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Klopp n'a pas encore pris la mesure de la "férocité" de la Premier League et Liverpool le paie

Philippe Auclair

Mis à jour 13/01/2016 à 13:04 GMT+1

FOOTBALL - Liverpool est dans une période délicate : les blessures succèdent aux blessures, peut-être provoquées par la méthode éreintante de son nouvel entraîneur, Jürgen Klopp. Ce dernier a importé d'Allemagne ses idées et ses principes. Pas encore une grande réussite. Il devra s'adapter pour durer.

Jürgen Klopp (Liverpool) - 2015-2016

Crédit: AFP

Sam Allardyce qui donne la leçon à Jürgen Klopp, on aura tout vu, non ? Comment ose-t-il, ce dinosaure, s'attaquer au chouchou des hipsters, à l'homme dont même Sir Alex Ferguson - grand ami de Big Sam - craint qu'il ne refasse de Liverpool une équipe qui se batte avec les Red Devils pour une place sur leur "p***** de perchoir" ? Mais, comme le disait George Orwell, ce n'est pas parce que quelque chose est écrit dans le Daily Telegraph que ce quelque chose est nécessairement faux; et ce n'est pas parce qu'Allardyce se fend d'un tacle que celui-ci doit automatiquement être sanctionné d'un coup franc.
Voici que qu'a dit le manager de Sunderland, parlant des blessures musculaires qui ont obligé Klopp à aligner une équipe de Youth Cup (plus Enrique, dont tout le monde avait oublié qu'il était encore sous contrat avec les Reds) face à Exeter City en 32es de finale de la FA Cup, au vu d'un programme démentiel en ce début de 2016. "C'est lui (Klopp) qui demande à ses joueurs de jouer un jeu de pressing à haut tempo dans la moitié de terrain [de l'adversaire]. C'est formidable que ses joueurs aient été capables de le faire, mais je crois que la fatigue se fait sentir maintenant."
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Solomon Kverkvelia, Christian Benteke - Rubin Kazan - Liverpool Ligue Europa le 5 novembre 2015

Crédit: AFP

Je ne crois pas que Jürgen se soit rendu compte de la férocité de notre championnat
A fair point, dirions-nous ici. Pas moins de douze joueurs de Klopp sont aujourd'hui aux soins, alors que Liverpool doit se préparer à disputer six matches d'ici la fin de ce mois, en l'espace de dix-sept jours - si tant est qu'Exeter City capitule dans le replay de FA Cup programmé le mercredi 20 janvier -, dont une demi-finale de League Cup contre Stoke et, dès dimanche, un duel toujours brutal contre Manchester United. Après quoi, il faudra ajouter les 16es de finale de la Ligue Europa au menu, avec Augsbourg au rendez-vous les 18 et 25 février.
Continuons d'écouter Allardyce : "Je ne crois pas que Jürgen se soit rendu compte de la férocité de notre championnat à cette époque de l'année, parce qu'il a demandé [à ses joueurs] encore davantage d'énergie, les dix yards en plus. [Ses joueurs] sont fatigués, vu le nombre de matches à jouer dans un laps de temps aussi court, et se paient des blessures musculaires. Ce sont des athlètes très affûtés, plus que jamais auparavant, et la masse de travail qu'ils doivent abattre dans un match aujourd'hui les rend plus susceptibles de se blesser".

Liverpool court plus et plus vite

Laissons de côté les grands titres dont se sont fendus les tabloïds anglais après ces déclarations. Pour eux, tout ce qui peut ressembler à une guéguerre verbale entre managers est du pain bénit. Et posons plutôt la question : Allardyce aurait-il mis le doigt là où Liverpool a le plus mal ? Les statistiques confirment l'intensification de l'effort fourni par les Reds depuis que Klopp a succédé à Brendan Rodgers. Distance parcourue par l'équipe en un match quand l'Irlandais du Nord était en place: 107, 7 kilomètres. Avec l'Allemand aux rênes, 112,8, soit une augmentation de 5% environ, ce qui est loin d'être négligeable à ce niveau de compétition, quand les équipes de Rodgers n'avaient pas la réputation d'être des traîne-crampons. Nombre moyen de sprints avant, en quatre-vingt-dix minutes: 474. Après : 548. Nombre de blessures subies par les joueurs de Liverpool lors des deux derniers mois passés par Rodgers à Anfield: huit. Lors des trois premiers de Klopp sur les bords de la Mersey: vingt-quatre.
Certains accuseront une préparation physique insuffisante en présaison, un argument douteux en ce cas précis. Ce n'était pas à Rodgers d'imaginer quelles seraient les exigences de son possible successeur en ce domaine, et rien n'indique qu'il ait failli à son devoir. On dira ce qu'on voudra du disciple de Mourinho, ce dont je ne me suis d'ailleurs pas privé dans le passé; mais il n'est jamais passé pour un "tueur" dans le milieu, bien au contraire. Il avait même insisté plusieurs fois sur la nécessité de phases de récupération plus longues dans le contexte de la Premier League. Sur ce chef d'accusation, non coupable, Votre Honneur.

A-t-il bien préparé son arrivée ?

A l'opposé, il semble que la préparation de Klopp à sa conquête de l'Angleterre n'ait pas été aussi minutieuse qu'on l'aurait cru. Il a récemment avoué, par exemple, qu'il ignorait que les demi-finales de League Cup se jouaient en matches aller-retour. Et à l'entendre - voir les conseils qu'il a prodigués à Pep Guardiola lors de sa conférence de presse de ce lundi -, on a le sentiment que beaucoup d'autres constantes de l'équation anglaise du football lui avaient échappé, à savoir le nombre de rencontres que toute équipe de l'élite doit s'attendre à disputer. Quand on fait match nul avant les demi-finales de la FA Cup, on rejoue. Il y a vingt clubs de Premier League, pas dix-huit comme en Bundesliga. La League Cup n'est pas un tournoi amical comme le fut la DFB Ligapokal avant qu'elle disparaisse après l'édition de 2007. Et un relégable de la Premier League offre un défi autrement plus conséquent - à tout le moins physiquement - qu'un traînard de Buli.
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Jurgen Klopp, Mamadou Sakho - Liverpool - Rubin Kazan en Ligue Europa 2015-2016

Crédit: AFP

Klopp n'est certainement pas le premier entraîneur importé d'un autre championnat à s'étonner de ce que celui d'Angleterre peut avoir de brutal. De la même façon qu'un footballeur venu de l'étranger doit passer par une phase d'adaptation quand il le découvre, un technicien doit "apprendre l'anglais", particulièrement lorsque son expérience du jeu a été acquise dans un seul pays. C'est le cas du manager de Liverpool.

Pochettino, le modèle à suivre

C'est là qu'on doit faire la comparaison avec un autre produit d'importation, Mauricio Pochettino qui, lui, a très vite compris que la méthode qu'il avait employée à Espanyol ne serait pas nécessairement la plus efficace lorsque Southampton lui fit appel. Il abandonna rapidement son programme de deux, voire trois séances d'entraînement quotidiennes. S'il exige de ses joueurs un pressing intense dans les trente mètres adverses, comme il sied à un élève de Bielsa, il prend aussi garde à ne pas griller ses attaquants en leur demandant de fournir ces efforts supplémentaires pendant l'intégralité d'une rencontre.
Regardez attentivement Tottenham jouer, et vous verrez que les Spurs prennent le temps de souffler, se réservent des plages de moindre activité qui peuvent passer quasi-inaperçues, mais leur permettent in fine d'appliquer encore plus efficacement le plan de leur entraîneur.
Aussi, attendons. Le Liverpool kloppien s'est parfois montré enthousiasmant, malgré les limites évidentes d'un effectif de qualité inégale. En d'autres occasions, il ne s'est pas élevé au-dessus de la médiocrité. Avant que les Reds se fassent à Klopp et interprètent son jeu comme le Borussia Dortmund le fit, il faudra que Klopp se fasse à son nouveau pays. Et écoute, peut-être, ce qu'Allardyce avait à lui dire.
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