Huit matches pour un sacre

Une première date charnière dans la saison girondine. Après cinq journées, Bordeaux n'est pas au mieux: deux victoires, deux défaites, un nul, le train bleu marine se traîne. Et en Ligue des champions, la bande à Laurent Blanc vient de se faire fesser cul nul à Chelsea (4-0). Quatre jours plus tard, le déplacement à Grenoble ne démarre pas mieux. En trois minutes, les Bordelais perdent Diarra et Wendel, expulsés en début de seconde période. A 9 contre 11, ils affichent alors une réelle force de caractère pour arracher une incroyable victoire sur un but de Jussie dans les dix dernières minutes. "Même en tant que joueur, je n'ai pas souvenir d'être allé chercher la gagne à onze contre neuf", résume Blanc. Bordeaux est à 6 points de Lyon.

C'est un choc au sommet. Au coeur du mois de novembre, les Marine et Blanc viennent tester leurs ambitions chez le septuple champion de France. Bordeaux séduit, rivalise sans problème dans le jeu, mais manque d'opportunisme. Tout l'inverse d'une équipe lyonnaise pas ébouriffante, mais plus efficace. La maturité, dit-on alors. Bordeaux compte neuf points de retard sur Lyon, le plus gros écart de la saison entre les deux équipes. Jamais Bordeaux n'aura été aussi loin de la première place. "Le titre n'est pas encore joué, assure toutefois Marouane Chamakh. La saison dernière, Lyon comptait beaucoup d'avance sur nous, mais notre deuxième partie de championnat nous a permis de les titiller jusqu'au bout. On espère toujours et on ne va rien lâcher."

La saison dernière, Bordeaux s'était imposé 6-0 à Louis II. Menés 3-0 en début de seconde période, les Girondins semblent partis pour prendre à leur tour une claque, mais ils vont se réveiller. A deux minutes de la fin, ils sont encore menés 3-2, mais deux buts de Chamakh et Cavenaghi leur permettent de s'imposer 4-3. "Des matches, comme ça, c'est mémorable, clame Chamakh. Ce n'est pas après avec cette victoire qu'on reverra nos ambitions à la baisse. Mais cela va nous donner encore plus de moral pour la suite." A mi-championnat, Bordeaux vire avec 35 points, dans la peau du dauphin de Lyon, trois longueurs devant. Le match le plus improbable de la saison. Le plus révélateur, aussi, de l'état d'esprit qui a animé les coéquipiers d'Ulrich Ramé tout au long du championnat.

Le match référence. Pour son premier match de l'année 2009, Bordeaux rend une copie en tous points remarquable: un jeu de qualité, de l'efficacité, offensive et défensive, et des individualités au top, à l'image de Yoann Gourcuff, auteur d'un but exceptionnel, qui sera d'ailleurs élu but de la saison. On reprochait souvent aux Girondins de ne pas répondre présent face aux gros, ils font taire les critiques sur ce point. Bordeaux, toujours deuxième, revient à un point de Lyon. Laurent Blanc refuse toujours de parler ouvertement du titre. Gourcuff, lui, commence à y croire: "Si on arrive à avoir la même constance, la même concentration lors des autres matches de championnat, c'est vrai qu'on peut faire mal."

Une énorme claque. Le derby de la Garonne tourne au cauchemar pour les Girondins, balayés à Toulouse (3-0). Sirieix, Gignac et Sissoko sont les bourreaux des hommes de Laurent Blanc, qui n'ont pas existé au Stadium. L'entraineur bordelais ne mâche pas ses mots après ce qui restera comme la plus lourde défaite de son équipe cette saison. La claque, dans un derby à sens unique pour les Girondins balayés par la puissance du TFC. "On est tombé sur une équipe plus forte que nous, tout simplement. Dans la densité physique, ils nous ont, à la limite, laminés. On a montré nos limites du moment" . Après cet échec, Bordeaux, qui n'a pris que cinq points lors des six dernières journées, glisse à la 6e place, à six points de Lyon. Nous sommes le 7 mars. Il reste 11 journées. Le titre semble loin. Très loin.

Un mois et demi après la gifle toulousaine, Bordeaux a parfaitement relevé la tête. A l'heure de recevoir Lyon, les joueurs au scapulaire restent sur quatre victoires de suite. L'OL, invaincu depuis 10 ans à Chaban-Delmas, constitue un sérieux test. Mais les Lyonnais, qui viennent de céder leur place de leader, ont la tête sous l'eau. Après un début de match à l'avantage des Gones (et un penalty oublié sur Ederson), Bordeaux ouvre le score par Alou Diarra juste avant la mi-temps. Les Girondins tiennent le score et s'imposent au terme d'un match de très haut niveau. "C'est un signe fort de battre le champion en titre, de bon augure pour cette fin de saison qui peut réserver des surprises", souligne Blanc. Bordeaux se hisse à la 2e place, à deux points de Marseille, qui fait alors office de grand favori.

Une semaine éprouvante pour Bordeaux, qui se rend à Rennes trois jours après avoir joué (et gagné) la finale de la Coupe de la Ligue face à Vannes. Son deuxième titre de la saison après le Trophée des champions. Lorsqu'ils se rendent à Rennes, les Bordelais ont la pression, puisqu'ils sont à cinq points de l'OM, qui comptent un match de plus. Pour rester au contact, ils doivent impérativement s'imposer en Bretagne. Là encore, le match est fou. Un but encaissé après 17 secondes, un carton rouge à Planus, Bordeaux ne s'épargne rien. Mais un doublé de Gourcuff, dont un but rageur dans les arrêts de jeu, permet aux joueurs de Laurent Blanc de prendre les trois points: "On est passé par tous les états. La victoire, c'est une bonne chose pour dire à une équipe (Marseille, ndlr) qu'on est toujours là et à d'autres qu'on ne va pas lâcher la 2e place qu'on a maintenant". Un destin de champion est en marche.

Il reste trois journées. Marseille et Bordeaux partagent la tête du classement, l'OM ayant un léger avantage à la différence de buts. 24 heures avant le choc OM-Lyon au Vélodrome, les Bordelais souffrent à domicile face au Mans. Laborieux, ils sont menés 1-0, puis tenus en échec 2-2 avant que Planus n'inscrive le but libérateur à l'entrée du dernier quart d'heure. C'est la 9e victoire consécutive des Girondins en L1. Le lendemain, Marseille s'incline 3-1 contre l'OL. "On a notre destin en mains. On n'a plus besoin d'un faux pas", se réjouit Fernando. Pour la première fois de la saison, Bordeaux s'empare de la première place. Il ne la lâchera plus.