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"C’était un cauchemar"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 08/12/2010 à 15:15 GMT+1

Christophe Bouchet est l’homme qui a fait venir Didier Drogba à Marseille et l’a vendu à Chelsea. L'ancien président de l'OM, qui ne garde que des bons souvenirs du joueur et de l'homme, assure qu'il n'avait pas d'autre choix, même s'il a vécu un véritable "cauchemar".

Marseille 2005 Bouchet

Crédit: AFP

CHRISTOPHE BOUCHET, six ans après le départ de Didier Drogba de Marseille, comment expliquez-vous qu'il ait toujours une telle cote d'amour auprès des supporters de l'OM ?
C.B. : Didier est un garçon affectif. Ce n'est pas un mercenaire. C’est un homme qui donne beaucoup et ça se sent. Il est arrivé avec un vrai enthousiasme et est parti triste car il croyait au projet. Didier est entier. La comparaison peut paraitre un peu bizarre mais il me fait penser à Frank Leboeuf. Ce sont des joueurs qui ont eu du succès sur le tard et qui ont mangé de la vache enragée. Il y a une vraie reconnaissance pour le club qui les engage et du public. Ils dégagent une force et quelque chose de très fort. Aussi, à cette époque, le Vélodrome était en panne d'idoles. L'équipe de 2002/2003, sans faire offense aux joueurs, n'était pas digne de l'OM. Les supporters étaient sevrés de joueurs et de grands matches. Le stade explosait de bonheur de retrouver cela.
A l'époque, vous étiez président du club. Comment s'est déroulée son arrivée à Marseille ?
C.B. : En 2002/2003, Didier Drogba avait fait une belle saison à Guingamp. A l'OM, on avait fait une année un peu "exceptionnelle". On avait fini troisième grâce à Alain Perrin et un effectif.... (il réfléchit longuement) de fond de tableau Ligue 1. Notre priorité de recrutement était un attaquant. A ce moment-là, tout le monde voulait le duo Malouda - Drogba. Il y en a d'ailleurs qui ont fini par l'avoir...
Comment l'avez-vous convaincu de vous rejoindre et de repousser l'offre de Lyon, qui était au sommet ?
C.B. : Il se trouve que Didier était beaucoup plus attiré par Marseille, que son agent était marseillais (ndlr : Pape Diouf), ce sont des choses qui rapprochent. J'étais également proche de son agent à l'époque, ce qui rapproche encore plus. Ajoutez à cela que le projet de jeu était intéressant. L'histoire l'a démontré. On a perdu la finale de la Coupe de l'UEFA à pas grand chose, en battant de belles équipes européennes.
A son arrivée au club, on parlait bien plus d'une autre recrue, Mido. A quel moment vous êtes-vous dit que Drogba était au-dessus et qu'il allait tout casser ?
C.B. : Il y a eu quelques signes dans les deux premiers mois. On fait notamment un très bon match en Ligue des Champions à Madrid, on perd mais on se dit que si ça veut rigoler avec les deux... Malheureusement, Mido était en-dessous. Il aurait pu devenir l'idole du Vélodrome. Il donnait beaucoup aussi. Mais il se trouve que Didier était, comme à Guingamp, engagé. Ça s'est senti très vite. Tout s'est magnifié de février à mai, avec notre parcours en Coupe de l'UEFA. L'UEFA, on la dénigre mais je souhaite à beaucoup de gens de vivre des moments comme cela à Marseille. C'était de la folie. En demi-finale aller (ndlr : face à Newcastle), Didier marque deux buts, dont un fantastique. Ça a donné un moment de fusion incroyable.
Pourquoi l'avoir laissé partir à Chelsea alors ?
C.B. : Ça a été un déchirement pour tout le monde. Les supporters croient que l'on a essayé de faire de l'argent avec lui. Mais la vérité est que le club était à la ramasse. J'avais la charge de le restructurer. Si l'OM est aujourd'hui dans la position où il est, c'est aussi parce qu'on a vendu Drogba. Les dizaines de millions qu'on perdait, il fallait bien les récupérer quelque part. Contrairement à ce que disaient les supporters, ce n'était pas à Robert Louis-Dreyfus de rendre l'argent... Il s'agissait de le retrouver.
N'y a-t-il pas eu un moment où vous vous êtes dit "il faut le retenir"...
C.B. : Il faut remettre les choses dans leur contexte. On avait des offres pour Didier, dont une ferme de la Juve. Le prix d'un attaquant comme lui était de 15 à 20 millions d'euros. Là, Chelsea nous en propose 35. Financièrement, on était encore à la limite. J'ai appelé l'actionnaire. Je lui ai dit : "On nous donne 35, que fait-on ?", il m'a répondu : "On vend." J'ai fait ce que je pouvais faire. C'était un cauchemar. Avec le recul, aurait-on pu le garder ? On avait déjà recruté Pedretti. Avec les deux, je pense que l'on aurait pu faire un carton. Mais on ne peut pas refaire l'histoire. Tout le monde m'a mis sur le dos d'avoir vendu Drogba, personne n'a dit que je l'avais acheté. C'est la vie.
Quand vous lui avez annoncé qu'il partait à Chelsea, comment a-t-il réagi ?
 C.B. : Il dit qu'il ne veut pas partir ! On va le voir avec Pape à l'hôtel à Marseille, il est vraiment touché. C'est une réalité.
 C'est ce qui rend son cas unique...
 C.B. : On lui avait doublé son salaire dans l'année. A Chelsea, il triplait cette somme au minimum. Mais il était prêt à rester. A Londres, il a eu six mois très douloureux. Il revenait nous voir tout le temps, il venait consulter le médecin. C'était embarrassant pour tout le monde. C'est peut-être le seul reproche qu'on peut lui faire. A ce moment-là, il ne nous a pas aidés. Il souffrait et on était un peu la cause de la souffrance. C'est vrai. Mais aujourd'hui, Drogba est le grand joueur qu'on connait.
 Au moment où il part, pensez-vous qu'il va réussir une telle carrière ?
 C.B. : Oui, dès son départ de l'OM. On l'a vite vu. Même à Guingamp l’année précédente. Honnêtement, je ne le connaissais pas. On joue là-bas en début de saison. Il avait tellement remué Daniel van Buyten que je me suis demandé qui était ce gars. Toutes ses qualités, comme Malouda, il les avait déjà là-bas.
 Son transfert à Chelsea a-t-il plombé la saison 2004/2005 de l'OM ?
 C.B. : Ça a un peu mis tout le monde "stone". Mais il faut faire face à la réalité. Si l'OM est à ce niveau aujourd'hui, c'est aussi grâce à Drogba ou Ribéry. On est dans un système qui est ce qu'il est. On ne peut pas changer les règles. Un joueur comme Hazard partira de Lille. On n'a pas la capacité de prendre Drogba et des Ronaldo. Notre niveau économique est celui des Pays-Bas ou du Portugal. On est une pouponnière. Si on veut garder Drogba un jour, il faut construire des stades, bâtir une économie. Notre système est moins avantageux et, contrairement à aux Anglais, on ne fait pas de paris sur un ou deux hommes. Il y a cette vieille rengaine de doubler les postes. L'OL est devenu l'OL grâce au pari Anderson. Nous, on aurait pu le faire avec Drogba. Mais l’actionnaire, qui était là depuis huit ans au club, avait perdu 200 millions d'euros...
Le revoyez-vous parfois ?
C.B. : Quand je le croise aujourd'hui, j'ai l'impression de l'avoir quitté hier. Je l'ai vu dernièrement en Afrique, il m'a vu de loin et est venu me prendre dans ses bras. Des mecs comme ça, cela n'existe plus dans le football. On a investi sur quelqu'un, il le rend. Il sait d'où il vient.
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