Barcelone, lundi 28 août : la nouvelle vie de Dembélé vient de commencer

Il n’est pas encore midi et déjà les premières grappes de supporters culés sortent des wagons du métro station Collblanc et déferlent sur le Camp Nou. D’autres sont attablés en face de l’écrin, café cortado devant eux, épluchent les quotidiens ou scrutent la télévision. On croise un gamin tout de bleu et grenat vêtu. Son flocage Neymar Jr est en miettes. L’amour à la machine, comme une allégorie du ressenti commun des hinchas après le départ du prodige brésilien. On ne sait pas si on pourra ravoir à l’eau de javel leurs sentiments, mais ce qui est sûr, c’est que son successeur désigné (même poste, même numéro), a reçu un accueil à la hauteur des attentes suscitées.

On est loin de la présentation de Samuel Umtiti la saison dernière, faite dans un salon en toute intimité. Ousmane Dembélé a droit à l’Auditori 1899 surclimatisé, une estrade, un écran géant, un hashtag. Dehors, sous un cagnard accablant, la statue de Ladislao Kubala voit défiler un serpentin ininterrompu de supporters venus en masse pour la traditionnelle présentation à l’espagnole avec un speaker qui chauffe la foule, une série de jongles et l’envoi de ballons dans le public par le nouvel arrivé.

Par le montant de son transfert et son poste, Ousmane Dembélé devra attaquer pied au plancher. Le peuple culé est enthousiaste mais, étant donné les tumultes institutionnels et les difficultés collectives apparues depuis de nombreux mois, El Mosquito (le moustique) devra s’adapter très rapidement à la pression et au jeu de ses coéquipiers. Après avoir essuyé des attaques acides tout au long de l’été, le président compte sur son nouveau trio LSD (Leo, Suárez, Dembélé) pour masquer en partie le retard pris sur l’éternel rival madridiste.

A propos de retard, la signature d’Ousmane Dembélé n’est pas encore effective, en raison de problèmes administratifs avec le Borussia Dortmund. Après un premier report de trente minutes, la situation s’éternise. Finalement, tout le programme est chamboulé. Dembélé sera d’abord présenté aux 17 814 supporters qui cuisent littéralement dans les gradins du Camp Nou. L’exaspération monte d’un cran, des supporters scandent "Bartomeu dimisió", quelques "Laporta Laporta" se font subrepticement entendre, des mouchoirs blancs sont sortis furtivement, tandis que le speaker et la sono tentent tant bien que mal de cacher le malaise et, effort notable, sans dégainer "Despacito".

Finalement, Dembélé apparaît dans le Palco de honor saluer son nouveau public. Après avoir enfilé sa tenue floquée du 11, il déboule sur la pelouse. Premiers mots, premier "meilleur club du monde, meilleurs joueurs du monde, l’équipe que je suis depuis toujours", premier "Visca Barça". C’est hésitant et sincère comme une première fois.

Retour express à l’Auditori 1899. Josep María Bartomeu fait l’effort de parler français avec Dembélé, explique les détails de la transaction : 105 millions d’euros fixe, 40 de bonus variables et un contrat de 5 saisons pour l’ancien Rennais. L’ailier français pose, maillot numéro 11 en main avec son nouveau président et toute sa famille. Au pas de charge, la tribune est démontée et un nouveau décor, qui n’est pas signé Donald Cardwell, apparaît pour la conférence de presse.

Casque sur les oreilles pour avoir la traduction simultanée en catalan (au Barça tout commence en catalan) puis en espagnol, Ousmane Dembélé s’assoit au côté de Robert Fernández, le directeur sportif, qui souhaite à son tour la bienvenue au natif de Vernon. Vient le temps des questions, pour Dembélé et aussi pour Fernández, pressé d’évoquer la fin de mercato culé. Voix timide et micro défaillant, le Français, peut-être un peu nerveux (qui ne le serait pas ?), ne se hasarde pas trop dans ses réponses, débitées à un volume très bas. Ce qui n'empêche pas de dire clairement les choses sur son départ du Borussia Dortmund. Oui, il a provoqué la situation, il assume et c’est même "entièrement (ma) faute".

Un an après avoir privilégié le Borussia Dortmund pour, de l’aveu même de Fernández, avoir du temps de jeu, Dembélé n’a pas voulu laisser passer une nouvelle opportunité de porter la tunique du club qu’il suit "depuis que j’ai 8 ans". Et même s’il refuse consciencieusement d’endosser le costume de successeur de Neymar, il sait pertinemment qu’il est déjà perçu ainsi. Son leitmotiv : apprendre, surtout au côté de Lionel Messi "le meilleur joueur du monde et le meilleur de l’histoire" et de Luis Suárez. Peu de joueurs français ont réussi au Barça. Sa tache est conséquente. Le Moustique de doit pas se faire écraser par les espoirs portés en lui.