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MERCATO - Pourquoi le marché brésilien est devenu prioritaire pour Monaco

Didier Balayer

Mis à jour 11/02/2016 à 11:42 GMT+1

TRANSFERT - Mardi soir aux côtés de Wallace et Fabinho, deux compatriotes, Jemerson a fait ses débuts avec l’AS Monaco en Coupe de France face à Sochaux (défaite 2-1). Comme Vagner Love, le défenseur brésilien a été recruté lors de ce mercato d’hiver par le club de la principauté. Mais pourquoi un tel intérêt pour ce marché sud-américain ? Décryptage.

Jemerson - AS Monaco 2016

Crédit: AFP

Quand on s’intéresse de plus près au modèle AS Monaco, et qu’on se renseigne sur les deux dernières recrues brésiliennes (Vagner Love, Jemerson), les réponses à nos interrogations sont parfois d’une simplicité confondante. Confidences. "Tous les grands clubs d’Europe ont dans leur effectif beaucoup de joueurs originaires du Brésil", nous glisse une source au club. Par exemple : au PSG, il y en a six, à Chelsea cinq, idem pour Barcelone."
"Dans l’équipe type de la FIFA 2015, on en retrouve quatre (Marcelo, Thiago Silva, Alves, Neymar). Quatre aussi pour Monaco (Fabinho, Wallace, Vagner Love, Jemerson en excluant Boschilia prêté au Standard de Liège). Mais c’est normal, parce que l’ASM veut s’inspirer des plus grands clubs du monde. Donc on se retrouve sur les mêmes marchés, parfois sur les mêmes joueurs aussi. Mais, le Brésil intéresse tout le monde".
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Vagner Love - ASM Monaco 2016

Crédit: AFP

Pas plus de 20 millions d’euros sur un seul et unique joueur

Toutefois, il y a certaines nuances à apporter, puisque le Real Madrid, le FC Barcelone, le Bayern Munich ou encore le PSG ne chasse pas les mêmes cracks. Pas au même prix en tout cas.
Ainsi, jamais, le club de la Principauté n’aurait misé 45 millions d’euros sur Lucas. Non pas que le milieu offensif du PSG soit une mauvaise recrue, mais seulement la direction de l’ASM représentée par le milliardaire russe Dmitry Rybolovlev ne souhaite plus investir plus de 20 millions d’euros sur un seul et unique joueur. Ce n’est plus l’esprit d’un projet monégasque qui repose désormais essentiellement sur un système d’autofinancement basé sur la vente de joueurs, à l’image de ce qu’on peut retrouver dans certains clubs portugais.
Pour développer ce modus operandi spécifique, quoi de plus intéressant que la Serie A brésilienne pour spéculer sur le marché des transferts ? Depuis la reprise du club par Rybolovlev, plusieurs joueurs auriverde ont rejoint la French Riviera (Fabinho, Wallace, Matheus, Boschilia). En janvier, cette tendance sud-américaine s’est encore accentuée avec les arrivées de Vagner Love (Corinthians) et de Jemerson (Atletico Mineiro).
A ce sujet, le recrutement de "Blackenbauer" (son surnom en référence à Franz Beckenbauer) incarne à merveille l’état l’esprit du "nouveau" projet monégasque. Une synthèse excellente puisqu’avec ce recrutement assez onéreux pour un club de L1 (estimé à 10 millions d’euros), l’ASM espère pouvoir faire la bascule à moyen-terme en valorisant au maximum un élément qui représente l’avenir du Brésil en défense centrale. Auteur d’une première sortie intéressante mardi soir à Sochaux, malgré une défaite (2-1), Jemerson a en tout cas le profil pour s’imposer comme l’une des valeurs sûres de notre championnat.
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Vadim Vasilyev et Dmitry Rybolovlev dans les tribunes de Louis-II

Crédit: AFP

Le plus dur dans le scouting au Brésil, ce sont les distances qu’il faut parcourir, parce que le Brésil, c’est un pays très grand.
Mais si sur le papier, ce genre de recrutement peut paraître simple à finaliser. Dans la réalité, ça l’est beaucoup moins. D’où une certaine prise de distance de la L1 par rapport au marché brésilien. En effet, de moins en moins de clubs français prennent ce risque de recruter au Brésil.
La première complication, c’est le fait qu’en Serie A, quasiment tous les joueurs du championnat appartiennent à plusieurs entités distinctes (TPO). Par exemple, il est courant qu’un milieu de terrain professionnel de deuxième division appartienne à 20% au club, à 50% à un particulier et à 30% à une banque locale. "C’est toute la complexité de ce marché, nous confie Jean-Marc Goiran, agent monégasque dont les bureaux se situent en face du Stade Louis-II, siège social de l’ASM. Donc, pour recruter ces joueurs brésiliens, il faut d’abord que le club puisse démêler tous les nœuds avec ces multiples intermédiaires. Forcément, ça prend plus de temps... Mais à Monaco, ils ont désormais de l’expérience pour solutionner ce genre de dossier plutôt complexe".
En attendant, sur ce marché brésilien qui peut rapporter gros à moyen-terme, d’autres écueils sont à considérer. "Le plus dur dans le scouting au Brésil, reprend un spécialiste de l’Amérique du Sud, ce sont les distances qu’il faut parcourir, parce que le Brésil, c’est un pays très grand. Il y a beaucoup de kilomètres à avaler".
Autre donnée à prendre en compte : le nombre très important de joueurs de qualité à superviser dans ce championnat. D’où la nécessité d’avoir une cellule de recrutement adéquate pour être réactif sur ce marché en raison de la forte concurrence par rapport à toutes ces pépites encore inexploitées. Recruter au Brésil n’est pas chose aisée. Loin de là… Ainsi, cela nécessite du temps, et des hommes. De ce fait, avant de valider les arrivées de Jemerson et de Vagner Love, la cellule de recrutement a énormément travaillé sur ces deux profils.
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L'AS Monaco en 2016

Crédit: AFP

Ce que confirme Vadim Vasilyev quand le directeur général évoque le cas Jemerson : "L’école brésilienne est très connue pour ses défenseurs brésiliens, souffle le dirigeant russe. On a une cellule de recrutement très importante. On voyage beaucoup en Amérique du Sud, en Amérique Latine aussi. Partout on consulte, on prend des renseignements sur des joueurs. Jemerson ? J’ai envoyé mon équipe de scouting pour le suivre. Et les rapports ont été très bons".

Avec quatre recruteurs pour aller superviser "Blackenbauer"

Concrètement, l’ancien défenseur de l’Atlético Mineiro, déjà appelé par Dunga sans avoir été invité à disputer un seul match avec la Seleçao (Brasileira), a d’abord été supervisé via vidéo depuis les bureaux de la Turbie.
Après un premier filtrage numérique, Luis Campos, conseiller personnel de Vadim Vasilyev et en charge du recrutement de l’AS Monaco, a décidé de dépêcher sur place ses meilleurs "scouts". A tour de rôle, les quatre recruteurs de l’AS Monaco – Admar Lopes (Portugal), Radu Baicu (Roumanie), José Bray (France) et Mamo Notari (Italie) – ont donc supervisé le joueur. Le tout dans des contextes et des situations différentes (à l’extérieur, à domicile, conditions climatiques, compétitions internationales). Objectif de cette démarche : évaluer de façon extrêmement précise le joueur en question afin de réduire au maximum la marge d’erreur.
Ensuite, si les rapports sont positifs – ce qui était le cas pour Jemerson et Vagner Love –, Luis Campos se rend personnellement sur place afin de trancher et donner son avis final. Pour l’ancien défenseur de Mineiro, l’ancien adjoint de José Mourinho s’est déplacé près d’une dizaine de fois au Brésil pour superviser "Blackenbauer".
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Jemerson avec l'Atletico Mineiro - 2015

Crédit: AFP

Véritable spécialiste du marché brésilien, l’ancien directeur sportif de l’ASM peut également se reposer sur un réseau d’informateurs colossal (entraîneurs, dirigeants, agents, journalistes, anonymes). Très souvent, ce proche de Mourinho reçoit des messages et des renseignements quant à la progression de tel ou tel joueur. A l’écoute et très professionnel, l’ancien entraîneur de Beira-Mar ne néglige aucun appel et surtout aucune piste.

La cellule d’adaptation spéciale, l'autre "service" made in Brésil

Mais au-delà de l’aspect purement scouting qui a littéralement été révolutionné sous l’impulsion de Campos, le Portugais, inspiré par ses expériences à Manchester United et au Real Madrid, clubs dans lesquels il a officié, a également conceptualisé un autre "service" made in Brésil : aussi surprenant que cela puisse paraître, cette nouveauté est une cellule d’adaptation spécialement dédiée aux joueurs brésiliens. Une structure chapotée par le team manager Bernard Veronico.
En fait, ce salarié du club qui parle notamment portugais et trois autres langues (l’anglais, l’italien, l’espagnol) a pour mission de faciliter l’intégration des recrues sud-américaines. "Pour un joueur brésilien, l’adaptation est beaucoup plus facile ici qu’ailleurs, reprend Vadim Vasilyev. En raison notamment du coach (Jardim), du staff technique (portugais dans sa grande majorité), et des autres joueurs aussi (Moutinho, Carvalho, Bernardo Silva, Fabinho…). C’est un point très important pour nous, mais aussi pour le joueur dans son adaptation à Monaco. Dans son intégration, tout va plus vite. C’est donc un avantage pour faire venir des joueurs brésiliens au club."
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Jemerson - AS Monaco 2016

Crédit: AFP

Là encore concrètement, cela se manifeste par une prise en charge totale dès les premiers jours. Pour gagner du temps, une personne du club se charge de vite trouver une maison au joueur concerné. Idem pour toutes les facilités du quotidien (téléphone, internet, billets d’avion, famille, transports, prise en charge des cours de français dès l’arrivée du joueur).
Tout aussi surprenant, l’ASM se charge également pour ces recrues de trouver des restaurants spécialisés dans la nourriture brésilienne. Des plats à base de riz, de haricots, et de viande sud-américaine, très différente de celle d’Europe. Puis petit à petit, on soumet au joueur la possibilité de découvrir la culture française afin de lui donner envie de s’adapter à son nouveau mode de vie. Des petits détails pris très au sérieux par l’ensemble de l’entité AS Monaco.
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