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La révolution du Barça
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Publié 26/09/2011 à 19:22 GMT+2
Depuis un mois, Pep Guardiola a troqué son 4-3-3 pour un 3-4-3 plus audacieux, taillé pour Cesc Fabregas et hérité des années Cruyff. Nous avons revisionné les matches de Barcelone à Valence (2-2) et face à l'Atlético (5-0) pour décrypter la mécanique d'un schéma où même le rôle de Messi a évolué.
Cesc Fabregas Pep Guardiola Barça
Crédit: Reuters
Quand le maître s'appelle Johan Cruyff, il est forcément tentant de marcher sur ses pas. Depuis qu'il a pris place sur le banc du Barça, en 2008, Pep Guardiola s'est toujours évertué à perpétuer la philosophie de son illustre prédécesseur. Mais puisqu'il a tout gagné en trois ans, puisque son équipe a déjà marqué son époque comme l'Ajax, le Milan et la Dream-Team de Cruyff avaient marqué les leurs, Guardiola a dû se réinventer. Autant par conviction que par nécessité. Son idée tient en deux lignes directrices, intimement liées : 1. Le style catalan a beau être immuable, il ne résistera pas éternellement à l'épreuve du temps ; 2. Après tant d'années de succès, une équipe peut sombrer dans la routine. Elle a besoin d'un nouveau souffle, de nouveaux défis. 
UN SYSTÈME POUR ET PAR FABREGAS
Voilà pourquoi cet été, Guardiola a fait le forcing pour faire revenir Cesc Fabregas au bercail. Le retour de l'ancien Gunner en Catalogne laissait augurer d'un casse-tête monumental. C'était déjà écrit : Fabregas ne serait, dans un premier temps, qu'un remplaçant de luxe. Et puis la thèse d'un retour aux sources a germé en Espagne. Et si Barcelone délaissait son 4-3-3 pour faire une place à Fabregas ? Si Guardiola remettait au goût du jour le 3-4-3 que maître Cruyff avait lui-même créé de toutes pièces ? Banco. Le coach catalan a su bousculer les codes génétiques du Barça en adaptant son système à Fabregas. Une révolution : d'ordinaire, les stars, qu'elles se nomment Stoikhov, Rivaldo ou Eto'o, doivent se fondre dans le moule catalan. Elles se sont, le plus souvent, adaptées avec une incontestable réussite. Cette fois, Guardiola est reparti d'une page blanche pour tout repeindre, du sol au plafond. Fabregas méritait bien sa place aux côtés des Messi, Xavi, Iniesta et Villa. 
Il y a un mois, Guardiola a donc "profité" des absences de Dani Alves, Carles Puyol et Gerard Pique pour succomber aux charmes du 3-4-3. Pour installer ce fameux milieu de terrain en diamant, composé d'un récupérateur axial aux allures de pompier de service (le plus souvent Busquets), de deux relayeurs excentrés (Xavi et Iniesta ou Thiago Alcantara), chargés d'orchestrer le jeu et de coulisser pour verrouiller les couloirs, et de Fabregas en soutien du trio d'attaque. Le système a été éprouvé contre Villarreal (5-0), Osasuna (8-0), à Valence (2-2) et samedi dernier, contre l'Atlético Madrid (5-0). Le bilan chiffré - 20 buts inscrits en quatre rencontres - légitime l'audace. Mais il y a, fatalement, un revers de la médaille...
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Xavi Busquets Valence Barça
Crédit: AFP
UN ÉQUILIBRE PRÉCAIRE
Ces quatre sorties ont confirmé les craintes du tableau noir : ce 3-4-3 au pouvoir offensif si foudroyant fragilise cruellement la solidité de l'équipe. Xavi l'a lui-même souligné la semaine dernière, en évoquant "ce sytème qui nous oblige à faire plus d'efforts défensifs". Les images de Valence-Barça et de Barça-Atlético accréditent la thèse du capitaine blaugrana. En les revisionnant attentivement, le nouveau schéma des Blaugrana ressemble à un vaste bazar savamment organisé, où le souci de permutations est permanent. Cela rend le jeu catalan quasiment illisible pour l'adversaire. Mais le système a ses failles. Mercredi dernier, Valence les a exploitées à merveille. 
A Mestalla, le positionnement, très haut, de Dani Alves a laissé des boulevards sur le flanc droit. Jérémy Mathieu s'y est engouffré avec une certaine délectation. Les deux buts valencians sont venus du latéral gauche français. Dans l'axe, le trio Mascherano-Puyol-Abidal s'est, à chaque fois, retrouvé livré à lui-même. Contre l'Atlético, Guardiola a donc serré la vis. Dani Alves est resté sagement derrière, pour épauler Mascherano et Abidal. Trois jours plus tôt, le Brésilien jouait carrément ailier droit. Le positionnement variable d'Alves dessine plusieurs facettes au schéma blaugrana. Premier enseignement : à Barcelone, il n'y a pas un 3-4-3, mais des 3-4-3.
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Dani Alves Jérémy Mathieu Valence Barça
Crédit: Reuters
Quand Alves ne franchit pas la ligne médiane, Xavi et Messi sont chargés de combler le vide côté droit. Le stratège espagnol se sacrifie en quelque sorte au nom de la cause collective. Revers de la médaille, il perd clairement de son influence sur le jeu barcelonais. L'Argentin, lui, tutoie  très souvent la ligne de touche pour étirer les défenses et mieux repiquer dans l'axe. Ce fut particulièrement probant face à l'Atlético, où Messi s'est très souvent exilé  à droite, comme il le faisait si brillamment avant d'être repositionné dans un rôle de faux avant-centre. 
TOUJOURS PLUS HAUT...
Voilà un autre enseignement de ce 3-4-3 made by Guardiola : dans ce schéma, Barcelone assume encore plus l'absence de véritable pointe. C'est assez déstabilisant pour une charnière centrale qui, sans adversaire direct à marquer, navigue entre deux eaux. A Valence, la paire Rami-Ruiz ne savait plus trop où donner de la tête. Si elle devait rester en place, ou si elle devait presser le porteur du ballon. Samedi dernier, le tandem Miranda-Godin s'est posé sensiblement les mêmes questions existentielles. A trop tâtonner, la défense de l'Atlético a laissé un no man's land devant elle. Fabregas s'y est senti comme un poisson dans l'eau.
Revenons au cas de l'ancien Gunner, puisque c'est bien pour lui que Guardiola a redessiné les plans de la maison barcelonaise. A la pointe de ce fameux milieu en diamant, Fabregas jouit d'une liberté totale. Il se déplace latéralement pour toucher le ballon et orienter le jeu. Il bouge aussi dans la profondeur, pour finir lui-même les actions, avec la gestuelle d'un vrai buteur. Son entente avec Messi est déjà un modèle de complicité. A eux deux, ils pèsent pratiquement 80% des buts blaugrana inscrits cette saison.
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Messi y Cesc Fábregas - Barcelona
Crédit: Eurosport
L'efficacité du duo Fabregas-Messi est, à elle-seule, une ode au 3-4-3. Le pressing catalan y est plus agressif. Avec sept joueurs dans le camp adverse, le Barça récupère le ballon encore plus haut, mais le conserve moins longtemps. A Valence, la possession catalane a péniblement dépassé les 60%. Face à l'Atletico, elle n'a atteint "que" 67%. C'est encore loin des standards habituels (71% en moyenne la saison dernière). Et puis il y a ces largesses défensives, qui sautent aux yeux de toute l'Espagne. A voir Guardiola s'agiter sur le bord du terrain, on devine qu'elles l'agacent profondément. Devant les micros, Pep le perfectionniste s'en accomode pourtant avec un fatalisme et une assurance déconcertantes : "Si je mets trois défenseurs, c’est pour attaquer plus efficacement, non pas pour mieux défendre. Mais que ce soit un 3-4-3 ou un 4-3-3, le plus important est que le ballon soit en mouvement." Guardiola a refait toute la peinture et les tapisseries, mais il n'a pas touché aux fondations. 
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UN SCHÉMA, QUATRE COMPOS
Face à Villarreal (5-0) : Valdes - Mascherano, Busquets, Abidal - Thiago Alcantara, Keita, Iniesta, Fabregas - Sanchez, Messi, Pedro
Face à Osasuna (8-0) : Valdes - Puyol, Mascherano, Abidal - Xavi, Busquets, Thiago Alcantara, Fabregas - Alves, Messi, Villa
A Valence (2-2) : Valdes - Mascherano, Puyol, Abidal - Xavi, Busquets, Keita, Fabregas - Alves, Messi, Pedro
Face à l'Altetico Madrid (5-0) : Valdes - Alves, Mascherano, Abidal - Xavi, Busquets, Thiago Alcantara, Fabregas - Pedro, Messi, Villa
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