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Premier League - Philippe Auclair : Mais où va Manchester City ?

Philippe Auclair

Mis à jour 11/04/2015 à 16:20 GMT+2

Si Manchester City s’est acquis la réputation d’un club remarquablement bien géré, les Citizens ne doivent plus se contenter de titres nationaux s'ils veulent grandir davantage à l'échelle européenne.

Philippe Auclair sur Manchester City

Crédit: AFP

Un milliard – de livres sterling – plus tard, on est tenté de se dire: ‘tout ça pour ça?’. Ce club a gagné des titres, certes: en l’espace de cinq saisons, la FA Cup, la Coupe de la League, le championnat, deux fois, alors qu’un trophée, pour un Citizen, c’était, depuis 1976, ce qu’on collectionnait dans l’autre grand club de la ville.
De l’aveu de tous ceux qui l’ont visité, le nouveau centre d’entraînement inauguré en décembre dernier, le Etihad Campus, est une merveille. S’il est possible de dépenser sagement 200 millions de livres, ce fut le cas à cette occasion. City est aussi une superbe vitrine pour les Emirats Arabes Unis, pour Abou Dhabi en particulier, projetant l’image d’un pays et d’une fédération ouverts sur le reste du monde, tolérants, qui prennent grand soin à s’effacer du devant de la scène autant qu’il leur est possible. Une sorte d’anti-Qatar, si vous voyez ce que je veux dire; et vous le voyez sans doute.
Al-Mubarak, le président de City, n’est certainement pas le pendant de Al-Khelaifi, dans la présentation comme dans les méthodes. On fait dans le feutré à l’Etihad. Si le ‘projet’ est tout aussi ambitieux que celui du PSG, voire davantage, quand on voit City s’implanter aux USA ou en Australie, il est executé sotto voce, comme si… comme si ce n’était pas du Golfe que l’on dirigeait l’orchestre, mais bien de Manchester.
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Les supporters de Manchester City

Crédit: AFP

Pour Abou Dhabi, le football est une vitrine, mais aussi un levier

Qu’on se leurre pas : les objectifs, à terme, sont identiques. Le football est une vitrine, mais aussi un levier permettant à des pays dont le poids géopolitique serait minime autrement, d’assumer une autorité et d’asseoir une influence qui garantissent leur sécurité – et amplifient leurs voix de quelques décibels quand il faut se faire entendre dans le concert des nations. Le sacrifice financier qu’il faut consentir pour cela est une notule en bas de page des comptes annuels; le jeu – le football – en vaut la chandelle.
Et pourtant, à la veille d’un 169e derby de Manchester dont les Citizens ne partiront certainement pas favoris, alors que le PSG est toujours à la poursuite d’un improbable quadruplé, on se demande toujours, ‘mais où va City?’ La spécificité du sport fait que ce n’est pas parce que City s’est acquis la réputation d’un club remarquablement bien géré (et il l’est), qui a su protéger son identité malgré l’irruption de propriétaires qui ne connaissaient rien de sa culture, que le ‘projet’ peut être qualifié de succès.
La barre a été placée si haut d’emblée qu’elle ne pouvait pas manquer de tomber ; mais, de la même façon qu’un sauteur en hauteur ne dispose que de trois essais, ceux qui dirigent la destinée de Manchester City savent que, malgré les trophées gagnés en route – et tous l’ont été sur le sol anglais –, il leur est indispensable de viser bien plus haut pour remplir leur contrat. En Europe, évidemment. En Europe où, une fois de plus, le FC Barcelone a montré à tous, dans la plus cruelle des lumières, que le fossé entre l’équipe bâtie sur les pétrodollars et la super-élite du continent à laquelle elle entend appartenir demeurait aussi profond que jamais.
Un autre club – Liverpool, Arsenal, voire même Chelsea et Manchester United – ne serait pas perçu comme l’est City aujourd’hui quelques mois seulement après avoir fait le doublé. On évoquerait une ‘transition délicate’; on serait déçu, sans doute; mais on ne parlerait pas de défauts systémiques et de la nécessité de revoir le fonctionnement du club bien au-delà du possible remplacement de son manager. Car c’est une curieuse image que projette City, à la fois conquérante et fragile.
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Manchester City's Vincent Kompany

Crédit: Reuters

Pep Guardiola, toujours une cible pour 2016

L’accent mis sur le ‘long terme’, sur quoi les dirigeants du club ont toujours insisté (au point que Al-Mubarak a publiquement regretté de n’avoir pas eu confiance assez longtemps en Mark Hughes, malgré les titres remportés ensuite avec Roberto Mancini), ne s’est pas traduit par une acceptation de ce qu’il fallait laisser du temps au temps, pour reprendre l’expression consacrée. L’énormité des sommes engagées dans la construction d’un nouveau City l’explique aisément. Mais il est d’autres raisons pour cela. L’humilité affichée du discours tenu par les responsables du club ne s’est pas toujours manifestée dans leurs choix.
On a voulu, par exemple, devenir un Barça-bis. Dans l’espoir d’attirer Pep Guardiola, on a recruté deux de ses alliés du Camp Nou, Ferran Soriano et Txiki Beguiristain, comme s’il était possible de transplanter la Catalogne dans le nord-ouest de l’Angleterre en signant quelques contrats. Cela n’a pas empêché Guardiola de choisir le FC Bayern. Et voilà que maintenant, l’un des arguments utilisés pour justifier le maintien de Pellegrini à l’Etihad, quoi qu’il arrive ou presque, est que Guardiola, toujours lui, sera libre en 2016. Pourquoi se hâter si la cible sera de nouveau à portée dans un peu plus d’un an?
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Pep Guardiola

Crédit: Getty Images

Mais ceci revient clairement à faire un amalgame paradoxal entre le ‘long terme’ et la précipitation. Car la précipitation, ce peut aussi être agir de manière irréfléchie dans le présent en se faisant une idée erronée de l’avenir. Rien ne dit que Guardiola ne rempilera pas à l’Allianz Arena. Quand bien même entraîner en Angleterre le tenterait, pourquoi ne patienterait-il pas une saison de plus pour prendre en main un club dont le profil, le jeu et le statut sont bien plus proches de ses affinités, à savoir Arsenal ou Manchester United, quand les contrats de Louis van Gaal et Arsène Wenger atteindront leur terme?
Manchester, lieu de vie, n’a pas l’attractivité de Rome, Paris ou Madrid et n’est pas la plus évidente des destinations pour un footballeur ou pour un manager si le terminus n’est pas Old Trafford. City le sait, qui doit verser à ses joueurs des salaires sans commune mesure avec ce qui leur serait proposé ailleurs. Jovetic, par exemple, émarge à plus de 6 millions d’euros annuels, plus primes, tandis que Bakary Sagna, il est vrai parvenu à la fin de son contrat avec Arsenal lorsqu’il rejoignit les Citizens, toucherait – selon de multiples sources – un minimum garanti de 8,2 millions d’euros annuels, primes exclues.
Or, tant que City ne se sera pas rapproché (une finale, au moins) du trophée qui pourrait aimanter les meilleurs footballeurs du continent, on en demeurera là, d’autant plus qu’il faut désormais composer avec les impératifs du fair-play financier, dans sa version UEFA comme dans celle mise en place par la Premier League. Comment City le fera est une autre histoire.
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