Et pourtant, Manchester United prend l'eau

Le début de saison de Manchester United tient du miracle perpétuel. Onze fois menés (pour huit victoires au coup de sifflet final), plombés par une défense prise en défaut plus d’une fois par match en moyenne, les Red Devils dominent pourtant le championnat d'Angleterre de la tête et des épaules. En prenant le large devant Manchester City (+7 points), les hommes de Sir Alex Ferguson balayent vingt années de règles non inscrites en Premier League. Le champion a toujours présenté une des cinq meilleures défenses pour aller conquérir son titre? Manchester United n’a jamais eu autant d’avance cette saison en tête de la Premier League avec… le huitième total de buts encaissés le plus élevé outre-Manche (28 buts). A échelle européenne, les Red Devils affichent la 65e meilleure défense des cinq championnats majeurs (sur 98 clubs engagés).

"Cela nous préoccupe", a encore une fois concédé Rio Ferdinand après un match fou contre Newcastle (4-3) mercredi. A Manchester, le refrain est connu. Oui, depuis le début de saison, les Red Devils encaissent trop de buts. Surtout lors d'entames de matches pas toujours maîtrisées. Mais bon, ça se finit presque toujours bien… "Nous avons besoin d'y remédier, reprend pourtant Ferdinand. Nous sommes dans une très bonne position mais pour nous maintenir à ce niveau, nous devons nous prendre en main et faire un gros effort." En continuant sur ce rythme, United bouclerait le championnat avec 56 buts encaissés. Plus que lors de n'importe laquelle de ses saisons couronnées du titre (avec 54 buts encaissés, le parcours des Mancuniens en 1956-57 fait figure de record).

Anomalie dans l'histoire de Manchester United, cette dualité entre errements défensifs et succès collectifs détonne tout particulièrement à l'aune des dernières saisons de Premier League. Entre 2007 et 2009, les Red Devils ont construit leur triplé en encaissant 27, 22 et 24 buts par saison. Le Chelsea de José Mourinho a fait encore mieux : 15 buts concédés en 2005. Depuis la refonte du championnat d'Angleterre, en 1992, seuls les hommes d'Alex Ferguson ont pointé au-dessus de la barre des 40 pions, en 1997 (44) et 2000 (45). A chaque fois, la même recette : une attaque de feu (la meilleure de Premier League) pour renverser les situations les plus délicates. Cette saison encore, la réussite de Manchester United tient pour beaucoup au rendement de ses attaquants et à Robin van Persie (13 buts), digne successeur de Solskjaer, Dwight Yorke et Andy Cole.

"On marque, ce qui est le plus dur dans le football, appuie le défenseur central Johnny Evans. Les clean sheets vont venir naturellement." A condition que les défenseurs évitent quelques boulettes. Mercredi, Evans a repris à son compte une mauvaise tendance dans les rangs mancuniens. A la lutte avec Papiss Cissé, le grand Irlandais s'est pris les pieds dans le gazon et a expédié le ballon au fond du but gardé par son équipier David De Gea. Une séquence finalement sans conséquences, mais qui porte à quatre le nombre de buts contre son camp auxquels les supporters d'Old Trafford ont assisté cette saison (seulement sept pour les 20 saisons précédentes). Les Mancuniens ont déjà encaissé 13 buts cette saison à domicile. Autant que Sunderland, 13e de Premier League. Mais les Dieux du football préfèrent les Red Devils aux Black Cats.