que discipliné en phase défensive. Il est surtout dévoué à 100% pour le collectif. Un bonheur pour un coach en quête d’un grain de folie sans déséquilibrer son collectif. "Lavezzi est un peu spécial, a reconnu Sabella. (...) La cohabitation est excellente, et on a toujours besoin de ce genre de joueur qui savent faire des blagues et plaire à tout le monde. Il était avec nous pendant les qualifications, souvent remplaçant, et il a toujours eu un comportement exemplaire." L’Argentine en a besoin pour voir loin dans ce Mondial. Ce qui ne serait pas, non plus, pour déplaire à la gent féminine, dont 151.000 représentantes ont rejoint en moins de 24 heures sur Facebook un mouvement baptisé pour que "le Pocho Lavezzi joue sans maillot". Comme quoi, il fait vraiment l’unanimité, au-delà même de la sphère footballistique.