Allemagne U21 : l'élimination qui pourrit le printemps

Absente de l’Euro espoirs 2011, déjà sous le sélectionneur Rainer Adrion, puis sortie de l'édition 2013 après sa défaite contre l’Espagne (0-1) ce dimanche en Israël, la troupe du sélectionneur allemand doit déjà préparer ses bagages et quitter le Championnat d'Europe Espoirs avant une rencontre contre la Russie sans enjeu. La situation laisse perplexe pour la vitrine de la formation allemande, prise en défaut malgré un potentiel qui fait la fierté de la DFB.

"Une équipe contre des individualités". Ces propos, signés Steve McClaren, sont habituels lorsque la Nationalmannschaft affronte les Oranje des Pays-Bas. Seule légère différence, mais de taille, le collectif représente généralement l’Allemagne et les "Robbeniens" sont souvent issus des Pays-Bas. Tout l’inverse lors de la défaite 3-2 concédée en ouverture ! Lors de la rencontre, l’ancien coach de Twente et de Wolfsburg notamment, a insisté sur le gouffre existant entre les deux nations sur le plan de la complémentarité.

Il faut dire que l’équipe néerlandaise n’y est pas allée de main morte, en faisant redescendre, sur les ordres de Van Gaal, différents jeunes des A vers les Espoirs. Tout cela pour préparer au mieux la compétition mondiale au Brésil 2014. Afin que les automatismes se développent. Pour ne prendre que l’exemple de la défense, le quatuor titulaire en U21, Blind-Indi-de Vrij-van Rhijn, pourrait être celui, à quelques exceptions près, qui se rendra à la Coupe du monde. En tout cas, les joueurs cités devraient être du voyage.

A l’opposé, l’Allemagne a innové avec une charnière Ginter-Thesker inédite, d’autant plus que le joueur du SC Freiburg, désigné plus grand talent germanique depuis un certain Beckenbauer, fêtait, à 19 ans, sa première sélection ! Un choix "par défaut", car avant la compétition, la moitié du Viererkette ("le chainon de 4") manquait à l’appel. Jan Kirchhoff et Sebastian Jung, titulaires indiscutables, ont dû déclarer forfait. Rappelons simplement que le premier vient de rejoindre le Bayern Munich où il est considéré par Matthias Sammer comme "un diamant brut", alors que le second est juste annoncé comme le successeur d’un certain Philipp Lahm.

Je passe évidemment sur la propension de Rainer Adrion à m’attirer de douloureux maux de crâne : pourquoi positionner l’illustre inconnu Thesker dans l’axe à la place d’un Sobiech, incontournable en qualifications ? Ou bien mettre Sorg arrière droit et Jantschke arrière gauche alors qu’en club, respectivement à Fribourg et à Mönchengladbach, ils occupent les postes opposés ! La blessure d’un Kolasinac, lequel a "juste" mis sur le banc, un certain Christian Fuchs cette saison, l’un des meilleurs latéral gauche de Bundesliga, n’arrange pas les choses. Passons…

Les représentants de la fédération allemande se gaussaient, lors de la présentation des équipes, A et U21 qui devaient respectivement se rendre aux Etats-Unis et en Israël, d'avoir "60 à 65 sélectionnables pour la Coupe du monde 2014". Force est de constater que si la densité germanique existe bien et que les équipes sont compétitives, le talent, lui, est unique et se déprécie rapidement.

Götze, Kroos, Schürrle, ter Stegen, Gündogan et Draxler. Voici six noms, qui, dans l’absolu, auraient pu venir améliorer qualitativement le groupe des U21. Evidemment, les blessures du meneur de jeu munichois et du néo-bavarois sont rédhibitoires. Leno n’a rien à envier à ter Stegen et c’est juste une question de choix. Surtout lorsque l’on se rend compte de la concurrence au poste de gardien avec l’excellent Baumann, le blessé Trapp et le déjà titulaire à Cologne, Timo Horn, tout juste vingt ans. Schürrle et Draxler ont été conviés au périple américain, lequel n’a apporté aucune information tandis que Gündogan est en vacances après une saison harassante et pour soigner les petits bobos. Soit !

Mais je n’oublie pas la petite phrase de l’ancien sélectionneur, Horst Hrubesch, victorieux avec les espoirs de l’Euro 2009 : "Pour certains joueurs de l’équipe A, un tournoi de ce niveau apporte beaucoup d’expérience". D’ailleurs, les responsables espagnols n’ont pas oublié d’emmener avec eux Isco, Thiago, ou encore Muniain, trois joueurs ayant déjà porté les couleurs de la Roja. Quant à de Gea, il est en embuscade. Côté allemand, seul Lewis Holtby peut s’en targuer. Et encore, ses chances d’être présent au Brésil sont bien minces.  

Rainer Adrion a pris de vitesse tout le monde en annonçant qu’il allait "préparer la construction dès le mois d’août des nouveaux U21" pour l’Euro 2015. En résumé, il ne se pose même pas la question de sa responsabilité dans l’échec israélien. Globalement, et à quelques nuances près, il a fait confiance au groupe qui s’est brillamment qualifié pour cette compétition. Ignorant donc, au passage, l’axiome de Michel Platini, qui est d’avoir une équipe pour les éliminatoires et une équipe pour le tournoi.

Le problème est le suivant. Puisque le choix stratégique de la fédération allemande, administré par Löw, de ne pas faire redescendre les A chez les Espoirs, chaque blessure ou absence, ampute très clairement le niveau moyen du groupe. La sélection des U21 avait déjà dû se passer de Boris Vukcevic, victime le 28 septembre 2012, d’un terrible accident de voiture. Si en plus, Adrion, se prive de ceux qu’il a systématiquement titularisés lors des qualifications, cela fait désordre. Le cas Moritz Leitner en est le plus parfait exemple : "Il ne manque pas d’air, un entraîneur qui m’a vu au maximum cinq fois, vient me parler de mon caractère" s’égosille le jeune milieu du Borussia Dortmund avant d’ajouter : "J’étais présent en finale de Ligue des champions mais cela ne suffit pas pour les U21, c'est étrange". De son côté, le sélectionneur  lui reproche son comportement avec ses coéquipiers. Il a été remplacé par Emre Can, futur grand, mais ayant disputé seulement 215 minutes en Bundesliga.

"Il a manqué de la qualité à l’équipe allemande" grommelle Hrubesch. Certes, mais Leno, Ginter, Rode, Volland, Holtby ou encore Herrmann n’en manquent pas. Certains iront en Nationalmanschaft. Mais outre le fait que le groupe B, l’Horrorgruppe comme le surnomme la presse germanique, est autrement plus difficile que le groupe A, on ne peut oublier de mentionner que, finalement, cette sélection s’est inclinée dans le premier match (2-3) qu’à la 89e minute et dans la seconde rencontre qu’à la 86e minute suite à un coaching que je ne préfère pas commenter. Cela ressemble plus à un problème de concentration que de qualité intrinsèque.

 "Je suis personnellement heureux de l’équipe avec laquelle j’ai joué". Diplomate, le capitaine des U21, Lewis Holtby, ne veut pas répondre à la polémique naissante sur le niveau du groupe actuel. Autre son de cloche de la part du patron de la Ligue professionnelle, Andreas Rettig :  "L’équipe des espoirs devrait avoir l’obligation, pour un championnat d’Europe, d’avoir la meilleure équipe possible afin de gagner le titre". La problématique demeure. Vivement la République tchèque 2015. Dommage, Israël 2013 est passé.