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Les pelouses de L1 souffrent ? "En Angleterre, quand un jardinier parle, on l'écoute"

François-Xavier Rallet

Mis à jour 30/09/2016 à 14:15 GMT+2

LIGUE 1 - A la tête de l'entreprise Covergarden, premier producteur de gazon en France, Arnaud Dugast nous livre son regard d'expert sur l'état catastrophique de certaines pelouses hexagonales. Pour lui, tout le monde ne joue pas le jeu.

Jonathan Calderwood, le "greenkeeper" du Parc des Princes

Crédit: AFP

Le week-end dernier, on a vu que les pelouses de Bastia, Bordeaux et Montpellier étaient de piètre qualité. Est-ce un problème franco-français ?
Arnaud Dugast : Cela arrive dans d'autres championnats. On n'a pas l'exclusivité des emmerdements sur les stades. Ces problèmes sont surtout liés au pythium, ce champignon sur les pelouses. C'est le souci en ce moment. Il y a effectivement des problèmes, mais ce n'est pas tout de le dire. Il faut savoir d'où ça vient…
La question est donc posée…
A.D. : C'est une conjoncture et un enchaînement de responsabilités. Ça vient un peu de tout le monde, y compris aussi de l'Etat, de la réglementation européenne et du manque flagrant de produits homologués pour traiter les gazons. Après, je ne suis pas un grand spécialiste des fongicides, mais il s'avère qu'on avait, jusqu'à présent, trois ou quatre produits homologués et qu'aujourd'hui, on en n'a plus qu'un. A la fin, on trouve des résistances à certaines maladies par faute de produits efficaces pour les traiter.
Est-ce un problème culturel ou uniquement financier ?
A.D. : C'est probablement un manque de moyens financiers, techniques et réglementaires. Il est important de se poser les bonnes questions : quels sont les meilleurs substrats ? Est-ce que l'Etat joue le jeu ? Est-ce qu'on donne les moyens à des stades de bien entretenir les pelouses – ce qui n'est pas forcément le cas pour le coup quand on voit ce qui se fait dans d'autres championnats ? C'est important aussi que toute la filière soit responsable dans l'entretien des pelouses.
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Les jardiniers du Parc des Princes

Crédit: Panoramic

Parfois, il serait bon de décaler des entraînements
C'est-à-dire ?
A.D. : Cela signifie que tout le monde doit jouer le jeu. Le staff technique d'un club, mais également les joueurs, doivent respecter leur outil de travail. Parfois, il serait bon de décaler des entraînements, s'entraîner à des endroits différents. On a beau mettre des milliards d'euros sur la table pour une pelouse, pour faire germer des graines, il ne faut pas lui marcher dessus. Il est impossible de faire des miracles en une semaine. On parle souvent des gazons et des "greenkeepers" anglais. Là-bas, à Arsenal ou à Manchester, quand un jardinier dit 'on ne s'entraîne pas', il est écouté par le staff technique. En France, ce n'est pas forcément le cas. En tout cas, c'est très rare.
Une pelouse dédiée au football doit-elle avoir une seule fonction ?
A.D. : Autrement dit, doit-on organiser d'autres évèéements comme des matches de rugby ou des concerts ? Tout est possible. Mais une pelouse, ça reste naturel. Même avec les substrats hybrides, on voit que ces pelouses ont leurs limites. Ils nécessitent de s'adapter : on ne peut pas venir replaquer si ce n'est avec le même substrat, avec les mêmes caractéristiques techniques et du coup, il n'y a pas forcément du stock. On est dans des coûts qui ne sont plus du tout les mêmes et ça freine un peu toute la filière.
On a surtout l'impression qu'en France, on est plus dans la réaction que dans l'action…
A.D. : Certains stades ne prennent pas forcément les engagements avec les producteurs de substrats ou de gazon pour avoir des sécurités derrière. C'est tout un enchaînement de responsabilités. Quand on arrive à jouer des matches sur une pelouse un peu dégueulasse, tout le monde dit qu'elle est un peu dégueulasse. Le constat arrive trop tard. Quand on manque de temps, la seule solution, c'est de remplacer la pelouse dans son intégralité. Ce n'est pas si simple car le stock manque souvent. Et que les investissements n'ont pas été faits au départ.
C'est ce qu'a fait Toulouse dernièrement. Quel coût représente une telle décision ?
A.D. : Une communication a été faite au moment de ce remplacement et on a parlé, à l'époque, de 460 000 euros. C'est à peu près ça. C'est une facture avec un replaquage en substrat hybride. Avec du gazon, le coût est beaucoup moins important, mais on n'a plus la cohérence de substrat entre la base du terrain et ce qu'on va remettre dessus.
Avant l'Euro, la FFF et son président avaient désiré porter une attention particulière à la qualité des pelouses en France. On a l'impression que les efforts n'ont pas été suffisants…
A.D. : Attention, l'Euro a eu lieu il y a quelques mois seulement. Si on veut mettre de la qualité dans les pelouses existantes, on peut toujours faire des opérations. Si on se dit : 'mince, il faut changer la pelouse', les stocks ne peuvent pas être constitués comme ça, en deux ou trois mois. Le délai est trop court. Il faut aussi avoir en tête que les stades modernes comme Bordeaux sont des enceintes compliquées pour entretenir du gazon.
A Marseille, par exemple, la pelouse ne voit jamais le soleil.
Pour quelles raisons ?
A.D. : On a tout fait pour faire des salles de spectacles pour le confort des spectateurs, pour qu'ils soient près des terrains. C'est très bien. Mais du point de vue de la pelouse, c'est compliqué. A Marseille, par exemple, la pelouse ne voit jamais le soleil. On a des enceintes complètement fermées qui manquent d'aération. Le pythium apparaît car les gazons restent humides. Les stades sont des espèces de marmites qui développent tout un tas de maladies cryptogamiques. Et là-encore, on ne nous donne pas tous les moyens pour y parvenir. C'est comme si on soigne une fracture de la jambe avec un pansement.
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Cure de luminothérapie au Stade Vélodrome

Crédit: Panoramic

Aujourd'hui, on fait l'apologie des substrats hybrides. Pourquoi, selon vous ?
A.D. : Ils répondent, certes, à des données techniques bien précises : beaucoup plus de perméabilités, plus de flexibilité si on veut faire des concerts, les sols étant beaucoup plus portants, une meilleure réaction aux conditions hivernales. Sauf que le coût n'est pas le même. Et quand on a un problème comme celui d'aujourd'hui, il n'y a pas forcément de solution de remplacement parce qu'il n'y a pas eu les investissements faits en amont. L'hybride, c'est une bonne solution, car il faut aller de l'avant. Tout le travail effectué notamment par Natural Grass a été excellent. Ce sont des solutions techniques hyper abouties. Sauf qu'il faut du stock sur ces technologies, et je le répète, c'est tout le problème aujourd'hui. L'hybride a été créé pour éviter le replaquage. Pour autant, ça ne se vérifie pas forcément.
Quid du synthétique ?
A.D. : C'est une technologie qui a aussi ses contraintes, même si certains stades préfèreraient mettre du synthétique pour éviter les problèmes. Mais sur une telle surface, les sensations ne sont pas les mêmes. Il y a des odeurs. Pour être franc, le synthétique a des intérêts mais sur des petits stades ou des terrains d'entraînements. Et puis, c'est un coût beaucoup plus important que le gazon naturel. C'est un vrai investissement au départ. Après, les frais d'entretien sont moins importants, c'est sûr.
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