Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Ligue 1 - Loïc Féry (Lorient) : "On m'a pris pour un original"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 13/08/2013 à 14:11 GMT+2

Depuis son arrivée en 2009, Loïc Féry a fait de Lorient un club prospère. Le président nous explique sa vision et ses méthodes qui détonnent parfois en Ligue 1.

FOOTBALL 2013 Lorient - Loic Fery

Crédit: Panoramic

En 2009, pourquoi avez-vous choisi d'investir dans un club de football ?
Loïc Féry : Parce que c'est un secteur d'activité que je suis depuis 10-15 ans. Lors de mes études, je regardais déjà de près l'économie du football. Principalement parce que c'était la seule économie du sport professionnel qui était vraiment développée en Europe. Aux Etats-Unis, il y avait les franchises de basket ou de base-ball. Mais en Europe, il y a quelques années, c'était quand même assez limité. Aujourd'hui, le rugby se développe. Donc ça n'était pas particulièrement parce que j'avais joué au foot (notamment à Hong Kong, ndlr), d'autant que mon sport c'est plus le tennis, mais plus par intérêt de l'entreprise évoluant dans le secteur du football.
Pourtant, ce secteur est réputé peu rentable…
L.F. : Ce qui m'intéresse, c'est surtout d'être dans ce secteur d'activité et d'essayer de voir si on peut y gérer une entreprise de manière pérenne. Mais ça n'est évidemment pas un secteur où on a des rentabilités extraordinaires. Vous n'investissez pas dans le football parce que vous pensez faire fortune. C'est sûr. Par contre, ça m'intéressait de voir si on pouvait mener un projet d'hommes, un projet d'entreprise dans un secteur dans lequel, a priori, il faut une ligne directrice et des investissements pour se développer. Il me semblait que c'était envisageable, je ne savais si c'était possible. Or, ce qu'on fait depuis quatre ans, avec quatre exercices à l'équilibre ou légèrement positifs à chaque fois, montre qu'on peut y arriver.
Pourquoi en France et pourquoi à Lorient ?
L.F. : J'ai regardé ce qui était disponible. J'avais effectivement regardé en Angleterre à Sheffield Wednesday. J'avais aussi regardé en Italie ou à Nice. Mais je me suis dit que ce secteur était déjà suffisamment compliqué pour ne pas ajouter la difficulté de le faire dans environnement où on ne maîtrise pas forcément tout. En France, on ne maîtrise pas tout mais on a plus de chance d'y arriver. Et même si j'habite à Londres, c'est à seulement 50 minutes de Lorient. Lorient est plus près de Londres que Paris ne l'est de Nice.
Comment jugez-vous l'arrivée d'actionnaires importants à Paris et Monaco ?
 L.F. : Je trouve ça bien pour la Ligue 1. Qu'il y ait des investissements, c'est très bien pour le football français. Je n'ai aucun problème avec le PSG. Et bienvenue en Ligue 1 à Monaco. Mais il faut que tout le monde ait les mêmes conditions. J'ai déjà eu l'occasion de dire ce que je pensais de Monaco. C'est une situation inique en Europe. Il n'y a pas un club basé à Andorre qui évolue dans le championnat espagnol ou un club de Jersey dans le championnat anglais. On ne peut pas disputer une course quand l'un des adversaires part avec cinq mètres d'avance. Mais j'ai confiance dans le gendarme financier du football français.
Aujourd'hui, les clubs français ont besoin de ces nouveaux investisseurs…
L.F. : Il est clair que les clubs sont impactés par la crise. Ralentissement économique des entreprises donc moins de sponsoring, moins d’affluence aux stades. En plus, les droits TV ont baissé. Les charges sociales ont augmenté. On a vu avec Sedan, Le Mans ou Rouen des difficultés allant jusqu’au dépôt de bilan. Ça fait quelques années que je pense qu’il va y avoir des dépôts de bilan importants dans le foot français. On est tout de même dans une situation qui est meilleure que celles de nos amis espagnols par exemple, avec moins de dettes dans les clubs. A Lorient, je ne dis pas qu’on est à l’abri des difficultés. On est touché de la même manière avec une baisse des revenus. Mais on essaye de développer un modèle plus équilibré, avec des salaires plus bas, et le risque de ne pas dépenser plus que ce qu’on gagne.
A Lorient, vous avez appliqué les méthodes de l'entreprise, notamment une part variable dans les salaires en fonction des résultats…
L.F. : Forcément, les joueurs préfèrent gagner plus en part fixe. Mais, aujourd'hui, la situation économique des clubs rend les choses plus simples. On a mis en place un système avec des ambitions sportives et des primes très importantes. Pourtant, c'est un raisonnement vieux comme le monde. L'important, c'est de conserver une cohérence et de le faire dans n'importe quel recrutement, sans qu'il y ait de passe-droits. Vis-à-vis des supporters, c'est aussi important. On les entend moins crier "tu es trop payé". Les joueurs sont mieux payés s'ils gagnent plus de matches. C'est une situation gagnante pour tout le monde. Mais ça n'est pas facile à mettre en place. Il faut trois ou quatre ans pour renouveler tout un effectif.
Comment cela a-t-il été perçu ?
L.F. : Au départ, on m'a un peu pris pour un original, même si je ne sais pas si c'est le bon terme. Mais il n'y a pas de recette miracle. Il reste quand même une part d'aléa sportif dans les comptes du club. Si les autres veulent s'inspirer de ce qu'on fait, tant mieux. Mais on n'est pas là pour donner des leçons. On n'a pas gagné dix titres de champions de France. Mais le club gagne quand même de l'argent depuis quatre ans. C'est l'idée que je me fais d'un club de football.
Lorient est bénéficiaire depuis quatre ans. Cela vous donne davantage de libertés ?
L.F. : Quand vous êtes à l'équilibre et que les autres ont des difficultés, vous avez une position relative qui est plus confortable car vous pouvez faire des transactions. La saison dernière, par exemple, on n'aurait pas pu faire les recrutements de Corgnet ou Traoré dans un environnement plus compliqué où tous les clubs sont en bonne santé. Guerrero cette saison, c'est pareil. C'est un des meilleurs joueurs de Ligue 2. On s'est positionné très tôt sur lui. Si on avait attendu, on aurait eu beaucoup plus de concurrence. Mais, en début de mercato, très peu de clubs avaient la capacité de bouger. Parce qu'il y a très peu de clubs qui sont à l'équilibre et qui ne dépendent pas de leurs ventes pour équilibrer. Il y a certaines choses qu'on peut faire, d'autre qu'on ne peut pas. On ne pourra jamais se payer Cavani ou Thiago Silva. Mais on essaye de viser une première partie de tableau dans un cadre équilibré.
Les actionnaires n'investissent plus beaucoup dans leurs clubs…
L.F. : Nous, on investit énormément parce qu'on vient de mettre 15 millions d'euros dans les infrastructures depuis quatre ans (notamment dans le nouveau centre d'entrainement, ndlr). On a aussi investi un peu plus de 40 millions d'euros dans l'achat de joueurs durant cette période. Donc on prend des risques mais on essaie de les prendre de manière mesurée et surtout sans déséquilibrer le compte d'exploitation avec des charges et des salaires qui restent raisonnables. 
Donc, selon vous, c'est une bonne idée d'investir dans un club de Ligue 1 ?
L.F. : C'est toujours une bonne affaire d'investir en Ligue 1. Si vous raisonnez en valeur relative. Par exemple, j'avais regardé Newcastle. Au moment où le club était en Championship, il avait les mêmes revenus que Lorient en Ligue 1. A peu près 30-35 millions. Et le club valait 20 fois plus. Donc sauf si on m'explique qu'un euro de revenu dans le championnat anglais vaut 20 fois plus qu'un euro de revenu dans le championnat français… Il faut avoir une surface financière suffisante mais je pense que pour des entrepreneurs qui ont la tête sur les épaules, c'est une très bonne idée d'investir dans les clubs français.
Doit-on s'attendre à voir arriver de plus en plus d'investisseurs étrangers ?
L.F. : Souhaitons-le mais il y a de plus en plus d'investisseurs français qui pensent peut-être que c'est inaccessible. Or, au final, si vous travaillez comme une entreprise classique… Après, bien sûr, il faut aimer le sport et l'incertitude du sport mais si vous travaillez avant tout en gestionnaire sur une entreprise, il y a des choses que vous ne ferez pas alors que la passion vous les ferait peut-être faire plus naturellement. Mais si vous restez mesuré et froid devant les problématiques de gestion du club, vous avez de bonnes chances d'arriver à vous en sortir.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité