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2h pour le foot français
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Publié 26/03/2012 à 19:28 GMT+2
Nous avons assisté pendant deux heures à "un sommet" entre présidents de clubs venus débattre sur le recul du football français en Europe. Entre petites phrases, idées réalistes et farfelues, récit d'un brainstorming qui ressemble à la première pierre d'une construction fastidieuse mais nécessaire.
Labrune ligue des champions
Crédit: AFP
Jeudi 22 mars. 10h30. Des silhouettes familières s'engouffrent dans un salon au coeur du Stade de France. Il y a là Vincent Labrune, Leonardo, Gérard Houllier, Pierre Dreossi et Dominique Rocheteau, entre autres. Des journalistes, des entraîneurs et des anciens joueurs aussi. Tous sont venus, à l'invitation de l'Union des clubs professionnels (UCPF) participer à un atelier sur la compétitivité du football français. L'intitulé est volontairement provocateur: "Pourquoi ne gagne-t-on pas la Ligue des champions?". Le but? Echanger, sans tabou, et proposer, quitte à provoquer, des idées qui doivent permettre au football français de briller à nouveau sur la scène européenne. Pas une mince affaire. Une voix s'élèvera plus tard: "Il faudrait d'abord se demander si on peut gagner la Ligue Europa..."
L'atelier est animé par Bernard Caïazzo, le président de Saint-Etienne, et Marc Keller, assistés de Nathalie Ianetta. D'emblée, la journaliste ouvre le débat avec les exemples de l'Allemagne et du Portugal, qui vient de passer la France à l'indice UEFA. Elle interpelle rapidement Leonardo, le manager du PSG. "J'étais plus venu pour écouter que parler", lance le Brésilien. Finalement il se révèle assez bavard. Il ne le sait pas encore mais son monologue va créer une polémique avec plusieurs entraîneurs de L1." Si la France perd une place, c'est que quelque chose ne marche pas. Il n'y a pas de culture de la gagne ici. Le niveau de préparation des joueurs et des entraîneurs est vraiment bas, dit-il évoquant pêle-mêle "un blocage mental", une "vision franco-française" et "l'importance de mettre le foot dans la politique".
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Ligue 1 2011/2012 PSG Leonardo
Crédit: AFP
Baup: "La Ligue Europa, on s'en fout"
Vincent Labrune, le président de l'OM, prend à son tour la parole. Il a beaucoup choses sur le coeur: le besoin d'avoir "une base solide et des actionnaires puissants", le nombre "trop limité" de prêts possibles, l'impossibilité de gagner "sans les meilleurs éléments ou le meilleur entraîneur" ou de posséder des joueurs en copropriété. Puis, il dérive sur le terrain économique: "Arrêtons les taxations à 75% ! Déjà, médiatiquement, la Ligue 1 ne vaut rien. Et sportivement, c'est quoi? Ce sera impossible d'attirer des stars ! Il y a un marché pour les très grands joueurs mais de moins en moins pour ceux entre 5 et 12 millions qui constituaient une grande partie de nos recettes", regrette-t-il avant de lâcher. "Je n'ai pas la tête à ça". Nous sommes le surlendemain de l'élimination de l'OM à Quevilly...
Bernard Caïazzo recadre alors le débat, parle "d'obsession économique" et suggère de revenir au ballon, au terrain. "On oublie le sport". Gérard Houllier lui emboite le pas. "La compétitivité, c'est avant tout le jeu. On a besoin d'une philosophie de jeu à la française". Pierre Dréossi, manager du Stade rennais, revient toutefois à des préoccupations pécuniaires: "Les gros ne sont pas assez gros. Il faut des clubs plus riches. Peut-être revenir à 18 clubs. Il n'y a pas suffisamment de différence entre les gros et les plus petits." Puis vient sur le tapis le manque de motivation des clubs français en Ligue Europa. Elie Baup se lâche: "Quand on est qualifié en Ligue Europa, c'est bizarre mais on s'en fout. Ce qui compte, c'est la saison suivante. Il faut que ça change." Traduisez: l'obsession du maintien.
Même la LFP "n'y croit pas"
"C'est le risque fort de descente en Ligue 2" qui pose problème confie Marc Keller. "Un club qui joue l'Europe doit-il avoir peur de descendre?", entend-t-on. Un tel débat ne serait rien sans le serpent de mer du calendrier. Faut-il supprimer des compétitions comme la Coupe de la Ligue ou réduire le nombre de clubs dans l'élite? "Il vaut mieux gagner un titre que de se taper quatre matchs de championnat voire plus, lance Labrune. On doit vendre du rêve, de l'émotion. Il faut repasser à 18 voire 16 clubs." Le président marseillais est remonté. "Si on était en finale des deux Coupes et de la Ligue des champions, on aurait fini la saison avec quatre matchs de retard. On faisait comment? Le foot français ne croit pas en ses équipes". Le responsable du calendrier à la Ligue, sollicité, confirme. "On n'y croit pas, c'est vrai."
Que faire alors? Eric Carrière est favorable à la suppression de la trêve hivernale. "On n'enlève que trois jours de repos pour les joueurs finalement." Jouer plus en janvier? Février? "C'est la pire période pour les joueurs et les spectateurs", conteste Dréossi. Keller va plus loin. "Pourquoi pas un calendrier sur une année civile de mars à octobre?" Labrune: "Ça n'a pas de sens ! Seuls les Russes fonctionnaient comme ça et ils vont bientôt s'aligner. Et nous, on va faire machine arrière?" "C'est trop de changements", lance une voix. "Oui, mais le changement, c'est maintenant", rétorque dans un sourire Nathalie Ianetta, consciente qu'il s'en passera du temps avant que l'une ou plusieurs de ces idées ne se concrétisent. Sans parler des résultats...
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